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Critique de motspourmots


Le pouvoir de la littérature est infini. Un baume sur les plaies les plus douloureuses. Quand une héroïne de roman s'interroge sur le nombre de fois où l'Art lui a sauvé la vie, vous savez que vous êtes en bonne compagnie. Il n'y a pas de hasard. J'avais lu ce premier roman cet été pour les 68 premières fois. Dévoré, adoré... et hop ! sélectionné ! Sans savoir que bientôt il trouverait un écho particulier en moi.

Il faut dire que Gaëlle Pingault trouve le ton et la juste distance pour aborder ce thème hautement douloureux qu'est le deuil d'un être cher. Avec un premier chapitre qui provoque immédiatement l'empathie du lecteur pour Aliénor Végant, jeune femme jusque-là parfaitement heureuse et dont la vie vient d'être brisée par le suicide d'Alex, son mari. Aliénor et Alex formaient un couple de parisiens un peu bobos, aux vies professionnelles bien remplies avec des envies d'autre chose, de verdure et de sens. Architecte, Aliénor rêvait de construire beau et utile. Cadre informatique dans une grande entreprise de télécommunication, Alex s'interrogeait de plus en plus sur la dureté du monde. Jusqu'à ce que cette violence le rattrape au quotidien. Harcèlement, brimades, cruauté de méthodes de management plus ou moins cautionnées par une hiérarchie obsédée par les coûts et les économies d'échelle... Alex s'est suicidé, sans un mot, laissant Aliénor face au vide et aux questions.

Entre souvenirs et affrontement du présent, la plume de Gaëlle Pingault dessine une Aliénor perdue et décidée à la fois, qui interroge sans cesse les signes ou les paroles d'Alex à l'aune de ce geste définitif. Mais comme je le disais plus haut, l'équilibre est parfait, le fil sur lequel avance la jeune femme laisse passer l'émotion sans jamais céder à la facilité dramatique. Une pointe d'humour, le regard décalé qu'elle porte sur son couple et leur rapport au monde à tous les deux, la confiance qu'elle choisit de se faire... Malgré la violence du contexte qui affleure dans ses rapports avec l'entreprise de son mari, malgré les vérités crues que l'on devine à travers les pressions subies par Alex, malgré les extraits de bulletins d'information radiophoniques qui ponctuent chaque chapitre... Malgré tout ça, une certaine douceur entoure le lecteur. Grâce à des rencontres, une dose de bienveillance, une soirée en librairie, un spectacle envoûtant, la visite d'une exposition qui imprime du beau sur la rétine.

L'auteure parvient ainsi à mêler le thème de la violence au travail (en l'englobant dans celle inhérente à la dureté globale du monde) et celui du deuil et de la renaissance, sans plomber le lecteur, bien au contraire. Elle nous offre un roman lumineux, juste et poignant. Qui ne nie pas la douleur mais propose de la dépasser et de choisir la résilience.

"Je me sens comme une gosse à la veille de la rentrée. J'ai la trouille. Une grosse trouille. Je ne sais pas si je vais savoir faire ma vie sans toi. Recommencer officiellement à vivre, sortir du no man's land tolérable après ton décès. Avoir une vie professionnelle et une vie privée, et articuler les deux. Sans toi. Je n'ai jamais été tapie dans ton ombre. Je n'ai pas à me découvrir ni à me construire, ça va, merci. Mais je t'avais choisi, alors que je n'ai pas choisi de me passer désormais de toi. C'est ce non-choix qu'il me faut désormais apprivoiser".
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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