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Rentrée littéraire 2021 #15

Dans cette fresque à la fois artistique, historique et intimiste, Magdalena Platzova fait revivre le bouillonnement de l'Entre-deux-guerres en s'inspirant du destin tragique de Friedl Dicker-Brandeis, artiste autrichienne assassinée à Auschwitz. On suit son double fictionnel, Berta Altmann, entre Vienne, Weimar et Prague, dans un contexte très intense mêlant années folles, crises économiques, montée du nazisme et guerre.

La très belle idée de l'auteure est d'avoir fait le choix de ne pas centrer son récit sur l'épisode le plus connu de la vie de Friedl / Berta, celui qui a occulté sa place dans l'histoire des arts, à savoir sa déportation dans le camp de concentration tchèque de Terezín où elle a perpétué les méthode d'enseignement du Bauhaus auprès des enfants internés. La collection «  dessin d'enfants » exposée au musée juif de Prague est un témoignage exceptionnel, Friedl les ayant cachés dans deux valises du dortoir juste avant d'être déportée à Auschwitz.

Cet « oubli » délibéré permet à Magdalena Platzova de proposer une exploration passionnante de ce qu'a représenté le mouvement avant-gardiste du Bauhaus, école d'architecture, de beaux-arts et d'arts appliqués fondée à Weimar en 1919, qui, imbibé d'idéaux révolutionnaires, ambitionnait de transformer le monde et de bâtir grâce à l'Art une nouvelle société plus juste. C'est au sein du Bauhaus que Berta va grandir et se découvrir.

Et c'est toute la force du roman que de nous plonger en direct dans la psyché de cette femme en quête de soi. Les différents extraits de ses carnets sont superbes pour nous faire comprendre ce qui l'anime ou la tourmente. Berta aspire à se réaliser en tant que femme et en tant qu'artiste, et toute sa vie d'adulte sera celle d'une lutte pour trouver sa voix, pour peindre comme elle le ressent vraiment en dépit d'un entourage qui juge mineure et petite-bourgeoise la peinture figurative, et surtout en dépit d'une tendance à se soumettre à la volonté des hommes qui traversent sa vie.

Si le personnage très inspirant de Berta et toute la reconstitution du contexte historique m'ont emportée, je suis moins convaincue par le procédé narratif choisi. On entre dans le roman par le XXIème siècle et le tournage d'un documentaire sur la vie de Berta. Son amie artiste Kristyna est interviewée et on découvre une octogénaire emplie de culpabilité qui raconte Berta. S'en suit un autre arc narratif autour de Milena, la petite-fille de Kristyna. C'est sur celui-ci que j'ai des réserves. Il permet certes d'introduire une réflexion sur la mémoire de la Shoah mais il m'a semblé artificiel ou du moins il m'a nettement moins intéressé. J'étais complètement happée par Berta et les atermoiements amoureux de Milena me donnaient juste envie de retrouver Berta.
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Focus sur "Le saut d'Aaron" de Magdalena Platzova. Magdalena Platzova est une auteure tchèque qui vit à Lyon depuis 2012 et parle Français.
"Le saut d'Aaron" est un roman, très inspiré de la vie de l'artiste Friedl Dicker-Brandeis, dont le destin fut totalement fauché par l'histoire .
Cette fresque couvrant un siècle d'histoire de l'Europe centrale aborde avec force ce qu'il en coûte de se jeter dans l'inconnu afin d'oser s'affirmer en tant qu'individu et artiste.
Friedl Dicker-Brandeis, née à Vienne, elle a étudié et enseigné à l'école Weimar Bauhaus , aux côtés de Paul Klee notamment, Elle devient experte en fusain, en peinture à l'huile, en tissage, en architecture, en affiches, en bijoux, reliures, et typographie.
Après avoir quitté le Bauhaus, elle a travaillé comme artiste et designer textile, peintre à Berlin, Prague et Hronov., et a créé à Berlin la galerie atelier Singer-Dicker qui devient l'une des maisons de design les plus en vogue de Vienne Elle a en parallèle enseigné l'art aux enfants (art thérapie) au camp de Terezin, puis jusqu'à Auschwitz où elle est morte en 1944.
Ce roman aborde avec une grande intelligence les questions de la liberté, de la féminité et de la création . Une plongée dans le mouvement Bauhaus et ses auteurs, une grande hérOîne affirmant une vision idéologique, politique et artistique d'un vrai courage vu la place de la femme à cette époque
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Ce roman raconte la vie de Berta Altman, peintre née à Vienne, qui étudie et travaille entre Vienne, Berlin et Prague dans les années 20 et 30. Elle fréquente les milieux communistes, vit une liaison tumultueuse, et se consacre à l'enseignement de l'art aux jeunes enfants.
Voilà voilà.
En réalité, cette femme a réellement existé : elle s'appelait Friedl Dicker-Brandeis ; Gropius disait d'elle que "si elle avait vécu, Friedl Dicker-Brandeis aurait été la plus importante artiste féminine du 20ème siècle". Elle est morte à Auschwitz après être passée par Terezin, où elle a réussi l'extraordinaire exploit de faire dessiner les enfants déportés. 4500 de ces dessins ont été conservés et sont visibles au musée juif de Prague.
Ce destin exceptionnel est réduit, dans le saut d'Aaron, à des récriminations contre son amant et à des promenades avec des amies. La biographie s'arrête, en gros, au départ pour Terezin.
Pourquoi, mais pourquoi ?
Et pourquoi avoir introduit de multiples personnages secondaires, Kristina l'amie fictionnelle qui raconte la vie de Berta, la petite-fille de Kristina qui rencontre un cinéaste, un secret de famille qui arrive à la fin comme un cheveu sur la soupe... Mais pourquoi ? Magdalena Platzova écrit bien, il y a de très jolis passages sur l'art notamment. On comprend qu'elle ait souhaité donner de la chair à cette artiste, mais j'ai trouvé le procédé maladroit.
De même, on comprendrait qu'elle ait voulu romancer la biographie de Dicker-Brandei, mais en fait, non : tout est vrai (j'ai consulté les internets). Alors, pourquoi ?
Pour ma part, j'aurais préféré une "vraie" biographie. le roman, quoique bien écrit et agréable à lire, ne me semble pas apporter un plus, et c'est dommage.
Traduction tout à fait fluide de Barbora Faure.
Challenge ABC
Challenge Globe-trotter ( République tchèque)


