Un dialogue platonique, pour le dire en peu de mots, riche, intéressant, et tout simplement excellent ! Comme toutes les oeuvres de
Platon en fait. Cet échange entre le philosophe Socrate, qui est condamné à mort par ses trois accusateurs (Mélétos, Anytos, et Lycon) et qui attend dans sa prison le jour où il devra boire la ciguë, et un de ses meilleurs amis d'enfance,
Criton, constitue un parfait exemple de maïeutique socratique.
Il est question ici de savoir ce qu'est la justice et de l'appliquer au cas d'un Socrate qui tenterait de s'enfuir. Par une prosopopée des lois, ce dernier fait parler la cité et ses règles afin de faire comprendre à
Criton que même si s'échapper le libérerait des chaînes de sa prison, cela enchaînerait son âme aux chaînes de l'injustice, pire mal que l'âme peut subir, puisque la justice est ce qui la rend meilleure.
Si le monde réfléchissait et pensait comme Socrate, et si tout le monde avait compris qu'il ne fallait pas rendre le mal par le mal et commettre une injustice lorsque l'on en subit une, le monde se porterait bien mieux ; car il faut bien distinguer justice et vengeance.
Criton a un discours qui se rapproche de la rhétorique des procédés sophistiques utilisés par des sophistes comme
Protagoras,
Gorgias, ou encore Calliclès ; effectivement c'est un ami de Socrate et il parle sans aucune réflexion puisqu'il est sous le contrôle total de ses sentiments et de ses craintes (crainte d'être dans l'opprobre, peur pour l'avenir des enfants de Socrate, perte d'un ami comme jamais il n'en trouvera d'autre dans tout le restant de sa vie, etc.) et ces émotions-là empêchent le bon
Criton d'avoir une opinion droite. En effet, Socrate comprend très vite son petit stratagème qui, dans l'empressement et l'urgence, invite Socrate à agir sans prendre le temps de la réflexion. Mais Socrate ne se laisse pas persuader, car la persuasion n'est issue que de la vraisemblance et elle n'est pas rationnelle, le philosophe ne se laisse pas persuader en effet mais il se laisse convaincre par des arguments crédibles et par des raisonnements philosophiques.
La mort de Socrate est nécessaire pour prouver au monde entier qu'il a subi une injustice, lui qui était un homme juste et qui a toujours su l'être, jusque dans l'Hadès même, il le dit.
Je vous conseille, si vous aimez les sortes de "séries de lectures qui se suivent", de lire d'abord L'
Apologie de Socrate, qui est un dialogue où Socrate se défend contre ses accusateurs (c'est un vif débat où l'ironie socratique pique aux points sensibles les trois accusateurs), puis
Criton, et enfin
Phédon, qui est une oeuvre où Socrate parle de l'âme et de son immortalité, et où on voit cet homme juste, bon, et courageux, mourir, entouré par tous ceux qui le soutiennent et qui perpétueront sa pensée, afin de donner à Socrate une immortalité qui demeure encore aujourd'hui.
Dans mon édition Hatier, le dossier à la fin est une analyse fine et accomplie de l'oeuvre, et en plus de cela elle est très joliment rédigée, je vous conseille de la lire (elle fait une quarantaine de pages) afin de compléter votre lecture et dans le but de comprendre l'oeuvre dans son entièreté car, malgré sa brièveté, le
Criton est une oeuvre puissante par la subtilité des paroles de Socrate et riche par les idées qu'elle recèle.
Beaucoup d'extraits de
la République sont proposés dans le dossier, et cela me donne bien envie d'aller lire cet immense ouvrage de philosophie, et je vous exhorte à faire de même.