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Citations sur Arbres d'hiver. La Traversée (56)

LETTRE D'AMOUR

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j'étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m'inquiète,
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.
Tu ne m'as pas simplement un peu poussée du pied, non-
Ni même laissée régler mon petit oeil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,
De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.

Ce n'était pas çà. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires telle une roche noire
Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l'hiver -
Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement ciselées
Qui se posaient à tout moment afin d'attendrir
Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,
Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,
Mais je n'étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une visière de glace.

Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.
La première chose que j'ai vue n'était que de l'air
Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,
Limpides comme des esprits. Il y avait alentour
Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.
Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.
Je brillais, recouverte d'écailles de mica,
Me déroulais pour me déverser tel un fluide
Parmi les pattes d'oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’y suis pas trompée. Je t'ai reconnu aussitôt.

L'arbre et la pierre scintillaient, ils n'avaient plus d'ombres.
Je me suis déployée, étincelante comme du verre.
J'ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :
Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.
De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l'air, mon âme pour vêtement,
Aussi pure qu'un pain de glace. C'est un don.
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JE SUIS VERTICALE

Mais je voudrais être horizontale.
Je ne suis pas un arbre dont les racines en terre
Absorbent les minéraux et l'amour maternel
Pour qu'à chaque mois de mars je brille de toutes mes feuilles,
Je ne suis pas non plus la beauté d'un massif
Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs vives,
Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales,
Comparés à moi, un arbre est immortel
Et une fleur assez petite, pas plus saisissante,
Et il me manque la longévité de l'un, l'audace de l'autre.

Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
Les arbres et les fleurs ont répandu leur fraîche odeur.
Je marche parmi eux, mais aucun d'eux n'y prête attention.
Parfois je pense que lorsque je suis endormie
Je dois leur ressembler à la perfection -
Pensées devenues vagues.
Ce sera plus naturel pour moi, de reposer.
Alors le ciel et moi converserons à cœur ouvert,
Et je serai utile quand je reposerai définitivement :
Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher, et les fleurs m'accorder du temps.
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LA CUEILLETTE DES MURES

Personne sur le chemin, et rien, rien sinon des mûres,
Des mûres de chaque côté, des mûres partout,
Une allée de mûres, qui descend en crochets, et une mer.
Quelque part au bout, qui se soulève. Des mûres
Aussi grosses que mon pouce, aussi muettes que des yeux.
Ebène dans les haies, et pleines
De jus bleu-rouge, qu'elles abandonnent sur mes doigts.
Je n'avais pas demandé de telles sœurs de sang ; elles doivent m'aimer
Elles sont accommodantes, elles se font toutes petites pour tenir dans ma bouteille à lait.

Là-haut passent les chocards en volées noires, cacophoniques -
Bouts de papier brûlé qui tournoient dans un ciel orageux.
Leur voix est la seule voix, elle proteste, proteste.
Je ne crois plus que la mer apparaîtra.
Les hautes prairies vertes s'embrasent, comme illuminées de l'intérieur.
J'atteins un buisson de baies si mûres que c'est un buisson de mouches,
Suspendant leurs ventres bleu-vert et leurs ailes en un paravent chinois.
Le sirupeux festin de baies les a tout étourdies ; elles croient au paradis.
Un crochet encore, et les baies et les buissons finissent.

Il ne manque plus que la mer maintenant.
D'entre deux collines un vent soudain s'abat sur moi
Et me gifle le visage de son linge fantôme.
Ces collines sont trop vertes et douces pour avoir goûté le sel.
J'emprunte le sentier aux moutons qui les sépare. Un ultime crochet me mène
A la face nord des collines, et cette face est de roc orange
Et ne donne sur rien, rien sinon un grand espace
De lumières, blanches et d'étain, et un vacarme comme d'orfèvres
Frappant, frappant encore un métal intraitable.

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L'avenir est une mouette grise et bavarde,
Ses miaulements ne parlent que de partir, partir.
La vieillesse et l'épouvante, comme des infirmières,
veillent sur elle,

Et un noyé, se plaignant du grand froid,
Sort en rampant de la mer.
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DORMIR DANS LE DÉSERT MOJAVE

Ici, il n'y a pas de foyer,
Seulement des grains brûlants. Cest sec, sec.
Et l'air dangereux. Midi agit étrangement
Sur l'imagination, dresse une ligne
De peupliers entre l'horizon et moi, unique
Objet près de cette route droite, folle
Qui puisse évoquer hommes et maisons,
Un vent frais devrait habiter ces feuilles,
Une rosée s'y recueillir, plus précieuse que l'argent,
À l'heure bleue qui précède le jour.
Mais ils s'évanouissent, inaccessibles comme demain,
Ou ces fictions miroitantes de sources jaillies
Toujours plus loin devant celui qui a soif, insaisissables.

