Citations sur À l'intérieur (62)
" Quand je regarde quelqu'un dans les yeux, j'ai l'impression de violer son intimité. Voilà pourquoi j'évite délibérément de regarder les gens en face, parce qu'il me semble indécent de m'immiscer dans leurs pensées. Les yeux sont aussi transparents que des fenêtres." p.81
« On peut penser que moi aussi je suis différente. J’ai volontairement sacrifié mon avenir à celui de Jacob, renoncé à toute opportunité personnel afin de faciliter le quotidien de mon fils. J’ai laissé toutes mes relations partir à vau-l’eau, à l’exception de celle que j’ai bâtie avec Jacob. J’ai fait des choix que d’autres femmes n’auraient jamais faits. Au mieux, cela faisait de moi une mère courageuse. Au pire, une obstinée. »
« Les mères sont censées soutenir leurs enfants. Les mères sont censées croire en leurs enfants, quoi qu’il advienne. Les mères se mentiront, s’il le faut, pour épauler leurs enfants. »
Le cœur humain est pareil à une étagère. On peut y entasser beaucoup de choses, jusqu'au moment où tout dégringole et se casse en mille morceaux.
– Comprends-tu, Jacob, que tu as fait quelque chose de mal, aux yeux de la loi ?
– La loi n’a pas d’yeux. Elle a des tribunaux, des juges, des témoins, des jurés. Mais pas d’yeux.
Tous ces enfants autistes que vous voyez se taper la tête contre les murs, ce ne sont pas des malades mentaux. C’est que leur environnement est tellement bruyant qu’ils en souffrent. Ils essaient ainsi de faire taire la douleur.
Un jour, au mariage d’un cousin éloigné, ma mère a reproché à Jacob d’avoir refusé de bavarder avec les membres de la famille. Il a répondu que s’il s’était inquiété de la santé de tante Marie il aurait pris de ses nouvelles, mais comme il s’en fichait ç’aurait été de l’hypocrisie.
Avant, quand on me disait de prendre un siège, je le soulevais. Maintenant, je sais que je dois m’asseoir. Il y a plein d’expressions, comme celle-là, qui signifient autre chose que ce qu’elles disent : casser les pieds, avoir la main verte, juste une seconde, lâche-moi les baskets.
Est-ce ma faute si ces traitements ne sont pas reconnus par la communauté médicale, alors que les parents d’enfants autistes sont unanimes quant à leur efficacité ? Est-ce ma faute si l’on n’accorde qu’un budget de misère à la recherche sur l’autisme ? Si les compléments favorisent la concentration et atténuent l’hypersensibilité ? Les médecins le constatent, eux aussi, mais ils sont incapables de vous expliquer par quel processus scientifique. Si j’avais attendu que les médecins et les chercheurs me donnent des conseils, mon fils serait toujours emmuré dans sa bulle, comme il l’était à trois ans, inatteignable.
C’est douloureux de voir son fils de dix-huit ans avec une peluche. Mais c’est cela, l’autisme : une pente savonneuse. Vous croyez approcher du sommet, vous ne voyez plus le bas de la côte ; et tout à coup, vous dérapez et vous retombez au point de départ.
Dans les livres, les enfants qui ont un frère ou une sœur autiste s’en occupent constamment, ils les aiment à en mourir, et ils savent souvent mieux gérer les crises que les adultes. Moi, ce n’est pas le cas. Bien sûr, quand Jacob faisait des fugues, j’en avais mal au ventre. Mais je ne m’inquiétais pas pour lui, je me dégoûtais moi-même d’espérer qu’on ne le retrouverait pas.