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Critique de Apoapo


Ce court essai très substantifique requiert une lecture aussi exigeante que celle qu'il défend, une méditation de chaque phrase. Une dialectique à multiples rebondissements s'y met en place autour de trois grands thèmes :
1 - les bienfaits de l'écriture (intime et pas nécessairement destinée à la publication), dans l'optique renversée de l'acte "d'écrire pour penser plutôt que penser pour écrire", voire d'écrire pour mettre à l'épreuve sa propre pensée. Dans ce contexte, il est intéressant de relever qu'écrire n'est pas "communiquer" : "Devant sa page, l'écrivain n'a pas d'autre interlocuteur que lui-même. le lecteur n'est qu'une hypothèse." (p. 146).
2 - sa propre écriture et le sens qu'il y attache. de ce thème, je relève principalement sa critique contre l'analyse littéraire qui prétend, sans jamais l'épuiser ni même l'atteindre, avoir son mot à dire sur le sens de toute création intellectuelle ; d'où la préférence de l'auteur à l'égard d'un lecteur (bienveillant c'est-à-dire non jugeant par le critère de l'ennui qui relève de lui-même et non de l'oeuvre) qui aborde les livres sur un mode "érotique". (p. 23) Mais sa critique s'adresse aussi à la psychanalyse (ou plutôt à l'auto-analyse, me semble-t-il), toujours pour la prétention, de l'auteur cette fois-ci, de réduire sa démarche à un corpus de significations claires. Il préconise au contraire l'idée d'une dynamique réciproque de création entre auteur et texte, qui se renouvelle à chaque livre. (p. 33 et ss.)
3 - sa conception du devoir-être de la littérature, et les péripéties de sa valeur, notamment par rapport à son "édulcoration médiatique" à une époque de "démocratisme ulcéré" (p. 81). Sur ce thème, son discours se fait plus amer, plus polémique tout en étant sans doute plus consensuel (au moins, je suppose, pour ces fameux 11% de Français lecteurs de plus de deux livres par mois, si bien représentés à l'Agora). Il faut dire que son idéal spinozien - "Tout ce qui est précieux est difficile autant que rare" - mêlé à un lucide scepticisme sur les résultats de l'action pédagogique, le conduisent tout naturellement à un "élitisme assumé", et à un dégoût pour les ouvrages portés par "les sirènes du marketing et de la publicité", et en général pour toute littérature "digeste". Encore qu'il laisse un soupirail de possibilité de bon usage (très personnel et très hypothétique) de celle-ci...
Car enfin le rapport entre lecteur et auteur est fait de "cette complicité intime [...] qui tient d'une sorte de chaleur communicative, de confiance quasi fraternelle s'établissant au fil des pages et des livres, sans qu'il soit besoin de la fonder sur autre chose qu'un certain pouvoir de suggérer." (p. 22), ou encore :
"Les raisons superficielles d'une telle complicité sont toujours décevantes. Il faudrait pouvoir descendre dans les inconscients, mettre en évidence les similitudes des rythmes vitaux, des respirations intérieures, des palpitations intellectuelles." (p. 102).
Où l'on comprend que ce qui a été dit pour l'écriture ne régit pas la lecture...!
Mais je note aussi que, entre Georges Picard et moi, cette complicité s'est bien installée.
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