La veine « saharienne » de
Joseph Peyré couvre huit romans, tous se déroulant dans l'immensité du désert et suivant un ordre chronologique particulier :
« Proie des ombres » (publié en 1943) raconte la mission Flatters de 1881 : une expédition militaire et scientifique totalement anéantie par une attaque de Touaregs.
« Coups durs » (publié en 1935) est un recueil de nouvelles sur quelques grandes figures du
Sahara, dont Laperrine, à partir de 1902.
«
le Chef à l'étoile d'argent » (publié en 1933) et «
Sous l'étendard vert » (publié en 1934) relatent avec réalisme et passion le soulèvement senoussiste des années 1915-1916.
«
L'escadron blanc » (publié en 1931) (qui reste le roman le plus célèbre de Peyré dans ce domaine) évoque magistralement l'un des derniers « contre-rezzous » en 1928. (un contre-rezzou est une expédition punitive contre les auteurs d'une razzia – attaque surprise – opérée par des rebelles)
«
Croix du Sud » (publié en 1942) se situe au début de la Seconde Guerre Mondiale et annonce la fin d'un monde : les méhara (dromadaires) cèdent peu à peu la place aux engins motorisés.
«
Sahara éternel » (publié en 1944) confirme le lien entre la France et le
Sahara, à travers des évocations sensibles (
Saint-Exupéry, Dupeyrier…)
Enfin « de sable et d'or » (publié en 1957) salue l'émergence d'un nouveau
Sahara, celui du pétrole et des derricks. L'occasion aussi pour l'auteur, de rappeler l'Histoire et d'aborder le délicat problème de la colonisation (d'un point de vue très nettement colonialiste) : plaidoyer pour la présence française (en pleine guerre d'Algérie) c'est un hommage « à l'oeuvre civilisatrice et humaine de la France ».
Si cette position, dans les années 30, était « dans l'air du temps », elle devient plus polémique au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale quand les pays colonisés, dans le monde entier, aspirent à l'indépendance.
«
Sous l'étendard vert » reprend donc sous la forme romanesque le contexte historique de la révolte senoussiste. Plus encore que dans «
le chef à l'étoile d'argent » l'arrière-plan historique détermine les ressorts de l'action, en particulier le ralliement des tribus du Hoggar à la rébellion, un djihad fomenté par l'empire ottoman en 1915 et 1916.
Nous restons confondus devant le savoir-faire de
Joseph Peyré. A le lire, personne ne peut penser qu'il n'a jamais connu le
Sahara. Il tient toute sa documentation de son frère, médecin méhariste. Et grâce à une faculté d'adaptation extraordinaire, il nous fait toucher du doigt (et des yeux et des oreilles et du nez) toutes les sensations du désert, comme si l'on y était. C'est bien une littérature d'aventure et d'évasion, mais on pourrait la qualifier également d'ethnologique, de géographique, d'historique et de scientifique, tant le compte rendu est prenant, précis, riche et surtout vraisemblable.
A travers ces huit volumes d'intérêt divers (les uns touchant au chef-d'oeuvre, d'autres avoisinant le plaidoyer colonialiste),
Joseph Peyré, avec une belle maestria, se fait l'historien attachant d'une épopée, celle du
Sahara français, qui somme toute, fait partie de notre histoire.