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Critique de Plumefil


Je suis une fidèle lectrice de Jodi Picoult depuis que je l'ai découverte avec une douloureuse histoire sur le racisme dans "Mille petits riens". Ma deuxième lecture, "La tristesse des éléphants", abordant la précarité des populations de ces majestueux animaux, m'a confortée dans mon choix. Ainsi que "Ma vie pour la tienne" exposant l'existence tourmentée d'une enfant-réservoir devant donner un organe pour sauver une soeur aînée après de multiples ponctions, transfusions, actes médicaux de toutes sortes et "À fleur de peau" mettant en scène un jeune autiste Asperger passionné de criminologie; avec lui le lecteur est invité à essayer de comprendre son calvaire ainsi que celui de ses proches. Une réplique explicite du personnage principal avec laquelle il essaie d'expliquer son comportement m'a particulièrement touchée, parmi bien d'autres: "Imaginez-vous dans un pays dont vous ne maîtrisez pas la langue et où certains mots ont plusieurs sens, où un canard, par exemple, peut être un oiseau, un journal ou une fausse note ... Je suis un touriste parmi vous. Et je n'ai pas de billet de retour."

Voici en quelques lignes l'univers bouleversant de Jodi Picoult. Elle explore des faits de société loin d'être anodins qui provoquent souvent des prises de position très tranchées et opposées, ce qui fait de ses livres d'excellents sujets de réflexion. de plus, son style est fluide, agréable, ne se laissant aucunement alourdir par le poids de la question traitée aussi difficile et profonde soit-elle.

Il y a quelques semaines, furetant chez mon libraire ... oh quel hasard! ... mon regard a été happé par la lumière d'une lanterne émergeant de la nuit tombante. Puis les lettres rouges se sont agencées dans mon esprit. Je n'ai eu besoin de lire ni le titre ni la 4° de couverture pour que j'embarque ce volume, et son voisin du même auteur dont je vous parlerai peut-être plus tard. Pour l'heure, place à "Comme un loup solitaire".

Grâce à Luke, l'homme-loup, partageant difficilement sa vie entre ses meutes et sa famille, le monde des canidés sauvages devient un peu moins mystérieux. Loin d'être l'animal redoutable, assoiffé de sang et friand de chair humaine que les contes ont enraciné dans les esprits depuis des décennies, on découvre une créature intelligente, vivant au sein d'une famille hiérarchisée où les règles ne laissent aucune place au hasard et qui sont à la base même de sa survie.

Quel bonheur de sortir de l'ambiance mortifère de l'hôpital pour respirer le grand air canadien où Luke courre avec les loups car, au même titre que le corps moribond de l'éminent zoologue, le lecteur a besoin de grands bols d'oxygène pour progresser plus sereinement dans cette histoire éprouvante.

Car ce roman n'est pas seulement une histoire de loups, c'est aussi et surtout un drame familial, dont le style polyphonique, récurrent chez Jodi Picoult, permet de pénétrer dans la tête de chaque membre d'une famille déchirée par les non-dits. Tour à tour chacun des protagonistes peut exposer ses passions, ses angoisses, sa culpabilité. Cette construction donne un récit vivant, riche en émotions et non figé sur une seule personne. Elle permet aussi d'explorer un débat sur la question cruciale du comportement à adopter face à une personne privée de toutes ses facultés cognitives et qui ne reste en vie que grâce à des machines. Ce sujet délicat ne cesse de se confronter à l'éthique, aux désirs souvent opposés des membres d'une même famille car, la volonté explicite du "patient" n'a malheureusement pas toujours le poids le plus lourd dans la balance des décisions.

Régulièrement, des cas médiatisés émeuvent l'opinion publique où chacun croit avoir le droit de "poser son grain de sel" sur une situation complexe. Il est tellement simple d'épiloguer sans affect, seulement avec son intellect. Être celui ou celle qui prend la décision radicale et irréversible ne doit pas être si facile à assumer, quelque soit son choix!

Chaque personnage interpelle à sa manière par sa douleur, son chagrin et sa volonté de prendre la bonne décision mais je dois avouer qu'Edward, ce fils si différent de son père, est celui qui m'a le plus touchée en portant une culpabilité démesurée. Sa jeune soeur Cara peut paraître agaçante en restant obstinément aveugle à la réalité, certaine qu'un miracle se produira, comme dans d'autres cas, rien que par la force de son amour filial. Elle est tellement choquée, affirmée malgré sa jeunesse, proche de son père, son modèle, son idole. Comment à 17 ans peut-on accepter le retour d'un frère revendiquant sa position d'aîné, majeur de surcroît donc de chef de famille, alors qu'il a disparu de sa vie pendant 6 longues années en laissant une blessure si profonde que rien n'a pu combler cette béance de l'absence?

Encore une fois, j'aime cette autrice par la variété des sujets qu'elle aborde, par la luminosité qu'elle apporte aux situations les plus sombres, par son style choral inimitable, par sa façon d'entrelacer deux mondes si divergents, par la richesse de ses recherches documentaires. Elle sait réunir toutes les conditions qui attisent ma curiosité et me donnent envie de parvenir à la fin du livre en me laissant toujours le regret de la dernière page! Elle ne m'a jamais déçue et je continue à parcourir sa bibliographie avec curiosité et enthousiasme. En conclusion, vous l'aurez compris, "Comme un loup solitaire" est un très bon cru!
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