Assez des querelles religieuses, politiques ou idéologiques ! Que cherchons-nous à travers tout cela, sinon à donner à l'homme une importance qui n'est pourtant que toute relative ? En tout cas, ce ne sont pas les
Singeries de
Denis Petit et de
Humphrey Vidal qui viendront démentir cette hypothèse, et pour la justifier, comble ultime, on les observe tout d'un coup se lancer dans une énième querelle… biologique cette fois !
Avec l'appui de
Guillaume Lecointre, professeur au muséum national d'Histoire naturelle, le dessinateur et le scénariste décident de mettre en scène l'affrontement idéologique qui oppose les partisans de l'Intelligent Design et ceux du darwinisme. D'un côté, de solides mastodontes bestiaux, cachant leurs penchants primaires derrière des panoplies costards/attaché-case, gros cigares et limousines –des commerciaux acharnés convertis au catholicisme par la force du capitalisme. de l'autre, des scientifiques convaincus que l'homme se situe dans la droite lignée du singe, acharnés à mettre la main sur des preuves concrètes de cette descendance. Et entre les deux, un pauvre érudit déçu par l'humanité qui, pour en finir avec la vie, décide de se suicider par une overdose de mots… Surprise ! le suicide échoue… la métamorphose opère… le vorace ès lettres devient Franky Stein ! Suivront d'autres références littéraires de pacotille dont notre érudit, transformé en homme-singe, semblera se repaître d'autant plus qu'il se rapproche du primate, comme s'il jouissait davantage du schisme provoqué par cet assemblage de bestialité et de culture, que des mots en eux-mêmes, instrumentalisés et faits objets de démonstration au profit d'une histoire dont on aura du mal à cerner l'intérêt.
Que cherchent à nous dire ces
Singeries ? Outre le fait que les théories concernant l'origine de l'homme doivent être approchées avec un esprit critique, visant à ne jamais faire perdre de vue que des intérêts économiques et le pouvoir motivent avant tout l'Eglise, l'Etat et la Science, le personnage de Franky Stein vient introduire une autre problématique : qu'est-ce qui distingue l'homme du singe ? Si l'homme aime se gargariser de grands mots, peut-on toutefois se contenter de cette particularité pour affirmer sa supériorité ? Les questions sont légitimes, bien qu'elles décèlent un fond de tartufferie… Dommage en revanche que leur représentation soit aussi grossière… comme si, pour convaincre le lecteur de la place relative de l'homme sur l'échelle de l'évolution, il était nécessaire de lui donner un grand coup de coude dans les côtes et de le faire choir tout en bas de l'échelle, aux côtés des vers et des amides.
Franky Stein, citant des vers de
Rimbaud et s'inspirant de la prose de
Rabelais –pour ne pas faire trop original- promène son corps d'homme-singe érudit au milieu d'un monde rempli d'hommes avides bien incapables de balbutier le moindre début d'alexandrin. le voici épanoui, rebondissant comme sur des ressorts et traçant sa voie entre méchants humains, gentils humains, et humains menteurs, alors que son passé d'érudit cultivé n'avait été qu'un triste chemin… Alors qu'on croyait avoir affaire à un album « raisonnable », dans le sens où il commence par exacerber la vanité des prétendants à la vérité intellectuelle, on finit par se retrouver avec un remake du mythe du « bon sauvage » -ou plutôt devrait-on dire du « bon ancêtre ». Citons, pour couronner le tout, cette question que se pose
Guillaume Lecointre dans la préface : « Qui est prêt à accepter cette idée que nous sommes des singes ? », et nous comprendrons alors que les
Singeries, en voulant se donner les atours du scepticisme intellectuel, ne cherchait en réalité qu'à véhiculer une thèse réduite en une image simpliste. Voici ce qui distingue l'homme du singe : l'art de jouer la bête lorsqu'il n'arrive pas à être autre chose qu'un homme.
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