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François-Michel Durazzo (Traducteur)
EAN : 9782843045066
272 pages
Zulma (08/04/2010)
3.54/5   46 notes
Résumé :
"Mon premier lien avec l'histoire que ce livre raconte (comme c'est le cas chaque fois que les événements ne sont pas de la fiction) est le fruit du hasard. Un soir de mars ou d'avril 1966, dans un train qui allait vers la Bolivie, je fis la connaissance de Blanca Galeano que les journaux appelaient "la concubine" du voyou nommé Mereles. Elle avait seize ans mais avait l'air d'une femme de trente ans et elle fuyait. Elle me raconta une histoire très étrange que je c... >Voir plus
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Roman reçu dans le cadre d'une masse critique, merci aux éditions Zulma et à Babelio.
Ricardo Piglia, en partant d'un fait divers construit un roman qui tient le lecteur en haleine du début à la fin.
Un hold up à main armé perpétré dans l'après-midi du 27 novembre 1965 en plein coeur de Buenos-Aires va donner lieu à une enquête et à une chasse à l'homme qui se terminera dans le sang au centre de Montevideo.
On comprend très vite que ceux qui ont commandité le hold up vont laisser tomber les hommes de main qui ont tué trois policiers.
Bebe Brignone, Dorda le Gaucho Blond, et Mareles dit le Corbeau sont connus des services de police, mais pas les commanditaires...et Malito le cerveau du casse a disparu !
Piglia utilise la documentation existant sur ce fait divers qui a mobilisé les polices argentines et uruguayennes. Il a passé au crible les auditions des témoins, les papiers parus dans la presse et les interviews des différents protagonistes.
A partir de ce matériau brut, il imagine une histoire crédible en construisant des personnages à partir de leur parcours et en imaginant leurs liens. le tout est crédible et constitue une performance littéraire comme les dialogues entre les casseurs par exemple.
Bien sûr, Piglia s'appuie aussi sur le contexte politique et social de l'Argentine qui sort de l'expérience péroniste suite à un coup d'état des militaires en 1955.
Militaires qui fomentent un deuxième coup de force en 1962. Malgré cette sédition, le front péroniste remporte les législatives de 1965, mais l'armée intervient de nouveau en 1966 et demeurera avec la police un acteur incontournable de la vie politique argentine.
La clandestinité pour les partisans de Peron empruntera parfois des voies à la limité de la légalité, mais qu'est la légalité dans une dictature ?
Pour l'état militaire et policier, la frontière est floue entre crimes de droits communs et crimes politiques, et justifie la répression et la torture.
La corruption est une autre caractéristique de l'état argentin dans cette période.
Le commissaire Silva en charge de l'enquête est prêt à tout, "Paranoïaque, (...) il avait tout un tas d'idées sur l'avenir politique, la montée des communistes et des prolos. (...) les gens de la résistance péroniste -disait-il- avaient commencé à faire des casses pour leur compte. Il fallait briser cette connexion si on ne voulait pas retourner à l'époque des anarchistes où on ne distinguait pas les truands des politiques."
Cette façon de penser mènera l'Argentine au nouveau coup d'état de 1976 et à la dictature funeste du général Videla jusqu'en 1983.
Plus qu'un simple polar un roman historique et social qui éclaire le lecteur sur l'état de la société argentine et les dérives politiques de ses gouvernants.

Lien : https://camalonga.wordpress...
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Je tiens à remercier l'opération "Masse critique" de Babelio et les éditions Zulma qui m'ont permis de découvrir ce roman noir argentin de Ricardo Piglia, traduit par François-Michel Durazzo (très réputé en Corse pour sa traduction du roman de Sebastianu Dalzeto, "Pépé l'anguille" (Pesciu Anguilla).
Dans son épilogue l'auteur écrit : "Ce roman raconte une histoire vraie. Il s'agit d'une affaire mineure et désormais oubliée de la chronique policière, mais qui à mes yeux, au fur et à mesure que je faisais des recherches, a acquis la lumière et le pathos d'une légende. Deux villes (Buenos Aires et Montevideo) furent le théâtre de ces faits, entre le 27 septembre et le 6 novembre 1965. (...) En fait, il s'agit du braquage d'un convoi de fonds. L'ouvrage relate le "casse" puis la traque des malfaiteurs. L'ambiance est glauque, les personnages ambigus. Drogue, sexe, corruption, violence gratuite, prostitution, aliénation mentale, politique font partie de l'intrigue très violente où l'on ne compte pas les victimes et les échanges de tirs. J'ai trouvé quelques longueurs au récit, et n'ai eu d'empathie pour aucun des protagonistes, qu'ils soient policiers ou gangsters. Je note que l'auteur était non seulement romancier et essayiste mais également scénariste, et ce livre pourrait justement servir de base à un film policier d'une extrême violence.
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Dans une période trouble de l'histoire argentine, de paranoïa politique, de répression et de violence extrême, ici en filigrane, Ricardo Piglia fait la chronique d'un casse, un braquage sanglant de transporteurs de fonds qui eut lieu à Buenos Aires en 1965.

