Je réponds toujours que, dans sa salle de séjour, chaque famille dans ce pays avait un fasciste agressif. A savoir son téléviseur.
Dans ma solitude, je m'étais souvenu du mime Jean-Louis Barrault : dans Les Enfants du Paradis, il prenait une corde pour se pendre. Une fillette la lui ôtait et se mettait à sauter avec. Ensuite arrivait une bonne femme qui s'emparait de la corde pour y étendre son linge. Jean-Louis Barrault jetait un coup d'oeil dans un miroir et saurait. A ma propre surprise, j'avais survécu à la chute de tous les piliers sur lesquels reposait mon univers, mais j'étais resté seul. Thomas Mann professait que conscience égale solitude, mais... est-ce une consolation ?
J'étais resté seul comme à la naissance, comme à l'article de la mort.
J'étais resté horriblement seul. (page 219)
Zora s'efforçait toujours de nous convaincre qu'un homme n'est pas ce qui l'entoure, mais ce avec quoi il s'accorde dans son coeur. (page 31)
En ce temps là personne n'était de ma planète. Un jour, j'avais vu sur les murs de la Poste un graffiti de la Manufacture Belgradoise des Rêves : "l'univers tout entier est fermé à clé, et celle-ci est introuvable. " (p. 39)
Un écrivain russe, Aksakov, prétendait être l'imagination.
Zora aurait pu dire la même chose à son propre sujet. Elle vivait en permanence dans des lieux où elle ne vivait pas - des livres et des rêves. Boris faisait de nombreux voyages, mais ceux-ci ne le changeaient en rien. Contrairement à lui, Zora était une cosmopolite qui ne voyageait jamais. Elle aimait parler de Pic de la Mirandole et imaginer qu'elle habitait la Casa Battlo toute bleue, dans le Barcelone de Gaudi. en réalité, Zora habitait un appartement banal du Nouveau Belgrade, dont une armoire remplie de livres d'art occupait la moitié de la salle de séjour. L'appartement était situé au dernier étage d'une tour, en face de la vieille fontaine. Selon la tradition, on appelait le palais de l'empereur du Japon le "lieu situé au-dessus des nuages". C'est ainsi que Zora nommait son appartement. (pages 156-157)
Tu es un pommier qui voudrait donner des oranges. C'est ça la définition de ton cosmopolitisme. (p. 158)
Une légende, omniprésente dans les Balkans, parle d’un territoire qui empêche une ville d’y être construite. C’est une légende à mon propos.