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EAN : 9782707348197
160 pages
Editions de Minuit (05/01/2023)
3.71/5   41 notes
Résumé :
J’entends ma mère qui entre dans la chambre. Ses pas sont lents. Elle marche sur la pointe des pieds. Elle effleure les barreaux de l’échelle, suit le bord de la couchette du haut jusqu’au milieu du matelas. Je me terre dans l’angle. Elle grimpe sur le rebord du lit, plie son coude autour de la barrière, elle se tient, le corps tendu dans le vide. Je sens ses yeux, ils scrutent les reliefs à travers le garde-corps ajouré. Elle tâte la couette à ma recherche. Quand e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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L'auteure vient du théâtre, c'est peut-être qu'ainsi naît un roman bien charpenté, en deux parties, deux actes, quant au titre il est pris à Virginia Woolf .
Tout d'abord la vie d'une petite fille de 7 ans, Elsa, seule avec sa mère, et seconde partie, vingt ans après quand elle a enfin pris son indépendance.
Lorsque Elsa a 7 ans et que sa mère peut s'acheter un appartement, elle s'installe dans son nouvel environnement, s'étonne que sa chambre comporte 2 lits superposés, s'intègre bien dans sa nouvelle école où elle devient l'amie d'une jolie Issa , une amitié qui lui retourne les sens et qui finit mal. Elsa en fait reporte sans en avoir conscience,mais avec violence le comportement incestueux de sa mère. Cette mère est abusive, violente, détraquée aussi au sens figuré. Cette femme éprouve une telle détresse d'être seule que ses fantasmes se reportent sur sa fille. La seconde partie montre une Elsa adulte qui se débat et à bien du mal à se défaire de ce lien dit maternel toxique, lien matérialisé dans le roman par 3 bagues , émeraude, rubis, saphir, offertes par la grand-mère à sa fille et que celle ci voudra transmettre à Elsa.
Et pourtant à la lecture, cette violence apparaît par touche, les mots sont choisis subtilement, au début tout à l'air paisible et pourtant sourd une angoisse diffuse que j'ai bien ressentie.
Du beau travail.

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Avec les Éditions de Minuit, c'est quitte ou double, nuit noire ou pleine lune. La maison privilégie la simplicité des histoires et l'économie des mots, d'où cette impression de minimalisme qui peut exaspérer. J'ai la conviction (ce devrait être toujours le cas, en vérité) qu'il faut lire les textes de ce catalogue d'un trait, sans interruption. Leur magie tient à leur sens du détail.
Le roman de Pauline Peyrade n'échappe pas à la règle. Tout est dans le ressenti, dans cette atmosphère étouffante et poisseuse. Il faut un vrai talent pour susciter l'angoisse entre deux meubles Ikea. Je ne retiendrai ni l'histoire, ni le style mais une mise en scène implacable, un huis clos dans lequel les personnages principaux, la mère et la fille, peuvent imploser à tout moment.
Le sujet du roman est somme toute assez banal : une mère de famille à la dérive dont le navire se délabre, risquant d'entraîner dans son naufrage l'unique trésor qui puisse encore la sauver. L'appartement est ce navire. Il est toujours question de l'embellir, de le remettre à flots. Projet sans cesse repoussé. Sous cette métaphore, « L'âge de détruire » est l'illustration, implacable et subtile, du déclassement social, de la déchéance, d'une indigence qui s'empare des consciences tel un virus infectant l'organisme.
J'ai été captivée, mais aussi frustrée par quelques ellipses (je pense à la relation avec la petite Issa – magnifiques pages 48-50).
Bilan : 🌹
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J'avoue que tout le long de la lecture de ce texte (à l'écriture délicieuse mais au sujet particulièrement éprouvant), je me suis demandé sur quelle terrible catastrophe allait déboucher ce tête-à-tête étouffant entre une mère toxique, tyrannique, violente et sa fille Elsa. La mère vient d'acheter un appartement et l'enfant arrive dans un espace nouveau qu'elle n'a bien sûr pas choisi. Elle va devoir s'adapter à une nouvelle chambre, un nouveau quartier, une nouvelle école. C'est peut-être ce qui caractérise l'enfance : accepter des choses qu'on n'a pas choisies. Difficile d'échapper à l'emprise de l'adulte dont on dépend, difficile de s'opposer, de protester, de dire non. Subir. Subir les lieux. Subir la nourriture. Subir les choix, tous les choix, les bons et les mauvais. Se soumettre. Ne jamais rien dire. Attendre de grandir. Mais échappe-t-on vraiment un jour au poids de la famille et aux traumatismes de l'enfance ? Ici, le regard de l'enfant s'attache à observer les lieux, les choses et le temps qui passe avec beaucoup de minutie, comme si la contemplation du monde, en lui emplissant l'esprit, allait lui permettre d'échapper à sa mère, à ce huis clos insupportable et particulièrement oppressant. Une mère paumée qui s'agrippe à sa fille (physiquement et moralement) pour s'empêcher de couler sans se rendre compte qu'elle l'entraîne elle aussi dans son naufrage. L'écriture à la première personne, sensible et sensuelle, rend parfaitement bien les états d'âme d'une enfant réduite au silence à cause d'une mère abusive et égocentrée, une mère qui chaque jour détruit un peu plus sa fille. Et c'est la façon dont l'enfant perçoit ce quotidien, cette violence sourde, silencieuse et répétée qui nous est racontée à travers son point de vue.
