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Citations sur Je l'écoute respirer (6)

Je monte près d'elle. Je voudrais entendre sa voix prononcer les mots précis qu'elle me disait par à-coups. Je l'interroge sans espoir :
"Tu es bien ? Je suis près de toi, je ne te quitte pas. Tu es chez toi, dans ta chambre, dans ton lit."
Toujours les mêmes paroles pour qu'elle sache que tout se passe ainsi qu'elle l'a voulu. Pas l'ombre d'une réponse, pas un signe de la main droite ni un clignement de paupières. Elle reste impassible sans le moindre tressaillement du visage.
(...) Que voit-elle, qu'imagine-t-elle en ce moment ? Rien ? Qu'est-ce que c'est rien ? Je remonte et je reste à la regarder debout au pied de son lit. Je vois remuer sa jambe sous la couverture, sa main serre le drap. Peut-elle encore percevoir ma présence ? Est-ce que je la dérange ?
"Maman, je suis là".

p. 87
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Elle ronfle déjà mais je reste près d'elle et je continue à lui parler tout bas, un murmure qui l'accompagne peut-être. Je la regarde si abandonnée à moi, confiante, je me remémore les phrases qu'elle a dites depuis hier. Elle prononce les mots avec difficulté, son élocution est irrégulière, elle se reprend, hésite ou dérape, mais chaque fois elle a su trouver l'expression juste et dire ce qu'elle voulait. Et cette femme qui fut si théâtrale, si éprise de superlatifs, est devant la mort parfaitemetnt simple et naturelle.

p. 32
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Elle n'ouvre pas les yeux.Un instant,elle paraît à nouveau calme et sereine.Elle s'éloigne et le sait,elle entre dans le sommeil non pas donneur de force mais retrait de la vie.Et l'image de la barque revient,mélange de Tristan et Yseult et de la mythologie égyptienne: Ma mère est allongée sur la rive,aveugle,les yeux fermés,elle sait que le bateau approche,elle entend le vent dans la voile,l'eau soulevée par les rames.Elle l'attend,l'appelle peut-être:monter dans la barque,être emportée c'est pour elle le repos,le calme,l'endormissement profond.
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Je pense à la ressemblance entre un nouveau-né et ma mère mourante. Tous deux ont les yeux couleur d'ardoise après la pluie, la pupille et l'iris se confondent, chez l'un le blanc de l’œil est pur, chez l'autre presque jaune et brouillé de veinules rouges. L'un attend la lumière qu'il ne connaît pas, l'autre l'a connue et perdue. Tous deux portent des couches, tous deux dorment profondément, l'un pour prendre des forces, l'autre comme prélude à la mort. Le nouveau-né presque chaque jour découvre un nouveau son ; ma mère cherche ses mots, se bat pour les rapporter de très loin, souvent ils s'échappent alors qu'elle croit les tenir, mais elle connaît leur signification, elle sait ce qu'est la parole. L'un suce voracement le lait au sein, l'autre a presque perdu l'instinct de succion. Tous deux obéissent à leur corps ; l'un dort, pisse, rote, chie, se nourrit en signe de santé ; l'autre éprouve confusément la déchéance de son corps devenu incontrôlable, elle a honte de l'odeur qu'il dégage, de ses écoulements qu'elle ne peut retenir. L'enfant gigote et se marbre sous l'effet de l'eau dans le bain où il retrouve le ventre maternel et sourit aux anges ou au visage penché sur lui ; ma mère laisse laver son corps inerte qu'elle voudrait cacher aux regards. L'un vient de sortir de la nuit ; l'autre y entre.
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Il était sans peur dans un monde en péril, aussi inconscient des dangers que l'animal nouveau-né dans la jungle. Le regarder c'était pouvoir, un instant, croire que n'existent ni mort ni cruauté ni souffrance. Pas de maladies ni de séparation de ceux qui s'aiment, pas de trahisons ni d'abattoirs, pas de misère ni de chômeurs, pas de guerres ni de prisons, pas de goulag ni de torture, pas de viols, pas de peur entre les hommes.
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Plus tard il s'est réveillé et a englouti son biberon en quelques minutes.Je l'avais quitté aveugle,maintenant il voyait,ses yeux suivaient les objets et s'arrêtaient sur les lampes allumées.Il tétait,le regard fixé sur la mère.La dernière goutte de lait bue,il sourit aux anges et entra dans l'état mystérieux de béatitude avant de repartir dans le sommeil profond et silencieux.
Il était sans peur dans un monde en péril,auusi inconscient que l'animal nouveau-né de la jungle.Le regarder c'était pouvoir,un instant ,croire que n'existent ni mort ni cruauté ni souffrance.Pas de maladies ni séparation de ceux qui s'aiment,pas de trahison ni d'abattoirs,pas de misère ni chômeurs,pas de guerre ni de prisons,pas de goulag ni de torture,pas de viols,pas de peur entre les hommes.
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