Intéressant pour tous ceux qui s'intéressent aux langues ou au langage en général, ici raconté par un paléoanthropologue, un linguiste et une pédiatre. le format en question-réponses facilite la lecture et la rend plus amusante, on y apprend beaucoup de choses évoquées par les auteurs en plus des explications qu'ils fournissent. Seulement, j'aurais aimé que Laurent Sagart prenne d'autres exemples en parlant des familles de langues et pas seulement les langues romanes et les langues chinoises.
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Très belle introduction à l'histoire du langage en paléontologie, linguistique et pédiatrie, domaine passionnant avec bcp d'informations étonnantes qui nous éclairent sur le sujet
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Avec les techniques d’imagerie, il est très intéressant d’observer ce qui se passe dans le cerveau des bilingues lorsqu’ils parlent leur première langue ou leur seconde. Chez l’adulte, on voit que deux régions différentes s’activent dans la zone frontale selon qu’il parle dans une langue ou dans l’autre. Pour la compréhension du langage en revanche, on n’a pas repéré de différence visible, du moins pour l’instant, chez les « vrais » bilingues : ceux-ci semblent utiliser exactement les mêmes régions temporo-pariétales à gauche pour les deux langues. Chez les « faux » bilingues – tous ceux qui parlent une deuxième langue, mais avec plus de difficultés que leur langue maternelle –, on trouve toutes les configurations possibles, y compris une séparation totale des régions actives entre les deux langues : la langue maternelle à gauche et la deuxième langue à droite ! Comme s’il existait une structure unique pour apprendre la première langue, et qu’ensuite le cerveau optait entre différentes stratégies possibles, peut-être en fonction des méthodes d’apprentissage ou de l’âge.
Tous les enfants du monde apprennent à parler grosso modo au même âge, et pourtant, d’une culture à l’autre, les parents s’adressent de manière très différente à leur bébé. Dans certains pays, on murmure lorsque l’on parle à un petit ; dans d’autres, au contraire, on élève le ton. Parfois on ne s’adresse pas de la même façon aux petits garçons et aux petites filles. Parfois, on ne leur parle pas directement tant qu’ils ne savent pas parler eux-mêmes ; parfois aussi, on les inonde de paroles. Ailleurs, on répète beaucoup les mots et les phrases, ou on les explicite sans cesse… Malgré toutes ces variations culturelles, tous les enfants apprennent à parler correctement leur langue maternelle.
Il semblerait que la langue soit assez autonome par rapport à la pensée, et que, en tout cas, le fait de parler une langue ne conduise pas ses locuteurs à raisonner d’une manière particulière. Nous avons tous le même cerveau, en dehors de nos expériences personnelles, et les langues empruntent les mêmes chemins, et je pense aux changements stéréotypés dans la grammaire ou le sens des mots que nous avons évoqués précédemment.
Mais, sans langage, j’aurai beaucoup plus de mal à vous parler du stylo bleu à marbrures vertes que ma grand-mère, qui l’avait reçu d’une princesse russe exilée, m’a offert pour mon seizième anniversaire en me faisant promettre de le transmettre à l’aîné de mes enfants, lorsque le temps serait venu… Vous voyez, au-delà des objets, des situations, des faits décalés par rapport au contexte concret dans lequel nous sommes, le langage permet également d’exprimer des obligations, des devoirs, des engagements… Ou de faire œuvre de pure imagination.
À la naissance, le bébé humain, particulièrement immature et désespérément peu performant – tout juste sait-il respirer et téter –, doit apprendre à parler comme il apprend à marcher. Seulement, si tout le monde marche peu ou prou de la même façon, il existe plusieurs milliers de langues différentes parlées à la surface de la planète, sans compter toutes celles qui ont disparu… Et les langues, elles, n’ont rien de génétique. Elles sont le pur produit d’une culture, le signe par excellence de reconnaissance identitaire et sociale.
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Pascal Picq est paléoanthropologue et maître de conférences au Collège de France. Ses recherches s’intéressent à l’évolution de nos sociétés actuelles et des entreprises dans le cadre de l’anthropologie évolutionniste.Il est l’auteur de nombreux livres,dont La Marche. Retrouver le Nomade qui est en nous qu’il présenta dans la conférence inaugurale du Salon du Livre d’histoire en 2016.