Un texte fort et puissant qui dit toute la violence familiale : une lecture en apnée dont on sort épuisé tandis que les dernières lignes nous mettent à terre. Magnifique !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Les premières lignes du roman de Pauline Peyrade frappent par leur extrême précision, comme si la narratrice, une enfant dont on ne sait rien encore, cherchait à tout scruter pour comprendre l'incompréhensible, à tout nommer pour nommer l'innommable. C'est vraiment ce ton qui frappe d'emblée comme une grande réussite en même temps qu'il met mal à l'aise. Nous sommes donc placés en état d'ultra-vigilance, nous demandant le coeur battant ce qui se passe de si horrible dans cet appartement où vivent la narratrice et sa mère; et quand viendront les scènes qui peuvent tenir lieu de réponse, nous ne comprendrons pas plus que cette petite fille ce qui se passe, et cela en dépit de phrases affutées comme des lames. C'est cet état de sidération de la victime qui est si bien rendu qu'il est partagé par le lecteur.

Au-delà du thème de la maltraitance d'une fille par sa mère, dont la violence bouscule forcément mais n'incite pas à se jeter le coeur léger dans la lecture, ce que je trouve très fort dans ce texte est son écriture parfaitement tenue. Chaque mot est porté au maximum de son expressivité et s'enchaîne comme un chapelet de petites bombes parcimonieusement lâchées, à la précision de tir redoutable.
"Les battements de mon coeur font trembler mes os, ma gorge, mes cuisses, mes poumons sont sur le point d'éclater" (p97) : on sent au coeur de cette phrase (et plus précisément dans le rôle tenu par "mes poumons", fin de l'accumulation ou début de la proposition d'après ?) un glissement imperceptible et souterrain qui la fait bouger au point de la menacer, créant ainsi une zone trouble au plein coeur de la netteté. Les phrases sont à l'image du roman, troué par un abîme que la maîtrise du style n'arrive pas à circonscrire. C'est bouleversant et très beau.
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Elsa et sa mère emménagent dans un nouvel appartement. Ça y est, la mère devient propriétaire. Elsa hérite d'une chambre à la moquette mouchetée de bleu et de blanc, pourvue de deux lits superposés. Chaque détail, objet, odeur, est disséqué par l'écriture au scalpel, sèche et précise, de Pauline Peyrade.
Le huis clos entre une mère toxique et sa fille sous emprise n'est adoucie que par une nouvelle amitié : Issa prend Elsa sous son aile, permet son intégration à l'école, elle dont les pensées se brouillent à chaque question de la maîtresse, à chaque vision de la beauté de son amie. C'est l'âge un, comme un acte I où Elsa voit tout, même s'il vaut mieux regarder les savons sur le rebord de la baignoire plutôt que la réalité, mais ne comprends pas.

L'âge deux commence quinze ans après. Elsa a sa vie, un petit appartement, vient voir sa mère qui envisage de vendre le sien, trie les affaires, met en vente les meubles, incapable d'occuper durablement les lieux. Les affaires de sa fille remplissent des sacs poubelle, sans avoir été triés. Lorsqu'Elsa les ouvre, elle en est incapable. le passé lui revient à coup de barbies et de dessins oubliés.
Partir en vacances ensemble, quelque part où il y aurait la mer, un horizon. Elsa hésite, sa mère insiste. Elsa est coincée dans l'âge de comprendre, l'âge de détruire.