Après la rencontre fortuite avec l'une des protagonistes de ce fait divers en 1966, Ricardo Piglia en fut durablement marqué et commença alors à écrire. Mais la gestation fut très longue et il ne publia "Argent brûlé" en Argentine qu'en 1997.
On imagine que ce qui a occupé Ricardo Piglia pendant un certain temps est la forme à donner à ce récit. Cette forme accroche mais aussi déconcerte car, tout en suivant la chronologie des faits jusqu'à la scène finale, l'auteur multiplie les points de vue (un des casseurs, le receveur des fonds, un médecin psychiatre, un journaliste…) et les temps dans un jeu narratif complexe, où l'on se demande souvent qui parle et à quel moment.

Et c'est tout l'intérêt de cet objet littéraire dans lequel on pénètre comme dans un prisme aux multiples facettes, avec une narration objective et des descriptions froides des faits, des lieux et de la chronologie, d'où les personnages (la bande de casseurs et le commissaire Silva en charge de l'enquête), pris dans l'engrenage d'une violence absolue, ont l'air de surgir dans toute leur complexité, leur démence psychotique, leur dimension héroïque.

«En taule, racontait-il parfois, j'ai appris ce qu'est la vie : t'es dedans, on te brutalise, t'apprends à mentir, à ravaler ta haine. En prison je suis devenu pédé, drogué, voleur, péroniste, joueur, j'ai appris tous les coups tordus, à casser d'un coup de boule le nez de types qui te font la peau si tu les regardes de travers, j'ai appris à porter un surin caché entre les couilles, à me fourrer les sachets de came dans le trou du cul, j'ai lu tous les livres d'histoire de la bibliothèque, parce que j'avais rien à faire, on peut me demander qui a gagné n'importe quelle bataille, l'année qu'on veut et je le dis, parce qu'en prison t'as rien à foutre alors tu lis, tu regardes dans le vide, le bruit que font les pauvres mecs enfermés là te soûle, tu deviens venimeux, tu te remplis de poison comme si t'en respirais, t'entends des branques raconter sans arrêt les mêmes conneries, tu crois qu'on est jeudi alors qu'en réalité on est à peine lundi soir.»

Les malfaiteurs tous complètement fous, et en particulier Brignonne alias Bébé et son inséparable «jumeau» Dorda dit le Gaucho, Malito le cerveau de l'affaire, et Mereles le corbeau, traqués par des policiers obsédés par la résistance péroniste, reflets d'une société rongée par la violence, nous emmènent vers une lutte sans reddition possible, dans un fait divers tragique qui prend la dimension d'un mythe sous la plume de Ricardo Piglia.