Je pense au lézard tirant la langue
Dans la fissure d'une ombre minuscule,
Et au crapaud gardien de la goutte d'eau de son cœur.
Le désert est blanc comme l'œil d'un aveugle,
Aussi peu apaisant que le sel. Le serpent et l'oiseau
Sommeillent derrière les masque anciens de la fureur.
Nous étouffons, comme des chenets dans le vent.
Le soleil éteint ses braises. Là où nous gisons
Les grillons craquelés par la chaleur se rassemblent
Dans leurs cuirasses noires et poussent leur cri.
La lune diurne s'éclaire comme une mère désolée,
Et les grillons viennent se glisser dans nos cheveux
Pour mieux chasser la courte nuit de leurs crincrins.
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Je vois ton intérieur coquet
Fermé sur toi comme un poing d'enfant
Ou comme une anémone,
Kleptomane, cajolée par la mer.
Encore à cran,
Je te dis à bientôt j'espère.
Tu sais ce que mentir veut dire.
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Vide, je renvoie l'écho du moindre bruit de pas,
Musée sans statues, grandiose avec ses piliers, portiques, rotondes.
Dans ma cour jaillit et puis retombe une fontaine
Au coeur de nonne, aveugle au monde. Des lys de marbre
Exhalent leur pâleur comme du parfum.

Je m'imagine avec un vaste public,
Mère d'une blanche Nikê et de plusieurs Apollon aux yeux nus.
A la place, les morts me blessent de leurs attentions, et il ne peut rien arriver.
Comme une infirmière muette et sans expression, la lune
Pose une main sur mon front.
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Ouvre ton sac à main. D'où vient cette odeur?
De ton vieux tricot qui s'escrime

A s'entr'accrocher maille à maille
Et de tes bonbons tout poisseux.
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TERRAIN PRIVÉ

Première gelée, et je marche parmi les roses en fruit, les orteils de marbre
De ces beautés grecques que tu as prélevées
Au monceau de reliques de l'Europe
Pour égayer ton coin de terre du côté de New-York.
Bientôt chaque dame blanche sera claquemurée
À l'abri des crevasses du climats.

Depuis le début de la matinée l'homme à tout faire, l'haleine fumante,
Draine les étangs à poissons rouges.
Ils s'affaissent comme des poumons, l'eau échappée
Se faufilant pour retourner, filament par filament, aux pures
Altitudes platoniques où elle vit. Les carpillons
Jonchent la vase comme des pelures d'orange.

Onze semaines, et je connais si bien ta propriété
Que je n'ai guère besoin de sortir.
Une voie express me coupe du monde.
Troquant leurs poissons, les voitures pour le nord et le sud
Réduisent les serpents assommés en lambeaux. Ici, les graminées
Déposent leurs chagrins sur mes chaussures,

La forêt craque et souffre, et le jour s'oublie.
Je me penche au-dessus de ce bassin drainé où les petits poissons
Se contractent à mesure que gèle la vase.
Ils étincellent comme des yeux, et je les ramasse tous.
Morgue de vieux rondins et de vieilles images, le lac
S'ouvre et se ferme, les acceptant parmi ses reflets.
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LA TRAVERSEE

Lac noir, barque noire, deux silhouettes de papier découpé, noires.
Jusqu'où s'étendent les arbres noirs qui s'abreuvent ici ?
Leurs ombres doivent couvrir le Canada.

Une petite lumière filtre des fleurs aquatiques.
Leurs feuilles ne souhaitent pas que nous nous dépêchions :
Elles sont rondes et plates et pleines d'obscurs conseils.

Des mondes glacés tremblent sous la rame.
L'esprit de noirceur est en nous, il est dans les poissons.
Une souche lève en signe d'adieu une main blême;

Des étoiles s'ouvrent parmi les lys.
N'es-tu pas aveuglé par de telles sirènes sans regard ?
C'est le silence des âmes interdites.
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