Jessie remarqua aussi autre chose. La femme semblait se
diriger vers les ascenseurs … avec nonchalance. Elle n’avait pas
l’attitude de quelqu’un qui se presse. Il était tout à fait possible que,
seulement quelques minutes auparavant, elle ait drogué un homme puis l’ait tué
par strangulation, et pourtant, dans sa façon de se comporter, rien ne
suggérait l’inquiétude ou l’anxiété. Elle avait l’air pleine d’assurance.
Ryan avait récemment avoué à Jessie que ce qu’il ressentait
pour elle dépassait la sphère professionnelle.
Jessie ressentait la même chose depuis assez longtemps,
mais elle n’était jamais passée à l’action. Elle l’avait trouvé séduisant dès
qu’elle l’avait rencontré, le jour où il avait donné une conférence en tant
qu’invité à un cours auquel Jessie avait assisté. À ce stade, elle n’avait pas
encore connu son pedigree impressionnant en tant qu’inspecteur dans une unité
d’élite de la division vols-homicides de la Police de Los Angeles nommée la
Section Spéciale Homicide ou SSH. La SSH traitait les homicides à profil élevé
ou qui bénéficiaient d’une grande attention des médias, souvent avec plusieurs
victimes ou avec des tueurs en série.
Garland Moses donnait l’impression
d’être un vieil homme négligé style Columbo mais, comme Jessie le savait bien,
c’était une apparence et rien de plus.
Moses avait résolu quelques-uns des homicides les plus
complexes du pays pendant les quarante dernières années. Il l’avait d’abord
fait en tant que membre de la célèbre Division des Sciences du Comportement du
FBI basée à Quantico, en Virginie. Alors, à la fin des années 1990, après avoir
passé vingt ans à étudier ce que l’humanité avait de pire, il était parti à la
retraite dans le soleil de la Californie du Sud.
La femme qui l’a tué a pris
tout son temps. Même si on l’avait chargée de rendre la scène sordide, elle aurait pu s’en aller moins de quinze minutes plus tard. Elle y est restée deux
fois plus longtemps. Elle s’est attardée. Ce n’est pas le travail d’une professionnelle. De plus, elle aurait pu se contenter de le droguer sans le tuer. Un politicien mort, nu et drogué que l’on retrouve dans une chambre
d’hôtel, c’est assez embarrassant en soi. Pourquoi l’étrangler en plus ?
Non. Ce meurtre a une touche personnelle.
J’ai l’impression que cette femme est trop intelligente pour utiliser ces cartes, dit Jessie. Elle a porté des gants tout la soirée. La scène de crime était propre. Elle savait comment éviter de se faire filmer par les caméras de l’hôtel. Tu te souviens qu’on ne l’a pas vue
sur la vidéo quand il lui a adressé un hochement de tête dans le hall ?
Elle n’aurait pas été négligente au point de risquer d’utiliser les cartes et de se faire attraper pour ça.