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Critique de latina


« Vous ne pouvez absolument pas voir à quoi ressemble un nègre. Vous ne le pouvez pas : un nègre n'est jamais un être humain. C'est une menace ; un animal, une malédiction, un déshonneur ou une plaisanterie ».

Et voilà, c'est dit.
Nous sommes à Harlem, dans les années 40. Dans un lieu sordide, un trou à rats, impasse de l'enfer. Saletés, cafards, cochonneries. Promiscuité abominable, violence à tous les étages, dans tous les recoins.
Les Noirs n'ont droit qu'à ça. Ils n'ont droit qu'à la haine des Blancs, à leur peur.

C'est là, dans cet antre du démon, la 116ème rue, qu'habite la jolie Lutie, mère d'un gamin de 8 ans. C'est une jeune femme courageuse, qui s'est séparée de son mari lorsqu'elle a découvert que celui-ci la trompait alors qu'elle travaillait pour des Blancs et que lui végétait, sans travail. Sort partagé par bien des femmes noires !
Son but ? Sortir de cette rue ! Sortir de ces conditions de vie effroyables. Trouver un autre lieu pour y élever son fils sereinement. Mais pour ça, il faut de l'argent.
« Quel être au monde n'aurait pas souhaité quitter cet abominable endroit ? Il n'y avait qu'un moyen : économiser. C'était un cercle infernal, auquel personne ne pouvait échapper. Les Noirs qui vivent à New York et qui n'ont pas d'argent ne peuvent habiter que des maisons comme celle-ci. Et pendant qu'ils travaillent au-dehors pour payer leur misérable loyer, la rue se charge d'élever leurs enfants. Elle leur sert de père et de mère. Père démoniaque, mère vicieuse, elle les modèle à son image. le peu de temps qu'ils lui échappent, ils n'entendent parler que d'argent ».

La prostitution ? Non ! Devenir la maitresse d'un Blanc ? Non ! Pourtant, être considérée comme un beau corps, un joli visage, voilà le lot de Lutie. Mais elle est tenace, opiniâtre. Entre la concupiscence des hommes – Blancs ou Noirs - , l'odeur immonde de la rue et des maisons, ou plutôt cages à poules, les brutes en tout genre, la misère intégrale, elle slalome. Elle lutte. Sa haine pour les Blancs ne fait que grandir...

Ce roman paru en 1946 par une auteure Noire est une bombe. Il nous explose en pleine figure. A chaque page, je me suis demandé pourquoi cette haine envers les Noirs, pourquoi cette mise au rebut, pourquoi ces soupçons continuels, pourquoi ce mépris. Pourquoi, pourquoi ?
Les points de vue adoptés par la narration sont divers, nous passons tantôt de la tête de Lotie à celle de Bub, son gamin, pour plonger dans celle du concierge, un véritable monstre, dans celle de la pauvre femme avec laquelle il vit, ou encore dans celle du riche Blanc, patron d'un bar et d'un dancing.
Alors là, on peut dire qu'on fait le tour de la question. La question noire. La question qui tue.

Merci à Babelio qui m'a proposé cette lecture en avant-première (ce roman qui avait été oublié est réédité ces jours-ci) et aux éditions Belfond pour leur confiance.
« La rue » est un roman qui marque à tout jamais.
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