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Critique de Bad0Wolf


ATTENTION: Va contenir des SPOILERS:

Pierre Pevel a toujours dit que l'un des thèmes qu'il aime aborder dans ses histoires est l'ambiguïté du héros. Et jamais n'a-t-il mieux utilisé ce thème que dans L'Adversaire.

La première chose qui marque dans ce roman, c'est que, contrairement aux trois premiers, celui-ci est très clairement celui de Lorn avant toute chose. Si les intrigues et les conséquences de la Guerre des Trois Princes sont encore présentes et se font sentir, l'histoire passe beaucoup moins de temps avec les autres personnages de l'histoire et, quand cela arrive, ils sont souvent liés directement aux agissements de Lorn. Cela ne veut pas pour autant dire que Pevel les délaisse, bien au contraire ; on en apprend davantage sur eux et ils ont tous leur propre arc narratif et un développement plus ou moins conséquent. Pevel continue ainsi à nous donner des personnages excellents et dont le sort, qu'on les aime ou les déteste, ne nous laisse pas indifférent.

Pour ce qui est de l'histoire elle-même, des réponses sont enfin apportées à certaines questions que l'on se pose depuis le premier roman même si la trame principale reste encore assez ambiguë pour ce qui est du détail pour rester intéressante et nous donner envie d'acheter le prochain tome quand il sortira... dans deux ou trois ans sans doute.

Avant toute chose, ce roman répond enfin à la question du mystérieux Destin de Lorn, et les confusions et contradictions que Pevel a apporté à son personnage favori dans les trois tomes précédents s'expliquent enfin. le Destin est un élément de l'héroic fantasy qui semble avoir plus ou moins disparu de la fiction ces dernières années, remplacé par une préférence pour le 'réalisme magique'. Pevel a sauté à pieds joints dans l'idée du Destin dans Haut-Royaume... et inclut une dose suffisante de 'réalisme' à la Game of Thrones pour interpeller les fans des deux genres. Avec ce tome et l'insistance sur le Destin de Lorn, on rentre plus dans l'élément fantastique de la chose. J'avais déjà apprécié cette insistance plus importante sur la fantasy dans le tome 3, donc je continue à l'apprécier ici.


Après la destruction de sa Garde d'Onyx et la trahison du Haut-Roi dans le précédent tome, Lorn est faible et traqué par ses ennemis, affaibli non seulement par la traitrise de celui qui fut son meilleur ami mais également par la perte de tant d'alliés. Il fuit et tente de se donner un but mais paie un prix élevé pour ses actions et finit par passer une grande partie du roman à vouloir se faire oublier d'un monde en guerre dominé par des hommes et des forces qui le méprisent, le vénèrent ou le craignent. Mais, est-il possible de tourner le dos au Destin ?


En parallèle du Destin de Lorn, il continue à se retrouver mêlé aux intrigues du Haut-Royaume et de la guerre qui le déchire. Pour le Haut-Roi Aldéran, la destruction de la Garde d'Onyx sitôt après sa grande victoire à Darlat lui permet d'atteindre le sommet de sa puissance. Mais sa trahison continue de le hanter, car il sait Lorn toujours vivant et il craint sa vengeance. le virement du roi d'un personnage charismatique aimé de tous à un consumé par sa haine et sa colère, les ravages de son corps l'apparentant de plus en plus à l'image de son père ravagé par le Grand Mal, se poursuit. Alan (comme le remarque si bien Estévéris) se libère des influences néfastes qui l'entourent pour tomber sous l'influence d'une autre, tout aussi malsaine. Cet arc figure également Estévéris, jadis Premier ministre de la reine Célyane, maintenant conseiller du nouveau Haut-Roi chargé de la diplomatie. Conscient du danger que Lorn représente toujours, et conscient que le renégat compte des amis puissants comme le comte d'Argor, il tentera de régler le problème à sa manière. Mais, pour une fois, le puissant ministre joue gros et perd. S'il reste aussi habile et dangereux que toujours, Estévéris devra faire face aux conséquences de ses actes et se rendre compte qu'il n'a plus la même place, ni la même influence que jadis.

