Dès le début des années vingt, il devint rapidement impossible de publier en U.R.S.S. des ouvrages ouvertement critiques du système en place. Toutefois, pendant une dizaine d'années, jusqu'à la mainmise absolu de Staline sur le pays, fleurirent des ouvrages qui par le biais de l'humour et de la satire rendirent compte des méfaits de la bureaucratisation de toute une société.
S'inspirant de la forme de leur grand prédécesseur Nikolai Gogol, plusieurs auteurs talentueux firent apparaitre ainsi le tableau peu flatteur d'une société où corruption, lâcheté et bêtise institutionnelle devenaient règles communes. Ilf et Petrov brillèrent tout particulièrement en cette forme parallèle de dévoilement critique où prédominait la drôlerie. Si nombre de petits bureaucrates eurent certainement alors les oreilles qui sifflèrent de manière insistante, et cela jusque dans les strates plus élevées du pouvoir étatique, la très grande popularité de notre duo d'auteurs les protégea assez longtemps du sort que certains auraient voulu leur réserver. C'est donc à cette popularité que l'on doit l'existence des merveilleux livres de Ilf et Petrov dont il serait bien dommage de se priver encore aujourd'hui. Car, après tout, la confiscation de la démocratie par une horde de petits potentats auto satisfaits reste parfaitement d'actualité.
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Dès son plus jeune âge, Boris Indioukov avait fréquenté des universités, académies et autres panthéons littéraires. Il s'était fixé pour but de devenir un grand écrivain de la terre soviétique, mais l'Institut des Émotions Versifiées, où il étudiait, avait été fermé d'office par la direction de l'Enseignement professionnel avant que Boris eût appris si l'on devait ou non mettre un point à la fin des phrases.
Un fantôme incarnant l'extrême vertu errait à travers la ville en provoquant les événements les plus étonnants. Le sens critique qui sommeillait dans le cœur des citoyens s'était soudain éveillé.
Elochka Schukina (les 12 chaises)