Aaaarrrggggghhhhh !!! Quelle affreux personnage que Sarah Bernhardt !!! En général, je me fiche de savoir si les personnes dont on écrit la biographie sont sympathiques ou pas, c'est leur parcours qui m'intéresse. Mais là, difficile de lire 250 pages qui ne présentent qu'une suite d'anecdotes et d'événements plus ou moins (enfin, plutôt moins que plus) intéressants sur la vie d'une femme égoïste, égocentrique, égotiste, irresponsable, n'ayant aucun respect pour ses domestiques ou pour ses amis, et qui prenait les animaux vivants pour des objets décoratifs et des sujets d'amusement : lâchant son guépard nouvellement acquis sur ses chiens, son singe et son perroquet, par exemple, et trouvant ça hilarant, ou encore achetant un alligator et le faisant crever en le nourrissant uniquement de champagne et de lait. Plus on avance dans sa biographie, plus on est pris d'une horrible envie de la faire ressusciter pour lui coller une paire de gifles. Et pourtant, ayant suivi une conférence sur son oeuvre sculpté, je partais avec une image plutôt positive d'elle - je me demande bien pourquoi.
Et si je compare ce texte, paru chez Folio biographies, avec d'autres publiés dans la même collection, je me dis que la façon d'aborder la vie de Sarah Bernhardt par Sophie-Aude Picon pose quelques problèmes. Une biographie ne sort pas de rien, elle s'apparente à un cadre plus vaste. Ainsi, toujours dans les biographies Folio, les biographes de Klimt, Ibsen, Dickens, s'intéressent au contexte historique et artistique, et même Christophe Mory, qui a écrit celle de Molière, et dont je n'approuve pas tellement la méthode travail, nous en apprend pas mal sur le théâtre du XVIIème (pour le coup, il est un petit peu remonté dans mon estime après ma lecture de Sophie-Aude Picon). Ici, rien de tel. On parle un petit peu de la guerre avec la Prusse, mais c'est pour encenser le patriotisme de Sarah qui jouait les infirmières à Paris. En revanche, il n'est question de la Commune qu'en deux mots - et encore ! -, car, forcément, la pauvre Sarah ne s'intéressait guère à la politique et aux problème sociaux et s'est donc gentiment réfugiée à a campagne. Traduction : elle a soigné les soldats pendant le conflit avec la Prusse, mais ensuite laissé crever de faim ses compatriotes alors qu'elle était bourrée de fric. Bon, elle n'a pas été la seule à déserter Paris pendant la Commune, certes, mais ce qui me dérange, c'est la façon dont s'y prend l'auteure pour nous faire passer notre Sarah nationale, d'abord pour une héroïne, et ensuite pour lui trouver des excuses quand elle s'est carapatée.
Et donc, on n'apprend pas grand-chose, et surtout rien sur le théâtre d'alors. Deux ou trois mots sur le fonctionnement de la Comédie-Française, et puis c'est tout. Alors du coup, j'aimerais comprendre ce qu'a bien pu apporter Sarah Bernhardt au théâtre, en supposant qu'on puisse le savoir vraiment, vu qu'il ne nous reste que des témoignages écrits de critiques et quelques enregistrements qui font mal aux oreilles - mais cette diction artificielle, difficile de savoir si elle était uniquement de son fait ou généralisée (il me semble que c'était une généralité). Cependant, on sent bien que Sophie-Aude Picon veut nous faire basculer de son côté (du côté de Sarah, de fait), et plus on avance dans le livre, plus elle choisit de citer des critiques favorables à la comédienne et laisse peu de place aux critiques négatives. N'empêche qu'une fois qu'on a lu que Tchekhov la trouvait maligne, présentant au public ce qu'il avait envie de voir (c'est-à-dire des scènes d'agonie enflammées), mais pas tellement douée et pas du tout naturelle, on a beaucoup de mal à croire au talent de Sarah Bernhardt.