J'ai failli être découragée par cette écriture « plus qu'à l'os », selon les paroles mêmes de l'autrice rencontrée à L'Histoire de l'Oeil. Mais ce récit m'a embarquée d'une traite, en apnée. Avec une précision que j'espère retrouver dans de futurs ouvrages ! En attendant, je vais essayer de découvrir ses pièces de théâtre…
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critiques presse (6)
LeDevoir
17 mai 2023
Un secret terrible et inconcevable qui se reproduit, entre colère, enfermement et soumission, d’une génération à l’autre. Un appétit vorace qui pousse une mère à dévorer ce qu’elle-même a créé.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
SudOuestPresse
12 mai 2023
Dramaturge, metteuse en scène remarquée, la trentenaire Pauline Peyrade a été récompensée pour son roman « L’Âge de détruire » paru aux Éditions de Minuit.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LeMonde
21 mars 2023
Si L’Age de détruire n’est pas un roman sur les premiers émois, il est celui des pulsions. Cet intérêt pour le charnel s’inscrit au sein d’une écriture doublement saisissante : bouleversante et attrapant dans ses lignes toute la matérialité des choses, à laquelle la romancière, par ailleurs dramaturge, réserve une attention prédominante.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
21 mars 2023
Dans son premier roman « l’Age de détruire », la dramaturge décrit la relation d’une enfant avec une mère toxique et abusive.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaCroix
20 février 2023
Dans un premier roman âpre et tendu, la dramaturge Pauline Peyrade met en scène la relation toxique d’une mère avec sa fille.
Lire la critique sur le site : LaCroix
SudOuestPresse
16 février 2023
Autrice pour le théâtre, Pauline Peyrade aborde, dans son premier roman, la violence familiale
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Quand elle court, sur le terrain de jeu, en classe, quand elle étire son dos, et son visage, ses lèvres tendues vers le monde, et son corps alerte, sa souplesse quand elle se déplace, sa vélocité, sa vitalité pleine, le balancé de ses épaules, le dessin de ses muscles sous son pantalon. Je deviens jalouse, comme si je convoitais un objet précieux, un trésor à l’air libre. Je tiens au creux de ma main un grain de sable que j’ai peur de voir s'envoler. Je découvre d’autres amplitudes en moi, les intensités de la joie, les balbutiements du désespoir. Des images me viennent qui ne sont pas les bonnes. L’embrasser sur la bouche, la prendre dans mes bras. Ce n'est pas ça, Issa et moi. Ce n'est pas une route qui va quelque part. C’est un champ de hautes herbes qui s'étend sur des kilomètres, C’est une ronde, un vol d'oiseaux emmêlé dans les nuages. C’est une panthère au pelage profond comme la voûte céleste, doux comme l'océan. C’est une bouchée de crème et de génoise moelleuse. Je la contemple, trahie et soumise. Je suis patiente, à défaut de savoir quoi faire. Il faudrait que je sois capable de me lever, de m’avancer vers elle et que ce soit simple. Je ne connais pas les gestes d’un champ d'herbes sauvages, ni ceux d’une ronde d'oiseaux.
P. 49
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Je cherche à distinguer ce qui se passe dans la pièce voisine. La voix du médecin résonne étrangement, elle fait presque trembler l'air. Celle de ma mère est plus basse, plus discrète. Ils échangent des mots que je ne connais pas. Ma grand-mère va mourir, je l'ai bien compris. Je ne saisis pas pourquoi on veut à tout prix m'éloigner de sa mort. Comme si elle ne me concernait pas. J'ai l'impression qu'on cherche injustement à m'effacer de l'histoire. J'ai besoin d'en voir le plus possible.
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Nous vivons rangés, à moitié morts, à avaler tout ce qu'on nous met dans la gueule.Nous tuons les tueurs pour les soulager de tuer. Et c'est ainsi chez le voisin, chez la voisine, dans toutes les familles. De génération en génération.
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Comprendre, c’est détruire ; détruire, c’est comprendre ; et on n’en a jamais fini.
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Videos de Pauline Peyrade (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pauline Peyrade
Pauline Peyrade – Quand l’art dramatique se saisit du réel 15 mars 2022 Le point de départ de l’écriture, c’est l’histoire d’une enfant de onze ans qu’un tribunal français a reconnue consentante à son propre viol. Devenue jeune femme, l’écriture l’invite à se faire justice elle-même. La pièce de Pauline Peyrade met en scène la jeune fille et son agresseur dans une situation qui dérape, qui n’est pas préméditée, mais dont il demeure responsable, pour ne pas dire coupable. Ce n’est pas une réparation. Ce n’est pas une résilience. Parce qu’il y a des points de non-retour, des intolérables. Parce qu’on exhorte les soumis·es à la non-violence, au silence, afin d’éviter que les forces ne se renversent. Parce que les femmes qui usent de la violence deviennent aussitôt des monstres. Parce qu’à la violence répond la violence, implacable, furieuse.
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