Dédicace :
Ce livre est le roman d'un chef et de deux hommes dans la guerre saharienne qui, l'année de Verdun, souleva le désert. Je le dédie aux combattants du Djanet et de Fort Polignac. Puisse-t-il, en attendant l'histoire de cette guerre ignorée, rappeler leur sacrifice, et donner la mesure de leur force.
Joseph Peyré
Tout est dit dans cette dédicace : le sujet : une expédition au cours d'une guerre saharienne ignorée, menée par trois hommes dont un chef. La date : l'année de Verdun, 1916, donc (même si le roman commence en avril 1915). Enfin le propos : montrer l'héroïsme de ces hommes, et en déduire leur grandeur.
L'histoire se passe dans le sud tunisien. La guerre en Europe fait rage. Les tribus arabes en profitent pour entrer en dissidence, et fomentent la révolte semoussiste. Une nouvelle guerre est déclarée, celle du désert.
« Les trois méharistes qui faisaient route vers Rhadamès, aux confins de la Tripolitaine, étaient
le Chef à l'Etoile d'argent, de la Compagnie saharienne du Tidikelt, et ses deux compagnons de chasse, Salem, le Chaambi, et Driss, l'Ifora ».
Le Chef à l'Etoile d'argent, c'est le maréchal-des-logis le Brazidec. L'étoile d'argent, c'est celle qui demeure attachée à la bride de Gazelle, sa chamelle de race. Pour les indigènes, cette étoile est le symbole de son courage invincible et de son invincibilité. Il est vrai qu'il est ce qu'on appelle un baroudeur. La vie de caserne, très peu pour lui. Il ne s'épanouit que dans le désert, lorsqu'il affronte des trafiquants d'armes, des rebelles, ou tout simplement les conditions terribles de la vie entre sable et rochers, avec la chaleur, la soif, le vent, le danger… Pourtant à Fort-Platters, il y a Fatoum, une indigène Ifora qui a accepté de l'épouser alors qu'elle était promise à Kei Harir, le chef des rebelles. Mais l'appel de l'océan des sables est le plus grand. Et puis c'est la guerre. Si à des milliers de kilomètres de là, des hommes meurent dans les tranchées, ici on se bat contre un ennemi invisible, par escarmouches, le danger y est aussi permanent. de bataille en bataille, la poursuite des rebelles s'arrêtera au siège de Fort Polignac. Là, à tous les dangers déjà énumérés, viennent s'ajouter le manque de vivres et pire que tout le scorbut. Pourtant ce n'est pas encore ici que
le Chef à l'Etoile d'argent rencontrera son destin…
Encore un grand roman « saharien » de
Joseph Peyré, à qui nous devons déjà «
L'Escadron blanc ». Cet auteur a un talent certain pour nous plonger dans l'immensité du désert, nous faire ressentir les effets du vent et du sable, nous noyer les yeux dans l'océan des dunes, les contrastes de couleurs entre le sable, le ciel et les silhouettes de la caravane, les bruits étranges de la nuit saharienne, les blatèrements des dromadaires, les ciels étoilés à chavirer…
Bien sûr, le roman a été écrit en 1933. La Tunisie et l'Algérie (là où se situe l'action) faisaient encore partie de l'Empire colonial français. Et les accents patriotiques avaient en ce temps-là une autre signification qu'aujourd'hui. Ce point acquis, reste une magnifique épopée dont l'auteur, avec émotion et reconnaissance, nous retrace les périls encourus, les difficultés sans nombre, et le courage inébranlable de ces méharistes, et par là-même la grandeur de leur sacrifice.
Et, on ne se lasse pas de le rappeler, cette magnifique description de ce monde à lui tout seul, le désert.