«Ils parlaient comme ça, leur manière de parler était plus ignoble et plus impitoyable que celle de ces flics rompus dans l'invention d'insultes destinées à humilier les prisonniers jusqu'à en faire des poupées de chiffon. du gros calibre, de vrais gangsters, que la torture faisait plier, qui finissaient par se rendre, après avoir entendu Silva les insulter et leur donner de l'électricité pendant des heures, pour les faire parler. Les vestiges des mots morts dont les femmes et les hommes se servent au lit, dans les boutiques et aux toilettes, car la police et les bandits (pensait Renzi) sont les seuls qui sachent faire des mots des objets vivants, qui sachent en faire des aiguilles qu'on plante dans ta chair pour te détruire l'âme comme un oeuf cassé sur le rebord de la poêle.»
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Une histoire de braquage. Quelques centaines de milliers de dollars, un convoi de fonds, cinq braqueurs dont un cerveau et une taupe. Tous les éléments de la tragédie contemporaine sont en place et, dès le clap de départ, les mitraillettes sifflent et le sang coule. le coup a été préparé soigneusement par Malito, dont le nom (qui signifie méchant) sera aussi bien de pseudonyme : logistique de la fusillade, points de chute où fuir en attendant le retour du calme … Mais le casse est si sanglant que toute la police de Buenos Aires est sur les dents. Il se murmure cependant dans les journaux que la police est à cran car, complice, elle n'a pas été rémunérée par ces tueurs qui se passent décidément de loi, et surtout de foi, c'est-à-dire du code d'honneur des malfaiteurs.

Acculés dans leur fuite, les braqueurs passent de l'autre côté du Rio de la Plata, à Montevideo, en Uruguay. Là, pris au piège dans une souricière peut-être aménagée par la police, les trois survivants vont livrer une résistance qu'on qualifierait d'héroïque, si l'on oubliait la nature des actes commis par ces trois hommes.

Voilà un fait divers : un braquage qui tourne mal et qui finit, comme il a commencé, en bain de sang. Voilà une anecdote personnelle : l'auteur, Ricardo Piglia, fait la connaissance dans les années 1960, dans un train en partance vers La Paz, d'une jeune femme qui se dit être la compagne de l'un de ces hommes. Elle lui raconte son histoire et lui, jeune écrivain, prend des notes. Des notes qu'il retravaillera à partir de 1995, publiant le roman en 1997, un roman sous forme de chronique judiciaire et journalistique dans lequel Piglia refuse presque le rôle de romancier. Il écrit, dit-il, en respectant ce que lui disent les archives de l'époque et ne consent qu'à peine à combler les vides. de là émerge un récit qu'on dirait troué, flou par moment, où la rumeur, les on-dit, les peut-être sont, à l'égal des certitudes, les trames solides de ce récit.

Au-delà du fait divers, il y a des hommes et des femmes qui, aussi détestables puissent-ils être par leurs actes, méritent que la plume de l'écrivain gratte leurs vies à l'encre noire. Malito, Mereles le Corbeau, Bazan le Bancal, et surtout Bébé Brignone et Dorda le Gaucho Blond. Des hommes, donc, un brin fêlés, fêlés voire brisés par la vie, par des jeunesses rudes passées entre les camps de redressement, la prison et les quartiers mal famés de la capitale argentine. Des hommes à la gâchette facile, certes, qui se piquent et sniffent de la cocaïne, mais des hommes qui aiment aussi. Des hommes, des voyous, c'est certain, qui ne sont pas seulement animés par l'appât du gain : preuve en est la scène qui donne son titre au livre, ultime bras d'honneur de ces marginaux à une société qui prend en horreur la violence visiblement illégale mais s'accommode très bien de celle, tout autant illégale, ou du moins amorale, qui est invisible.
Car Piglia campe son roman dans l'Argentine des années 1960. La police, largement corrompue, use de méthodes barbares, dignes de la guerre sale sud-américaine, pour obtenir des aveux tandis qu'au somment de l'État s'agitent les péronistes pourtant interdits et les conservateurs. Tout cela crée naturellement une ambiance lourde et les journalistes du roman s'interrogent sur les liens entre le braquage, la police et les péronistes, sans jamais pouvoir avancer de preuve.

Objet littéraire étrange, Argent brûlé serait un fait divers étiré, ausculté et pourtant respecté par Ricardo Piglia. Prétexte à une analyse en surface de l'Argentine des années 1960, c'est aussi un roman noir dont le rythme, parfois soutenu, sait s'adoucir pour établir quelques repères. Sans doute y avait-il prétexte à creuser plus encore. Mais cela, puisque les archives ne le disaient pas, Piglia ne l'a pas écrit.
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Un souffle exceptionnel, captivant de bout en bout.
S'inspirant de faits réels, Piglia nous offre un roman noir magistral, un vrai documentaire, remarquable à cause de sa construction narrative, et de son travail sur le langage.
Après avoir fait de nombreuses recherches, il nous raconte l'histoire d'un braquage en suivant les événement dans un ordre chronologique, mais en variant le point de vue narratif : on est tantôt du côté des malfaiteurs ou des policiers, tantôt de simple témoins ou de journalistes, mais le plus souvent, le narrateur se place en observateur décrivant les événements en direct, ou avec le recul des années.
Ici la violence est sans limites, dans un contexte politique étouffant, elle est au coeur de la psychologie des personnages, dans la pratique policière et la dictature de l'état.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Malito avait plusieurs manies. Le téléphone en était une. D'après lui, tous les téléphones de la ville étaient sur écoute. Mala la Folle en avait d'autres, d'après cet allumé de Dorda. Il ne pouvait pas supporter la lumière du soleil, il ne pouvait pas voir beaucoup de gens ensemble, il passait son temps à se laver les mains à l'alcool pur, aimant la sensation fraîche et sèche de l'alcool sur la peau. Son père était médecin (disait-on), les médecins se lavent les mains jusqu'au coude avec de l'alcool, à la fin des consultations, et il en avait hérité cette habitude.
Tous les microbes (expliquait Malito) se transmettent par les mains, par les ongles. Si les gens ne se serraient pas la main, la mortalité baisserait de dix pour cent, la population meurt à cause des microbes. Les morts violentes (d'après lui) ne représentaient pas la moitié des morts par maladie contagieuse et pourtant personne ne mettait les médecins en prison (riait Malito). Il imaginait parfois les femmes et les enfants dans la rue avec des gants de chirurgien et des masques anti-projections, tous masqués dans la ville pour éviter contacts et maladies.
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On les appelle les Jumeaux car ils sont inséparables. Mais ils ne sont pas frères, ne se ressemblent pas. Difficile même de trouver deux types si différents. Ils ont en commun cette façon de regarder, des yeux clairs, calmes, une fixité perdue dans un regard méfiant. Teint rougeaud, sourire facile. Dorda est lourd, tranquille. Brignone est maigre, leste, léger, il a des cheveux noirs, une peau très pâle comme s'il avait vécu en prison plus de temps qu'il n'en a réellement passé.
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Le garçon d'El Mundo nota ce que Silva avait commencé à déclarer.
- Ce sont des malades mentaux.
- Tuer des malades mentaux n'est pas bien vu de la presse, ironisa le journaliste. Il faut les enfermer dans un asile, pas les exécuter...
Silva regarda Renzi d'un air fatigué. Encore cet insolent gamin, avec ses petites lunettes et ses cheveux bouclés, son air niais, qui ne comprenait rien à la réalité ni au danger de la situation, il avait l'air d'un parachuté, de l'avocat commis d'office ou du plus jeune frère d'un prisonnier qui se plaint du sort infligé aux criminels dans les commissariats.
- Et tuer des gens normaux, ça, c'est bien vu? répondit Silva de la voix basse de celui qui doit expliquer ce qui est évident pour n'importe qui.
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La voix leur parvenait déformée, comme une voix de fausset, une typique voix de connard, perverse et autoritaire, étrangère à tout autre sentiment que le plaisir d'humilier. Des types qui crient, sûrs qu'on va leur obéir ou s'effondrer. C'est la voix de l'autorité, celle que crachent les haut-parleurs, dans les prisons, les couloirs des hôpitaux, les fourgons cellulaires qui, dans la ville déserte, en pleine nuit, conduisent les prisonniers dans les souterrains des commissariats pour leur infliger des coups de matraque ou l'électricité.
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Ensuite, à un moment donné, on sut que les délinquants étaient en train de brûler cinq millions de pesos qui leur restaient du casse de la mairie de San Fernando, d'où on le sait, ils s'étaient enfuis avec sept millions.
Ils commencèrent à jeter des billets de mille enflammés par la fenêtre. Depuis le vasistas de la cuisine, ils réussirent à faire voler l'argent brûlé au-dessus du carrefour. On aurait dit des papillons de lumière, ces billets enflammés.
Un murmure d'indignation s'éleva parmi la foule.
- Ils le brûlent.
- Ils sont en train de brûler l'argent.
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ARGENT BRÛLÉ de Ricardo Piglia
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