Drôle d'été !
Le narrateur a tout quitté, y compris lui-même : « mon projet, c'était l'indifférence, le détachement, l'abêtissement, la prostration, l'évanouissement social, l'abandon, l'annulation de ma personne. Rien à voir avec le suicide ».
Rien que ça !
Hem, ça commençait bien. Voilà notre homme dans la campagne, pas loin de battre la campagne lui-même.
Faut dire qu'avec son projet, il a un sérieux arriéré…
On comprend au fil des pages qu'il a connu un traumatisme profond, et que son amour perdu à la suite de ce traumatisme le tourmente nuit et jour. Cette Hélène le hante, c'est sûr. Et puis il entend continuellement un rire de jeune fille, et entrevoit une silhouette de jeune fille aussi, aux longs cheveux retenus dans une queue de cheval.
Il a élu domicile dans une grange abandonnée, au pied d'une décharge désaffectée, loin de toute civilisation. de temps à autre, il se rend au village, à la petite ville la plus proche, pour renouer avec la non-folie.
Voilà, le mot est lâché : de migraines en hallucinations, sonores et auditives, de raisonnements boiteux en lâchage de phrases insensées, le déséquilibre mental de l'homme flirte effrontément avec la démence.
J'ai très moyennement apprécié ce roman, même si son style poétique est magnifique. Mais ici, très peu pour moi, je n'ai pas accroché à l'histoire, aux élucubrations psychologiques auxquelles il fallait m'accrocher pour tenter de suivre.
Et pourtant, la nature, omniprésente, offre un écrin à cette histoire d'homme seul et malheureux.
Désolée, je n'ai pas eu la force ni la patience de me laisser séduire. Un autre Pirotte m'attend dans ma PAL, peut-être qu'avec celui-là, la magie prendra. Je l'espère, parce que les auteurs belges, en général, me ravissent, à commencer par la fille de celui-ci, Emmanuëlle, dans son roman « Rompre les digues ».
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Drôle de petit livre. Drôle de très beau petit livre.
Ou si la fuite, l'errance ou une certaine forme de vagabondage étaient le trousseau de clefs qui permet d'ouvrir toutes les portes de l'esprit, des sentiments, des regrets, des remords...
Récit qui oscille entre réalité, imaginaire et même une certaine forme de délire.
Comment se retrouver sauf en allant plus loin, faire d'autres rencontres, découvrir d'autres lieux qui ne sont tous, peut-être, que les acteurs des souvenirs.
Avec une langue gorgée de poésie, l'auteur nous donne d'imaginer, nous aussi, l'itinéraire de cet homme-errant, ses vérités, ses mirages...
N'espérons-nous pas tous regagner" notre combe", finalement ?
Ce livre est un récit à interpréter, chacun, selon nos bagages...
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Un livre où la frontière entre réalité et rêve n'est plus étanche, ni même le passé ou le présent. Escapades d'un vagabond quelque part depuis une combe perdue et se terminant inévitablement au zinc d'un comptoir... Fuites hantées par des souvenirs de parfums et de rires féminins. Transcription d'un journal intime oscillant entre reconstruction et déraison ...
Expérience de lecture difficilement transmissible mais sensible et enrichissante.
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Ce roman poétique qui raconte - mais le récit est semé de trous - l'errance d'un personnage étrange, déraciné, désorienté, dans une campagne qui lui offre l'asile dans une cahute au fond d'une combe. le vagabond se parle et explore ce qui est autour de lui. Qui est-il? Et qu'est-ce que ce rire de jeune fille qui par instants lui traverse la tête? Des symboles, des signes énigmatiques, comme si une vie antérieure affleurait et qu'on cherche désespérément à y retrouver l'identité perdue, éparpillée aux quatre vents d'un mystérieux malheur. L'errance, les rencontres de hasard, la nature comme ultime asile. C'est envoûtant.
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La dure obligation d'avoir à me "reconstituer" chaque matin, à rassembler mes éléments épars, éprouve mes nerfs comme si je me livrais à un jeu de patience affolant, dont les règles sans cesse se modifient à mon insu. Une collections d'images brouillées et fuyantes déroule dans le désordre les fragments d'un kaléidoscope, dont je m'obstine à interpréter l'incohérence. Chaque être est-il ainsi contraint de jour en jour à cette recherche harassante de ses clés ?
