AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Clément Bondu (Traducteur)
EAN : 9782356541024
361 pages
Ypsilon éditeur (16/04/2021)
4.54/5   12 notes
Résumé :
L'immense Journal d'Alejandra Pizarnik, texte majeur d’une œuvre aussi nécessaire que fatale, sera enfin traduit et publié entièrement en France. Il s’agit de 19 cahiers qui forment un ensemble de 1104 pages dans l’édition espagnole de référence : Diarios1954-1972 (Lumen, 2013). Projet assez titanesque, il sera réalisé en deux temps, nous présentons aujourd’hui le premier tome qui est complétement inédit en français. Il est composé des neufs premiers cahiers qui dat... >Voir plus
Que lire après Journal : Premiers cahiers 1954-1960Voir plus
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Quand bien même je parviendrais à définir la poésie ( aspiration stupide, par ailleurs ), quand bien même je découvrirais son essence, quand bien même je dévoilerais son origine la plus profonde, quand bien même je connaîtrais la poésie tout entière et tous les poètes comme mon propre nom, l'instant venu d'écrire un poème, je ne suis plus qu'une humble jeune femme nue qui attend que l'Autre lui dicte des mots beaux et pleins de sens, avec un pouvoir suffisant pour hisser ses pauvres tribulations et donner de la valeur à ce qui autrement ne serait que divagations.
Commenter  J’apprécie          384
J'ai offert à D. mon beau petit poudrier de Paris. C'est le plus beau bijou que j'ai jamais eu. D. ne voulait pas l'accepter. J'ai insisté. Je ne regrette pas. Faire un vrai cadeau, c'est offrir ce que nous aimons le plus.
Commenter  J’apprécie          250
Mercredi 30 avril 1958



     Aujourd’hui, j’ai lu toute la journée. Quelques poèmes de Cernuda ont flatté ma tristesse. C’est étrange, la poésie. Cela me surprend chaque jour un peu plus. Et ce n’est pas que je voudrais l’interpréter ou la délimiter, non, je me sens bien dans mon étonnement face à elle. Ma difficulté réside dans le fait de reconnaître comme « poèmes » une quantité d’œuvres auxquelles on donne ce nom. Même Cernuda, qui commence plutôt à me plaire, suscite en moi des doutes. Dans Les nuages, le livre que je suis en train de lire, il semblerait que le poétique ne soit pas un saut du dedans vers le dehors, mais l’inverse. Par exemple, le poète regarde la lune, il la voit comme éternelle dans sa « beauté virginale », et il la décrit dans le poème comme l’observatrice immortelle sous le regard de laquelle les hommes naissent et meurent. (Quelques images font appel à l’histoire.) Maintenant très bien : tout cela, c’est du travail extérieur. Je sais que j’ai tort, mais je préfère que chacun écrive sur sa propre lune, sur sa nuit. Ou qu’il rentre à l’intérieur de la lune. (Trakl, Rilke.) En fin de compte : qu’on ne décrive pas la réalité visible sans l’avoir transformée avant, ou remplacée, ou se passer d’elle.


/traduction et postface de Clément Bondu
Commenter  J’apprécie          10
Samedi 1er février 1958



     La poésie n’est pas un artisanat et n’a rien à voir avec ça. Mais pour transcender le langage, je dois d’abord le faire mien. En réalité, c’est un peu stupide de parler de poésie : soit on en écrit, soit on en lit. Le reste n’a pas d’importance. Même si je voudrais bien posséder quelques petites vérités littéraires, je me sentirais plus sûre de moi si j’en possédais. Pour commencer, voici une énigme : pourquoi est-ce que j’aime lire la poésie lumineuse, claire, mais exècre presque l’obscure, l’hermétique, quand je participe moi – dans ma besogne poétique – des deux ? Et si c’était parce que je ne fais pas l’effort de comprendre les textes obscurs ? Cela donnerait l’explication exacte à cette manie de me lier à des gens dont les processus intérieurs sont plus simples que les miens. Ou du moins, à ce qu’il me semble. Mais, Alejandra, dans le fond des fonds, qu’est-ce qui est clair et qu’est-ce qui est obscur ?


/traduction et postface de Clément Bondu
Commenter  J’apprécie          10
"Nous cherchons partout l'inconditionné et ne trouvons jamais que des choses." NOVALIS

*

Y a-t-il quelque part plus de poésie que dans le visage de l'être aimé ?

*

L'homme le plus humble marche, et il semble être le roi de l'univers. La femme la plus appréciée marche, et elle ressemble à un objet dont on se sert le dimanche. En plus, il y a des lois quant à la vitesse du pas. Si moi je marche lentement, en regardant les sculptures sur les vieilles maisons (chose que j'ai apprise à regarder), ou le ciel, ou les visages de ceux qui passent près de moi, je sens que je porte atteinte à quelque chose. On me suit, on me parle, ou bien on me regarde avec étonnement et reproche. Oui. La femme doit marcher avec empressement, pour indiquer que sa marche a un but. Sinon, c'est une prostituée (ce qui est aussi un "but"), ou une folle, ou une extravagante. S'il se passe quelque chose, un attroupement ou un accident, et que je me rapproche, je constate qu'il n'y a pas une seule femme. Des hommes. Rien que des hommes. L'angoisse me monte. Je sens un vide épais, et une grande vague d'euphorie sexuelle. Voilà ce qui m'humilie. Je ne veux pas avoir de désirs. Ils sont de plus en plus forts. Ils dépassent ma fatigue.

*

Je ne comprends pas l'attrait pour le "fantastique", ni pour la littérature de "mystère". C'est que : est-il possible de trouver plus de mystère que dans l'existence même ?

Qu'y a-t-il dans les voyages pour qu'ils donnent tant de joie ? Même le voyage le plus court suggère quelque chose comme un renouvellement, ou une mort.

*

J'ai vu la mer, une mer qui ne se fatigue pas elle-même, une mer qui ne se lasse jamais de retourner toujours à elle-même.

*

"Je crois que quand les gens se lasseront du confort, des réfrigérateurs, des automobiles, de tout ce qui est fonctionnel, des machines, du luxe, etc., ils reviendront à la vie de l'esprit, ils reviendront à l'émotion et au plaisir de lire un beau poème, d'écouter une belle chanson… Du moins, c'est ce que je crois, moi, en dépit ce que disent les journaux."
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Alejandra Pizarnik (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alejandra Pizarnik
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
+ Lire la suite
autres livres classés : poésie argentineVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (25) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
371 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *}