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Critique de fguer1


L'entre chien et loup de la fiction

« Il a tôt compris que la vérité n'existe pas, qu'il lui faut préférer l'entre chien et loup de la fiction. D'autres en auraient perdu la raison. Il y a gagné le battement de l'imagination.»
Une femme invisible de Nathalie Piégay, Éditions du Rocher


C'est à une drôle d'entreprise que se voue Nathalie Piégay en écrivant Une femme invisible.
Enseignante en littérature et spécialiste de Louis Aragon, elle publie ici son premier récit, une quasi-biographie de Marguerite Toucas-Massillon, celle qui fut longtemps privée du titre de mère pour satisfaire la bienséance. Marguerite est, en effet, la mère cachée d'Aragon, fruit d'amours clandestines avec Louis Andrieux, préfet, député puis sénateur de la IIIème République, de trente-six ans son ainé. Mais pour préserver l'honneur de la famille, la grossesse est cachée et c'est une fable qui préside à la naissance du petit Louis. La suite, on la connaît. On raconte qu'il est le fils d'un couple d'amis, les Aragon, décédés en Espagne dans un tragique accident de voiture. Claire, la mère de Marguerite, se donne le beau rôle en recueillant l'orphelin et en l'élevant comme un fils. Marguerite devient donc logiquement sa soeur et Andrieux… son parrain. Ainsi, apprend-on au passage, que le nom d'Aragon n'est pas un pseudo mais le nom du père de la fiction qui sert de berceau au futur écrivain.
Dévoilé tardivement, ce roman familial sera parfois évoqué par l'auteur du Mentir vrai, qui était, avec cette famille, à bonne école.

L'entre chien et loup de la fiction, Nathalie Piégay le manie avec délicatesse quand, scrutant les archives familiales et les livres du poète, elle tente de croquer la silhouette de Marguerite, sa « chère Marguerite », comme elle finira par écrire, dans une identification touchante à l'objet de sa quête. La plume légère, évocatrice, ne s'appesantit pas. La discrète Marguerite, qu'on imagine se promenant, parfois, aux marges des livres de son fils, on la découvre en femme indépendante et courageuse qui subvient dignement aux besoins de sa famille désargentée en peignant des motifs sur des services en porcelaine avant, sur la fin de sa vie, d'écrire des romans de gare, « des petites histoires d'amour à trois francs six sous » publiées dans le supplément hebdomadaire d'un magazine féminin.

Remarquablement écrit, ce récit tente de combler le silence des archives. Nathalie Piégay s'y implique joliment en nous conviant dans le sillage de la chercheuse et de son désir. On en ressort un brin rêveur, persuadé d'avoir croisé Marguerite Toucas-Massillon entre ses pages.
Une belle découverte !

Une femme invisible de Nathalie Piégay, Éditions du Rocher, 2018

Lien : http://motcomptedouble.blog...
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