Alexis Philonenko est un professeur qui a publié quelques livres sur l'histoire de la philosophie. Ici il s'intéresse à une toute autre discipline. Son
histoire de la boxe est essentiellement consacrée à l'
histoire de la boxe anglaise. Elle commence réellement avec les règles du marquis de Queensbury entrées en vigueur en 1891. Mis à part ces règles fondatrices, il faut bien reconnaître que la boxe est un des sports les moins centralisé, les plus libéral, et les plus soumis au diktat de l'argent. Et qui dit argent, dit paris, dit combats arrangés. C'est l'une des caractéristiques de l'histoire que nous conte Philonenko. Une autre particularité est les rapports que la boxe entretint avec la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Si l'un des premiers champions du monde des poids lourds fut un noir, Jack Johnson, il n'a jamais vraiment été accepté par les blancs et longtemps ont coexisté un titre pour les blancs et un autre pour les « coloured men ». Ceci dit, même si ce livre a été écrit par un historien de la philosophie, il ne faut pas croire qu'on aura droit à des réflexions profondes ou des analyses alambiquées. Pas du tout, il est construit autour des biographies des champions et de leurs plus grands combats. N'hésitant pas à grossir le trait des personnalités, laissant une bonne part à la légende, Philonenko sait rendre la vie de ses boxeurs passionnantes, au risque de tomber parfois dans la caricature (surtout que l'auteur ne cache rien de ses admirations et de ses antipathies). Mais on ne va pas lui reprocher d'inventer, au moins en partie, des personnalités, tous les biographes font ça. Par contre, il a commis de véritables erreurs. L'une d'elle arrive dès la page 27 et c'est bien plus qu'une erreur en vérité, c'est à la limite de la calomnie. Il s'agit du combat entre Sugar Ramos et Davey Moore qui causera la mort de ce dernier. Je retranscris le passage en cause : « En Mars 1963 le champion du monde Davey Moore fut assassiné, il n'y a pas d'autre expression, par Sugar Ramos. Acculé dans un coin du ring, Moore fut durement frappé, mais son adversaire ne le laissa pas s'effondrer tout de suite ; il combina des droites plongeantes avec des uppercuts du gauche qui relevaient sa victime infortunée, et chaque fois que Moore allait s'effondrer, il était relevé par un uppercut. Cela pouvait paraitre une punition, et c'est sans doute ainsi que l'arbitre dut percevoir les choses. Mais c'était en réalité un assassinat et quand Ramos se détourna enfin de Moore, celui-ci s'effondra, pantelant, mort. » Une manière captivante de raconter ce combat mais surtout fausse ! Et chacun peut le vérifier facilement aujourd'hui en regardant la vidéo sur internet. Vraiment,
Bob Dylan s'est montré plus intelligent que Philonenko en se demandant « who killed Davey Moore ? » plutôt que de crier à l'assassin. Enfin, ce livre a été écrit au début des années 90, mais l'auteur arrête l'histoire avec le « combat du siècle » entre George Foreman et Mohamed Ali à Kinshasa en 1974. Suite à ce combat, Philonenko pense que la boxe est sur le déclin, mais c'est un peu vite oublier Tyson qui était déjà un champion énorme à la fin des années 80 et c'était mal prévoir l'engouement médiatique qui allait se faire autour de lui dans les années 90. Moins beau dans sa boxe, moins créatif, moins artiste que Mohamed Ali,
Mike Tyson est quand même un champion tout aussi représentatif de son sport. Cette réédition de 2013 aurait mérité sans aucun doute quelques ajouts et rectifications. Un livre qu'au final je ne conseille pas si on veut se renseigner sérieusement. Trop d'erreurs, trop lyrique, écrit davantage pour la légende de la boxe que pour son Histoire.