Ce qui est intéressant, en revanche, c'est de voir Sarah Bernhardt sous un jour nouveau. Les affiches de Mucha avaient un peu occulté tout le reste dans mon esprit, et j'ai découvert avec surprise qu'elle jouait à ses débuts les jeunes victimes et les ingénues, à cause de son physique frêle et de sa voix aiguë qu'elle maîtrisait mal, et qu'elle a ensuite, en prenant de l'âge, beaucoup donné dans le boulevard, époque où elle a visiblement joué dans beaucoup de pièces médiocres. Bon, le récit de ses multiples tournées internationales ne m'ont pas passionnée, le même scénario se répétant inlassablement : elle était richissime, elle gaspillait tout son argent, partait en tournée et revenait à nouveau riche, regaspillait son argent, etc., etc. Mais il est intéressant de noter qu'elle a beaucoup joué à l'étranger, devant des gens qui comprenaient mal ou pas du tout le français : là aussi, ça laisse penser qu'elle ne devait pas être si douée que Sophie-Aude Picon veut bien nous le dire, et certains critiques ont d'ailleurs pointé la chose du doigt à l'époque. En fait, ce que révèle vraiment cette biographie, c'est le véritable star system de la fin du XIXème dont Sarah Bernhardt était un des fleurons.
J'avais depuis longtemps envie de lire Ma double vie, l'autobiographie de Sarah Bernhardt - même si je sais qu'elle est assez romancée. L'envie a disparu bizarrement après avoir côtoyé pendant une quinzaine de jours cette délicieuse personne, dans un livre assez pauvre, où l'auteure trouve moyen par deux fois de confondre Ibsen et Strindberg - le comble, pour une spécialiste du théâtre... J'aurais tout aussi bien pu lire une bio de Zlatan, je ne me serais sans doute pas plus ennuyée et je ne vois pas comment j'aurais pu le trouver moins sympathique que Sarah Bernhardt.
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Une biographie passionnante sur cette diva, première réelle star qui réussit le tour de force de s'imposer sur la scène, de parcourir le monde avec ses tournées mais aussi de faire de la pub et de commercialiser des produits vendus grâce à son image.
Serait-ce une ancêtre d'une Kim Kardashian? Il est évident que nos influenceurs/seuses modernes n'ont rien inventé!
J'ai beaucoup aimé en apprendre davantage sur ce personnage, que certains détesteront pour son égocentrisme ... Moi non ;) Je trouve au contraire que pour l'époque, elle détonait certes du paysage classique, mais j'ai été surtout touchée par son enfance marquée par la solitude et l'abandon, enfant poussée à se faire mal pour attirer l'attention de sa mère.
Une vie donc à jouer la comédie, à repousser ses limites, notamment physiques, que j'ai trouvée fascinante.
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Une fois appris le rôle d'Iphigénie, Sarah Bernhardt se présente à sa première répétition au mois d’août 1862, mais c'est un régisseur, pas même un acteur, qui est chargé de lui montrer ses places, les entrées et les sorties, et qui lui raconte sommairement la façon dont ses prédécesseurs disaient tel ou tel vers. De plus, la robe blanche de laine sans manches, le voile raide et la petite couronne de roses qu'on lui a trouvés dans la réserve de la Comédie-Française ont si mauvaise mine qu’elle va améliorer sa tenue de ses propres deniers. C'était du reste au comédien d'acheter son costume, tout comme son maquillage et il n'y avait guère qu'au Théâtre-Français qu’était constitué un fonds permettant d'habiller sommairement les pensionnaires qui n'avaient pas encore les moyens de le faire elles-mêmes.
Le 11 août 1862, un public assez clairsemé, composé de quelques Parisiens et de touristes, assiste aux débuts de Sarah Bernhardt dans Iphigénie de Racine. Provost et Samson, ses deux professeurs du Conservatoire, sont venus l'encourager et la poussent vers la scène alors qu’elle est paralysée par le trac. Elle débite son texte comme une somnambule, à toute vitesse et quand elle lève les bras en signe d'imploration vers Achille, la robe sans manches laisse apercevoir deux bras si maigres qu'on entend une voix dans le public avertir son partenaire : "Tu vas t'empaler avec ces cure-dents !" Elle se ressaisit après un premier acte, de son propre aveu, catastrophique, mais ne parvient pas à captiver son public. Malgré cet échec, elle persiste dans sa volonté de devenir "quand même" comédienne, et se donne alors officiellement cette expression pour devise.