Cet aparté dans les intrigues du Haut-Royaume permet de faire un état des lieux de sa situation. Mais c'est la situation dans la région du Loriand qui est le plus intéressant, divisée par sa propre guerre religieuse causée par un personnage dont les actions domineront la dernière partie du roman : le prince-cardinal Jall, le deuxième fils d'Erklant II, frère ainé d'Alan et demi-frère de Lorn.

Ce personnage, présenté dans le second tome, s'est révélé être un beau fanatique et un intriguant des plus redoutables. La guerre lui profite et il ne reculera devant rien pour prendre ce qu'il pense lui revient de droit. Ou plutôt, reviens de droit à son dieu… dont il est l'élu. le personnage de Jall permet d'apporter un contraste intéressant à celui de Lorn. Là où ce dernier cherche à fuir ce Destin qu'il n'a pas choisi, Jall est convaincu qu'il est lui-même porteur d'un Destin… alors qu'il n'a pas été choisi. Mêlant foi intransigeante et une certitude quant à sa propre importance, il ne reculera devant rien pour refaire le monde à son image. Sa quête finira par se mêler à celle de Lorn et atteindre la réalisation du Destin. L'importance de sa conviction en sa propre importance se montre par le choix dont il parle dans le roman qu'il a fait de nombreuses années auparavant : malgré son aînesse et son droit au trône, il a choisi de renoncer à sa légitimité pour se tailler son propre Destin. Mais il n'en demeure pas moins cruellement ambitieux et ne reculera devant rien pour accomplir sa quête.

C'est au cours de cette quête que Lorn apprend enfin la vérité sur son Destin et les contradictions de son personnage s'explique enfin pour révéler l'un des meilleurs personnages ambigus de fantasy depuis très longtemps. Les explications apportent enfin des réponses à des événements des précédents tomes, allant de la naissance des enfants de Lorn qui avaient tant confus les Gardiens, et passant par le seul qui semble avoir reconnu (et s'en amusait sans doute) du mauvais tour qu'avait pris le Destin conçu par les Divins : Serk'Arn, le Dragon de la Destruction. Ses manigances des précédents tomes s'expliquent ainsi que ses inquiétudes. Mais, comme toujours, nul ne tire plus de la guerre déchirant le Haut-Royaume que lui. Ainsi, malgré l'utilité qu'il a trouvé à Lorn, le dragon ne peux s'empêcher de la craindre également… et tout cela sans pouvoir lui nuire.

En somme, l'intégralité de ce tome tourne entièrement et complètement autour de Lorn. Cela pourrait sembler logique pour le personnage principal de l'histoire, mais Pevel a construit un tel ensemble construit et complet autour de lui qu'il est facile de se dire que Lorn n'est qu'un personnage de plus parmi d'autres. Mais, que ce soient les intrigues du Haut-Royaume, la rancune de son ancien ami, les ambitions de Jall ou les aléas du Destin qui lui pèse sur les épaules, tout est fait dans ce roman pour nous montrer que tout dépend de lui. Pas la survie du Haut-Royaume, mais bien celle du monde entier. Si l'on regroupe les trois premiers tomes du Haut-Royaume en une trilogie, on peut dire qu'il s'agit de celle du Prince Noir. Maintenant, avec ce tome où Lorn touche véritablement le fonds comme tant d'héros de fantasy avant lui, un nouveau Destin s'ouvre à lui. La seule question maintenant est celle du choix. Comme Pevel le dit avec une citation des Chroniques du Haut-Royaume avec lesquelles il commence chaque chapitre : ‘Il n'est de véritable liberté que loin du regard du Dragon Gris. Les grands destins sont des maîtres impitoyables. Ils ne font que des esclaves'. Ou, comme le résume si bien Lorn lui-même : ‘Je peux choisir, mais je ne peux pas refuser de choisir.'


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