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Critique de SophieLesBasBleus


Alex a choisi de se suicider. Alex s'est immolé sur son lieu de travail, cette Grande Entreprise où l'odieux Boucher, son chef de service prédestiné à abattre par son patronyme, continue sa perverse mission d'exclusion. Alex s'est suicidé et Aliénor, sa femme, poursuit un dialogue qui, parce qu'il s'est irrémédiablement interrompu avec la mort de l'interlocuteur, prend la forme d'un monologue, d'un compte rendu du passage de l'état d'épouse heureuse à celui de résiliente en passant par les questions et tourments de la veuve mutilée de sa moitié d'âme. Colère, incompréhension, souvenirs, révolte, regrets, remords... se traduisent par les mots les plus directs, les plus simples, ceux que chacun-chacune pourrait formuler dans une telle situation, pour peu qu'une énergie vitale - de celles dont on ne sait d'où elle vient, ni comment elle agit souterrainement, ni si elle sera suffisante pour tenir debout "quand même" - continue d'irriguer le corps et la pensée. Aliénor nous donne finalement à lire, à voir toutes les étapes du long cheminement, de ce que l'on appelle - peut-être improprement - le "travail de deuil". Avec la force que donne la certitude instinctive d'avoir été aimée, d'avoir été heureuse et de pouvoir l'être encore, elle préserve une part d'humour, de causticité et une intelligence des évènements qui la préservent du naufrage dans le chagrin et dans un pathos larmoyant. Elle apprend en quelque sorte à "vivre sans" et à "faire avec" ce manque inexorable. C'est cet apprentissage que raconte son récit en entremêlant très finement l'histoire personnelle au contexte social et économique brutal qui en bouleverse la trajectoire.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce premier roman, par les thèmes qu'il brasse, par sa construction qui laisse la part au temps de l'implicite sans l'étirer inutilement, et par l'écriture vive, sensible, dénuée d'affèteries de Gaëlle Pingault. L'amertume que cette lecture pourrait engendrer en décrivant de l'intérieur le désastre d'une société qui ne trouve de valeurs que dans la rentabilité financière s'estompe derrière le léger espoir qu'entretiennent les choix d'Aliénor. Les choix et la dignité de l'humain.
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