Le café, lui, dégageait une parfum gras qui rappelait l'odeur de certaines fougères, dans les sous-bois après la pluie. Je dois bien avoir passé une heure à chercher l'image des fougères, et j'ai fini par me souvenir de la forêt du Grand-Jailly, où j'allais, enfant, me perdre en automne, sous le prétexte de ramasser des trompettes de la mort. Dans l'odeur du café aussi il y avait des trompettes de la mort.
Tenir un journal, quand on est plus ou moins un vagabond sans avenir ni passé, voilà qui est absolument dénué de sens. Lorsque j'ai voulu examiner les papillons, ils se sont évanouis sous mes doigts en une poudre subtile aux reflets moirés. Mon haleine seule, peut-être, aura suffi à les désincarner. Rien d'extraordinaire, sans doute. J'ai cependant éprouvé une crispation du cœur, comme si c'était la poussière de mon propre squelette qui m'était apparue en rêve.
Je me suis installé hier dans ce baraquement déglingué. Certaines gens se trouvent toujours et partout de péremptoires raisons de vivre. Moi, sans doute, je n’ai jamais connu semblable assurance. Il y a ceux qui parlent de leurs vacances, dessinent les plans d’un bungalow pour leurs vieux jours, rêvent d’un rire de femme, courent les putains, les cafés ou les banques, et comptent les dimanches. J’ai peut-être été comme eux. En apparence? Mes souvenirs sont bien confus. Je ne vois qu’une succession d’hivers et d’étés, les grands gestes brutaux du vent sur des campagnes échevelées, de soudaines bourrasques grinçantes entre des banlieues de béton, de la pluie.
Comme au premier jour. Jamais nous n 'enfermons avec assez de soin le souvenir du premier jour.
« […] J'ai reçu de François Dhôtel (1900-1991), sous la forme d'un « tapuscrit » photocopié […], la merveilleuse suite de poèmes que voici. Je me suis dit qu'André Dhôtel, à la mort de qui je n'ai jamais cru, se dévoilait soudain plus vivant que jamais, avec la lumière pailletée de son regard et son sourire en coin.
[…]
Maintenant ces poèmes sont là, qui n'ont rien de testamentaire, même si l'on devine que leur auteur peu à peu s'absente - mais c'est pour mieux affirmer une présence imprescriptible.
Voici ces poèmes, dans l'ordre où je les ai reçus. […] Les poèmes naissent de la couleur du ciel, du temps qu'il faut, d'un écho des jours ordinaires et miraculeux, comme les impromptus qu'aimait tant Dhôtel, ou les petites pièces de Satie. […]
Au rythme séculaire des premières lectures éblouies,
« Voici donc le chant
de la jeunesse oubliée
et des souvenirs perdus »
[…] » (Jean-Claude Pirotte)
« […] Des paroles dans le vent
en espérant que le vent
est poète à ses heures
et nous prêtant sa voix
harmonise nos artifices.
Nos strophes seraient bien des branches
avec mille feuilles que l'air du large
fera parler peut-être un jour
où personne n'écoutera.
Car l'essentiel serait
qu'on n'écoute jamais
et qu'on ne sache pas
qui parle et qui se tait.
[…] » (Espoir, André Dhôtel)
0:00 - Abandon
2:00 - Attente
3:30 - En passant (II)
4:50 - La preuve
5:30 - L'inconnu
6:15 - Splendeur (II)
6:46 - Générique
Référence bibliographique :
André Dhôtel, Poèmes comme ça, éditions le temps qu'il fait, 2000.
Image d'illustration :
https://clesbibliofeel.blog/2020/04/08/andre-dhotel-idylles/
Bande sonore originale : Scott Buckley - Adrift Among Infinite Stars
Adrift Among Infinite Stars by Scott Buckley is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License.
Site :
https://www.scottbuckley.com.au/library/adrift-among-infinite-stars/
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