Le premier d'une série de 3
J'ai beaucoup apprécié ce beau voyage dans le temps sur fond d'histoire d'amour.
L'intrigue se passe à Montréal.
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Janine Provencher n’avait jamais pris le métro ni roulé sur le pont Champlain. Elle n’avait jamais vu de télévision couleur, ni joué au Nintendo, ni utilisé de téléphone cellulaire. Elle ignorait tout d’Internet, de la conquête lunaire, de la montée du féminisme ou encore de la désertion des églises. Elle provenait d’une époque révolue aussi noire qu’une soutane, d’une génération étouffée de censure, emmêlée dans un voile de pudeur outragée, pour qui chaque journée s’égrenait en un long chapelet d’interdits.
Le seigneur du château, le puits, le passage souterrain, l’incendie, l’aventure de sa mère: Patrice n’en revenait pas. Il décida d’abord de tout garder pour lui de crainte de se faire dire que ces histoires n’étaient qu’un tissu de mensonges. Mais les jours suivants, il y pensa sans arrêt, s’en fit tout un roman alimenté par une imagination on ne peut plus fertile: il y avait déjà eu un prisonnier dans la cave, un pauvre gars, le pied enchaîné à une grosse boule noire, comme les Dalton. Ou, mieux encore, l’effroyable fantôme du seigneur hantait encore les oubliettes. Et si le fond du trou communiquait avec une immense caverne d’Ali Baba, recelant un fabuleux trésor?
Il était possible de bronzer sans soleil, parier contre une machine presque à tous les coins de rue, se balader en écoutant de la musique, payer avec une petite carte en plastique ou retirer de l’argent juste en pianotant sur un clavier encastré dans une sorte de robot bancaire. Il lui apprit aussi qu’on pouvait louer les films que l’on voulait, enregistrer toutes les émissions de télé que l’on souhaitait pour les visionner au moment qui nous convenait. Tout semblait si facile en ce début de XXIe siècle où Internet avait réduit la planète à la taille d’un gros village.
Elle n’était pas vraiment amoureuse, mais que connaissait-elle de l’amour à part ce qu’elle avait lu dans ses petits romans à deux sous? Or, son existence n’avait rien d’un roman à l’eau de rose. Elle avait besoin de vivre aux côtés d’un homme solide et sincère qui saurait la réconforter et partager ses rêves les plus fous. Un homme moderne qui, comme elle, refusait d’endosser les idées rétrogrades sur l’inégalité des sexes et la soumission des femmes à leur mari.
Mais le frère aîné de sa mère n’était pas un bandit comme ceux qui font des hold-up dans les banques. Patrice le savait parce que sa mère lui avait montré les coupures de journaux: Robin des Bois. Dans le temps, c’était comme ça que les journalistes appelaient son oncle parce que, comme le vrai, Laurent donnait aux pauvres ce qu’il prenait aux riches.