Apprendre à jouer : de la comédienne à la courtisane (1860-1866)
Chaque année, le 15 janvier, la maison de Molière organise une procession au cours de laquelle les comédiens de la troupe vont deux par deux couronner le buste du dramaturge pour commémorer le jour de sa naissance. Ce jour-là, Sarah a emmené avec elle sa petite sœur Régina, ravie d'échapper à l’atmosphère familiale et aux brimades de sa mère. Une doyenne de la maison, Mlle Nathalie, particulièrement corpulente, porte une robe à traîne de velours immense sur laquelle la petite fille marche par inadvertance. La sociétaire du Français repousse violemment l’enfant contre une colonne et le blesse. Sarah gifle alors l’imposante personne et Régina, dont le jeune âge n'exclut pas la verdeur de langage, la traite de "grosse vache". Les acteurs de la troupe, déjà largement hostiles à Sarah, sont scandalisé. M. Thierry, l'administrateur du Théâtre-Français qui lui a fait signer son contrat moins d'un an auparavant, la convoque pour exiger qu'elle présente ses excuses à Mlle Nathalie - ce qui entraînerait encore une sanction financière puisque même si ses excuses étaient acceptées, elle serait mise à l'amende. Mais la jeune femme au tempérament orgueilleux refuse de s'excuser et voit alors mettre fin à son contrat à la Comédie-Française, après moins d'une année.
Apprendre à jouer : de la comédienne à la courtisane (1860-1866)
Cependant, le monde théâtral parisien ne parle que de la présence à Paris de Victor Hugo, après vingt ans d'exil. Dès l'annonce de la chute de l'empire, l'écrivain est rentré dans la capitale. Les directeurs de l'Odéon profitent de la nouvelle situation politique et du retour du grand homme pour reprendre leur projet de 1868 : ils programment Ruy Blas. Sarah Bernhardt, après quelques intrigues efficaces, est choisie par "l'Illustre Maître" pour jouer la reine d'Espagne. Mais cet intérêt subit pour le théâtre de Victor Hugo est d'abord un goût de circonstance : Sarah pressent que la pièce va être l’événement de l'année et qu'il faut en être. Elle a d'ailleurs beaucoup de préjugés contre le dramaturge, entretenus par sa petite cour. Convoquée chez Hugo pour une première lecture avec les autres acteurs, le 6 décembre 1871, elle décide de ne pas s'y rendre : "J'étais tellement gâtée, adulée, encensée, que je me sentis blessée par ce sans-gêne d'un homme qui ne daignait pas se déranger, et invitait les femmes à venir chez lui,alors qu'il avait un terrain neutre : le théâtre, fait pour l'audition des pièces." Soutenue par son petit cénacle d’admirateurs, elle lui envoie une lettre un peu cavalière, s’identifiant déjà au personnage qu'elle va jouer : "Monsieur, la reine a pris froid. Et sa Camerata Mayor lui interdit de sortir. Vous connaissez mieux que personne l’étiquette de cette cour d'Espagne. Plaignez votre reine, Monsieur !"
Une étoile est née (1871-1878)
A ces mots, elle sembla sortir de sa torpeur, elle se redressa; le visage transfiguré, le cou tendu, les yeux brusquement dilatés, elle exprima l'ardeur de vivre, ne serait-ce que quelques minutes, pour cet Art qui se mélait au sang de ses veines. D'une voix au timbre retrouvé, elle demanda avec force:
--Qu'est-ce que je fais ?
Et nous restâmes stupéfauts: elle venait de perdre trente ans.
" Nous autres, les vibrants, nous avons besoin de croire pour faire croire. Notre vraie vie, c'est là-bas dans le foyer incandescent de toutes les passions vécues ou révées "
Comment transmettre la réalité des camps ? La question n'a cessé de hanter les survivants, les intellectuels. Et aujourd'hui, comment enseigner la Shoah alors que les témoins disparaissent ? le documentariste William Karel et la réalisatrice Sophie-Aude Picon utilisent un procédé inédit dans l'oeuvre radiophonique "La Diaspora des cendres".
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 7 Mai 2021)
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