La merveilleuse langue poétique d'Alejandra Pizarnik se cristallise dans Les travaux et les nuits autour de deux moments de son expression d'une forte densité émotionnelle. La première partie de ce recueil conserve un ton plein d'espoir, dans une écriture lyrique et rêveuse, même si l'auteur retient et contrôle à merveille ses élans poétiques destiné à l'être aimé. le deuxième temps laisse place à l'effacement et, dans des jeux de silence élaborés, incarne l'absence progressive et angoissée de l'aimé.
L'image que laisse perdurer sa poésie d'une concentration expressive remarquable est celle d'une matière verbale débordante, d'un questionnement constant sur les mots et le langage, ainsi que le pouvoir de salut contenu par la langue poétique.
Version traduite par Jacques Ancet.
Poèmes écrits en majorité à Paris où Alejandra Pizarnik a séjourné.
Le recueil est composé de 3 parties :
1) L'amour et la disparition
2) le vide
3) L'attente, l'absence, le silence
Une poésie brève qui utilise des mots puissants pour nous faire ressentir les émotions de l'auteure.
Anneaux de cendre
Ce sont mes voix qui chantent
pour qu’ils ne chantent pas, eux,
les muselés grisement à l’aube
les vêtus d’un oiseau désolé sous la pluie.
Il y a, dans l’attente,
une rumeur de lilas qui se brise.
Et il y a, quand vient le jour,
un morcellement du soleil en petits soleils noirs.
Et quand c’est la nuit, toujours,
une tribu de mots mutilés
cherche asile dans ma gorge,
pour qu’ils ne chantent pas, eux,
les funestes, les maîtres du silence.
Amants
une fleur
non loin de la nuit
mon corps muet
s’ouvre
à la délicate urgence de la rosée
-
Qui éclaire
Quand tu me regardes
mes yeux sont des clés,
le mur a des secrets,
mon effroi des mots, des poèmes.
Il n’y a que toi pour faire de ma mémoire
une voyageuse passionnée,
une flamme incessante.
enfance
Heure où l’herbe pousse
dans la mémoire du cheval.
Le vent prononce des discours ingénus
en l’honneur des lilas,
et quelqu’un entre dans la mort
les yeux ouverts
comme Alice au pays du déjà vu.
UN ABANDON
Un abandon en suspens.
Nul n'est visible sur la terre.
Seule la musique du sang
assure un séjour
en un milieu si ouvert.
p. 53
Derrière la parole le chaos.
Le hurlement n’accède à aucun monde.
Je chante.
Nulle invocation.
Rien que des noms qui reviennent.
Tu choisis la blessure, le lieu
où nous parlons notre silence.
Et tu fais de ma vie
cette cérémonie trop pure.
Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?