AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MarcusMauss


En attendant que le libraire de mon quartier de Rotterdam se procure l'édition française de Capital et idéologie, chose pas évidente en temps de coronavirus, la traduction néerlandaise est sortie et l'on voyait au bord des routes de grandes affiches pour Kapitaal en ideologie, traitement réservé d'habitude pour les Dan Brown ou J.K. Rowling de ce monde.
Thomas Piketty se bestsellerise, il doit y avoir quelque chose qui fascine beaucoup de monde dans ses livres.

Là je viens de terminer Capital et idéologie, oui c'est fascinant, mais je ressens aussi une légère indigestion.
D'abord la fascination. Thomas Piketty a écrit un livre qui analyse clairement l'état de notre planète sur beaucoup de plans, mais surtout au niveau socio-économique et politique. L'idée centrale: les sociétés humaines sont toujours inégales et elles cherchent toujours une justification pour ces inégalités. Ces justifications changent durant l'histoire, et il ne faut pas les prendre pour de l'argent comptant. On peut les changer, et c'est ce qu'il faut faire avec les justifications actuelles, qu'elles soient européennes, etatsuniennes, chinoises ou autres. Instrument favorisé: la taxation progressive du capital, de préférence dans un contexte international.
Il faut dire que, même pour le lecteur critique que je crois être. Piketty convainc.
Dans son livre précédent, le capital au XXIe siècle, il a démontré, chiffres à l'appui surtout pour les pays européens, que le capital a toujours eu un meilleur rendement que le travail fourni. Les écarts entre possesseurs de capitaux, que ce soient terres, immobilier ou titres d'actions, ont tendance à se creuser. Pour contrer cette tendance avec toutes les conséquences sociales qu'elle implique, il faut imposer le capital plus que le travail. Dans Capital et idéologie Piketty reprend cet argument, mais cette fois-ci à une échelle planétaire. À plusieurs moments dans l'histoire mondiale, entre autre après les deux grandes guerres du 20ième siècle, des gouvernements divers ont en effet exécuté une politique d'impôt de plus en plus progressif sur revenus et capitaux. Leurs économies se sont rapidement améliorées. Depuis les années 1980, Reagan et Thatcher obligent, la tendance s'est renversée. On impose de moins en moins et de moins en moins progressivement, le capital fuit vers les endroits où il est peu ou pas du tout taxé, et les classes moyennes et pauvres paient relativement beaucoup pour le bien-être général de leur pays, et en profitent relativement peu.
Après la fascination pour l'analyse j'en ai pour les solutions. Piketty en a des assez concrètes, aussi bien pour les impôts progressifs que pour la coopération entre pays (de prime abord européens) pour lutter contre la fraude fiscale et fuite des capitaux.

Le sentiment de digestion après lecture provient d'abord du nombre de sujets traités . On a parfois l'impression de lire trois livres à la fois. Par exemple: dans la quatrième partie de son livre, on en est déjà à plus de 800 pages qui ont décrit post-colonialisme, postcommunisme et la crise du néopropriétarisme, Piketty s'attaque au problème du changement des électorats de gauche et de droite. C'est un peu inattendu et surtout très franco-français, là où le contexte jusque-là était plutôt planétaire. On frôle l'overdose. En plus Piketty n'est pas un grand styliste et a tendance à se répéter. le livre aurait peut-être gagné en force si un éditeur un peu plus sévère l'avait réduit de 200 pages.

Néanmoins, Capital et idéologie est à lire absolument quand on se sent concerné par l'état de notre planète, qu'on veut mieux comprendre le débat politique là-dessus, et qu'on cherches des solutions pour l'améliorer.
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}