Dans ma bibliothèque c'est un des plus anciens livres, en tout cas je sais qu'il était déjà en ma possession en 1976, époque où j'en connaissais des pans entiers par coeur. En effet le petit club de théâtre dont je faisais partie voulait le mettre en scène sous la houlette de
Charles Berling, à peine plus âgé que nous. C'était ambitieux si l'on tient compte que la pièce n'avait été mise en scène qu'une seule fois, en 1947, avec Gérard Philipe et Maria Casarès. Elle n'a plus été mise en scène avant 2016. Il faut dire qu'à la lecture, il y a déjà de quoi être perplexe : les personnages, nombreux, sont indiqués par des signes ou codes (à la manière de ceux de la Horde du Contrevent). En guise d'indications scéniques peu nombreuses (en dehors des bruits et éclairages), il faut interpréter l'emploi des italiques, des majuscules, d'une mise en page parfois à la limite de calligrammes, et même deux pages avec le texte en blanc sur fond noir ! Inutile de préciser qu'après des mois de répétition nous avons fini par jouer tout autre chose… Cette pièce est composée de 5 parties, elle est impossible à raconter, encore moins à résumer. C'est un délire verbal surréaliste : parole fluide, logorrhée hermétique, paroles qui fusent, éclatent comme des bulles. En fait comme le dit Georges Vitaly « Les Épiphanies appartiennent, plus que n'importe quelle oeuvre similaire de la même époque, à ce théâtre de "rupture" que nous recherchions. Rupture, dans la forme, avec le dialogue normal, avec l'enchaînement normal des scènes, rupture aussi dans le contact avec le public, car on ne s'adresse plus à sa raison et à son sens critique, mais à sensibilité, à sa disponibilité émotionnelle, à son impressionnabilité. Rupture encore dans les décors, décors abstraits, synthétisant le climat de chaque acte. Rupture enfin dans la musique d'accompagnement »
En conséquence de quoi je mets, pour des raisons purement émotionnelles, une excellente note, mais cette oeuvre est objectivement assez illisible, je l'avoue.