...Et Sharon ne disait rien parce qu'elle ne trouvait pas de réponse. Elle pensait seulement que sa mère et sa soeur étaient fabriquées dans la même pâte, que les mots qui sortaient de leurs bouche ne valaient rien. Leur promesses étaient belles et peu solides comme les souliers en faux cuir exposés derrières les vitrines du magasin Chaussures de Paris, qualité supérieure ...
... Et Mona s'isolait dans la cour un petit moment. Et elle jurait toujours que c'était la dernier pipe et qu'on ne l'y reprendrait plus.
seize mois auparavant à l'hôpital, Gina avait promis que Billy serait le dernier. Elle avait supplié Sharon de la croire. Elle avait dit : "Je te jure, j'ai même pas fait exprès cette fois ..."
... Perdus à jamais dans la forêt ...
Quelquefois, faire un enfant de plus permettait de souffler un peu, grâce aux allocations de naissance qui renflouaient le compte bancaire.
Certaines ne manquaient pas de se plaindre, marmonnant qu'elles haïssaient la vie et plus encore les hommes qui les avaient poussées dans la misère.
Leur grande consolation était de se retrouver dessous la veranda de l'une ou l'autre.
Jacasser avec les copines, se plaquer des mèches, se teindre ou se défriser les cheveux, afin d'oublier durant quelques heures l'éblouissante cruauté du monde réel.
La Ravine claire rassemblait à présent une cinquantaine de logements très sociaux construits pour abriter les défavorisés. Au commencement de l'année 2000, un demi-hectare avait encore été défriché et précipitamment aplani.
Quatre-vingts pour cent des gens qui vivaient là avaient pour chef de famille une femme.
La plupart des mères étaient des chômeuses.
Lorsqu'elle arriva en sixième au collège Nelson Mandela de Lareine, un de ses professeurs lança à Sharon:
"Je n'ai jamais rencontré un bon élément de par chez toi. Tous ceux qui habitent là-bas sont voués au pire. Perdus d'avance.."
La Ravine claire.
Jusqu'alors Sharon ne s'était pas vraiment rendu compte qu'elle et sa famille vivaient dans ce qu'il fallait bien appeler par son nom: un ghetto.
Elle croyait que partout c'était pareil sur la terre, ce même monde violent, menaçant et angoissant.
Sharon était née là, le 20 janvier 1997, à La Ravine Claire, sa cité déshéritée nichée au pied du Morne Bisiou.