Saut de générations, après sa
Mamie Luger,
Benoît Philippon lorgne vers l'adolescence avec la
Petiote. Avec toujours sa folle âme
Joueuse.
Après quatre romans comme autant de formidables réussites, on peut maintenant lui faire une confiance aveugle pour nous proposer du divertissement dans sa plus belle des définitions.
Un immense plaisir de lecture, une accumulation de scènes mémorables. Avec du fond, ce qui ne gâche rien. Et des personnages inoubliables, de ceux qui touchent au coeur, de ceux qui nous tiennent par la main, à l'image de la couverture.
Je connais peu d'auteurs qui arrivent aussi superbement et aussi intensément nous faire passer d'un immense éclat de rire à une larmichette au coin de l'oeil, d'un chapitre à l'autre. A faire ressentir une telle palette d'émotions qui font que ses romans noirs sont de véritables arcs en ciel.
Le point commun entre ses romans ? Les personnages sont tous marqués par la vie. le titre de son premier roman résume à lui-seul tous ces protagonistes, livre après livre : ils sont
cabossés.
C'est le cas de ce père de famille qui a tout raté dans sa vie, et qui veut sauver la seule chose qu'il pense encore pouvoir rescaper du naufrage : sa fille, qu'il appelle la
petiote depuis sa naissance. Même si elle a déjà treize ans.
Foutu pour foutu, en parfait loser (comme il se voit et comme le voient les autres), il décide de prendre tout un hôtel en otage pour tenter de récupérer la garde de sa fille, de force. Riche idée en 2019, au sortir d'une marquante vague d'attentats… Les mauvais choix, à défaut de les assumer, il en a l'habitude.
Dans ce Love hôtel (c'est son nom…), c'est un peu le rendez-vous des âmes perdues, des bras cassés, des solitaires, des personnes fragilisées par la vie ou qui n'y trouvent pas leur compte. Oh, et aussi le repaire d'un trafiquant d'armes…
La vie est un combat, chacun utilise ses armes pour s'en sortir. Pour aussi défendre le peu qui compte. Gus a donc décidé de tout dynamiter pour tenter de (se) reconstruire.
La méthode semble extrême, totalement indéfendable. Et pourtant, ce perdant complet va arriver à se tailler (enfin) un costard à sa mesure. Se révéler aux autres, mais aussi à lui-même.
Les personnages de Philippon ne sont jamais tout noirs ou tout blancs (sauf les mafieux, mais eux ils vont en voir de toutes les couleurs). Reconstruction est vraiment le mot qui les symbolise, tant leurs fêlures appellent des situations exceptionnelles pour arriver à se colmater.
Il n'y a pas que Gus, mais toute une galerie de personnages secondaires aussi marquants. Comme Cerise, par exemple, la prostituée à perruque mauve. Elle vous dira quelque chose, si vous êtes déjà lecteurs des précédents romans de l'écrivain. C'est normal, dans son univers, chaque personnage annexe a un potentiel pour prendre du galon d'un livre à l'autre (elle était présente dans
Mamie Luger). Il n'en reste pas moins que ce sont tous des livres indépendants.
C'est une des manières qu'à l'auteur de créer du lien. Parce qu'au-delà des blessures de ses personnages, il place toujours un espoir fou en l'être humain, à croire en lui.
Avec sa volonté de dénoncer les injustices, l'intolérance et de critiquer un fonctionnement social défaillant.
Du fond, mais dans une forme qui ne ressemble qu'à lui ! A coups de dialogues formidablement bien sentis, un humour omniprésent, des sentiments. Une situation qui dégénère de manière totalement jouissive, et des scènes « cinématographiques » qui défilent littéralement devant vos yeux.
C'est fun au possible, parfois cartoonesque (les passages avec les mafieux sont juste irrésistibles !). Un livre en technicolor, qui fait appel à tous vos sens, sonorité des mots, visuel des scènes, émotions touchantes, odeurs de la misère sociale, goût du plaisir.
Benoît Philippon a sa patte bien à lui, reconnaissable entre toutes. Et il touche sa cible en plein centre à chaque fois.
Petiote est une nouvelle grande réussite, irrésistible. Mine de rien, voilà un auteur qui s'est rendu indispensable.
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