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Critique de berni_29


Il s'agit ici de deux recueils de poèmes, « Arbres d'hiver », précédé de « La Traversée ». Ce qui surprend tout d'abord dans les pages de ces textes, c'est la fragilité d'un paysage, traversé par le chagrin. Cependant c'est beau, c'est beau comme un soleil un matin d'hiver. Il m'est difficile de dire que c'est triste ou désespéré. On voudrait se pencher sur ces mots, les toucher, les retenir avec nos doigts, les empêcher de partir vers l'envers du décor.
Chaque poème ressemble à une barque noire avançant comme sur un lac gelé avec l'éclat d'un ciel blanc et des oiseaux par-dessus tout.
Sylvia Plath savait-elle déjà qu'elle allait mourir au moment où elle écrivait ces poèmes ? Qu'elle allait quitter ce monde par sa seule volonté ? Mais on ne connaît jamais les mystères d'un geste, d'une main au bord du vide, celle d'une marée qui déferle sur elle, celle de la mer après qui se retire laissant le silence derrière le paysage.
Les poèmes de ce recueil disent déjà cela. La lumière n'est jamais loin des ténèbres et l'inverse aussi.
Parfois la poésie aborde nos rivages et les remue comme une vague inlassable dans le fracas des mots. Parfois ce voyage intime est violent, c'est une descente dans un puits sans fin.
La vie défigure nos illusions et la poésie convie des mots magnifiques pour reconstruire ce qui nous aura échappé. Elle nous donne souvent une seconde chance, rebondir dans une forme de résilience...
Ici ce n'est pas cela.
Connaissant pourtant le destin de Sylvia Plath, j'ai pourtant cherché dans ses vers une main tendue vers un semblant de soleil, l'idée que l'écriture pourrait la sauver. Rien, rien n'est ici dans les décombres de ces mots. Aucun espoir.
Chaque poème de Sylvia Plath m'a pourtant tiré la main vers une empathie pour l'autrice.
Elle dit la mémoire mutilée, une enfance idéalisée, plus tard bousculée par la mort de son père. Les poèmes de Sylvia Plath disent cette déflagration. Ils disent l'absence, la mort, un sentiment d'insécurité et d'abandon.
La poésie de Sylvia Plath n'est pas que belle, elle est déchirante.
La poésie de Sylvia Plath est comme un océan tumultueux. Adorant la mer, l'océan, ses mouvements inlassables, regardant ainsi la mer comme toujours comme jamais à chaque fois, mais imaginant tout ce qui a dans ce mouvement de puissant et de dérisoire, j'ai lu ces poèmes avec ce regard intime.
Chaque poème est pourtant un miroir à sa manière, en dépit du désespoir de Sylvia Plath.
Étrangère déjà à un monde où elle a perdu pied depuis sans doute longtemps. Étrangère dans ce monde où elle n'était déjà peut-être plus présente, prenant la beauté du monde, de la nature, tout en tenant à distance toute émotion, elle avance et dévoile des images qui sont déjà des trous où ses pas trébuchent sans cesse...
On voudrait croire à la résilience de la poésie. Sans doute que Sylvia Plath était déjà éloignée de cet itinéraire, faisait déjà de ce texte une sorte de testament.
Guérir par les mots des plaies ouvertes par les seuls méandres d'une vie intérieure douloureuse.

« Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j'étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m'inquiète,
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.
Tu ne m'as pas simplement un peu poussée du pied, non-
Ni même laissée régler mon petit oeil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,
De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles. »

Les vers de Sylvia Plath sont fascinants, enivrants, hypnotiques. Son écriture est ainsi, elle traduit d'emblée ce sentiment mélangé de grâce, de mélancolie et d'âpreté aussi.
Ce sont des sons, des images, des respirations suspendues au bord d'un vertige abyssal.
Ce sont des joies déjà lointaines, enfantines, presque oubliées.
Le second recueil est pour moi plus noir, plus dramatique.
Je n'ai pas pu tout lire ce livre d'une traite à cause de ses coups de boutoir et de certains vers qui m'ont paru totalement hermétique à toutes émotions, comme les chassant d'un dernier geste presque dérisoire.
Son esthétique poétique dérange aussi et c'est bien.
Sylvia Plath a une puissance d'évocation saisissante, sidérante. Ses mots aux allures douces-amères deviennent alors comme des déflagrations souterraines dont elle ne s'en remit peut-être jamais.

Ses poèmes ont été publiés après sa mort par son mari et sa soeur. Sylvia Plath s'est donné la mort un 11 février 1963 à Londres, à l'âge de trente ans.
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