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Critique de AMR_La_Pirate


Je tiens à remercier Gilles Peyroux pour la confiance qu'il m'accorde en me confiant son recueil de nouvelles, Amours biodégradables, pour lecture et avis. Tout ce que je sais de lui, c'est qu'il écrit des histoires dont le moteur principal sont les relations humaines.
Les dix nouvelles mettent en scène « de jeunes adultes un peu paumés dans le grand chaos des sentiments... ». J'aborde ce livre avec curiosité et un peu de retenue aussi : mon jeune temps est un peu loin et je me demande si je vais être en phase avec les personnages.

Dans ces nouvelles, il y a des espoirs, des déceptions, des moments de lucidité, de l'alcool, beaucoup d'alcool, trop d'alcool et de gueules de bois : « un verre, puis deux, puis d'autres » … On y boit pour faire la fête, pour se donner du courage, pour noyer son chagrin ou sa déception, parce qu'on ne sait pas s'amuser sans boire… On y baise aussi, parfois en ayant un peu trop bu : « t'es bourré, elle est bourrée, tu la dragues ou elle te drague, t'acceptes, elle aussi, tu laboures, tu la bourres. Bourrer, c'est bien le terme ».
Souvent, les personnages n'ont pas l'air d'être ce qu'ils sont, jouent à paraître plus vieux, majeurs, plus durs, plus mâtures… Ils sont tous jeunes, très jeunes, accros à l'alcool et aux séries TV. Leurs vies obéissent à des codes, mais leurs aspirations profondes, cachées, émergent parfois au gré des pages, des amours impossibles, des amours par défaut ou encore des amours tarifés.
Les personnages réapparaissent de nouvelles en nouvelles, se croisent et se manquent en essayant de s'aimer, pris sur le vif par la plume de Gilles Peyroux, qui tel une éponge « absorbe puis [se] presse sur un clavier, sur du papier mâché, remâchant des histoires…».

C'est assez bien écrit ; le style et le ton changent un peu d'une nouvelle à l'autre, faisant de chacune un micro-univers à part entière. le langage va de soutenu à très familier et pas seulement dans les dialogues ; la narration passe de l'omniscience à la première personne, toujours assez fluide.
Parfois, Gilles Peyroux convoque les mythologies et les actualise avec plus ou moins de bonheur, dans « le Fil d'Ariane » notamment ; cette nouvelle aurait gagné, selon moi, à se cantonner à l'image du labyrinthe… « Loin d'Ithaque » qui ne force pas trop la métaphore me paraît plus réussie.
Il y a une certaine recherche dans les titres, un bon mélange d'érudition et d'autodérision.

Mais ce qui m'interpelle le plus ici, c'est le pessimisme ambiant annoncé par le titre, déjà, et véhiculé par toutes les nouvelles, sans exception.
Souvent, dans les recueils, le titre de la nouvelle la plus représentative devient titre de l'ensemble. Gilles Peyroux n'a pas choisi cette facilité-là… le terme « biodégradable » renvoie à une notion de déchets qu'une action bactérienne, naturelle ou induite, décompose assez rapidement pour les faire disparaître, de préférence sans danger pour l'environnement. Voilà qui est lourd de sens… Veut-il nous dire que les amours de jeunesse s'effacent et s'oublient, plus ou moins rapidement, selon notre capacité à les dissoudre dans nos souvenirs ? Dit-il, au contraire, que leur réminiscence peut nous pourrir la vie, dans des relents de décomposition psychique ? Est-ce moi qui pousse trop loin la métaphore ?

Un drôle de recueil, des nouvelles qui interrogent… Je serais curieuse d'avoir l'avis de jeunes adultes sur ces problématiques amoureuses.
Une lecture qui mérite réflexion.
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