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Friedl Dicker-Brandeis. Ce nom est celui d'une artiste, morte au camp de concentration de Terezin. Une artiste surtout connue pour avoir aidé les enfants internés dans ce camp grâce à l'art. Comme une façon de prolonger l'enfance au milieu de l'indicible.

Magdaléna Platzová a fait le choix de raconter la vie de cette femme en la romançant. En racontant l'histoire, non pas de Friedl, mais de Berta. Les grandes lignes de leurs histoires sont les mêmes, mais la liberté est plus grande pour combler les vides. 

L'histoire de Berta intéresse des cinéastes israéliens qui rencontrent Kristyna, vieille femme tchèque qui a bien connu Berta avant sa déportation. 

C'est ainsi que l'histoire et l'Histoire se mêlent, que les fils du présent se tissent à ceux du passé…

Voilà un roman qui m'aura donné du fil à retordre. Sa construction est complexe et j'ai mis du temps, parfois, à m'y retrouver. 

Pour autant, il offre une belle plongée dans le milieu artistique du vingtième siècle, notamment au sein de l'école du Bauhaus. Ce roman est aussi une réflexion sur l'art, ce qu'il signifie et comment l'exprimer.

Le saut d'Aaron est également le roman de la culpabilité d'avoir trahi ou d'avoir survécu.

Ce livre est un bel hommage à une artiste qui a tant doutée d'elle, qui a eu l'impression de gâcher sa vie mais qui au final, à l'endroit le plus abject, a réussi à transmettre cette passion qui l'a tant animée.
Lien : https://allylit.wordpress.co..
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En peinture comme en bien d'autres choses, les femmes sont ultra-minoritaires. Pourtant les femmes artistes ont toujours réussi à s'exprimer malgré les obstacles. Mise en scène dans l'histoire de l'art, la femme est le sujet représenté plutôt que l'artiste . Au XVIe siècle, le statut de peintre est d'ailleurs réservé aux hommes ! Les femmes n'ont pas accès aux ateliers d'artiste ni aux cours d'anatomie. Elles sont cantonnées aux sujets mineurs et ne sont pas rémunérées pour leur travail.
Depuis sa création en 1985, le collectif d'artistes féministes des Guerilla Girls lutte contre la marginalisation des femmes peintres. En 2017, leur vidéo « One is not enough ! » dénonce la sous-représentation des femmes dans les expositions.

Pour découvrir ces femmes artistes, il faut bien souvent passer par des biographies romancées qui sont un excellent moyen de les mettre en lumière et de donner envie de découvrir leurs oeuvres. Et, comme par hasard, ce sont bien souvent des femmes auteures qui se chargent de sortir les artistes de leur invisibilité. Il est encore trop rare de voir des expositions qui mettent à part égale les hommes et les femmes artistes, alors même qu'on peut consacrer une exposition à une artiste en mettant en avant le fait qu'elle soit une femme.

Dans "Le saut d'Aaron", grâce à une biographie littéraire et ambitieuse, on découvre Friedl Dicker-Brandeis une artiste autrichienne qui jongla avec plusieurs arts, et fut formée à l'école du Bauhaus puis assassinée par les nazis.
Le roman consacre plusieurs pages à la difficulté d'être à la fois artiste et femme, de concilier les enseignements révolutionnaires et l'engagement personnel, de ne pas se laisser vampiriser par les partenaires masculins, de s'épanouir en tant que femme et en tant qu'artiste. Malheureusement, et ce fut bien souvent le cas, Friedl souffrit d'avoir sacrifié la maternité, non pas aux exigences de son art, mais aux pressions psychologiques et sociales.
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Publié initialement à Prague en 2006, traduit en anglais 8 ans plus tard, le saut d'Aaron est enfin disponible en français en la rentrée littéraire 2021. le résumé du livre est pour le moins alléchant, avec l'itinéraire d'une artiste indépendante dans l'Europe des années 20 et 30, ayant réellement existé (sous un autre nom que dans le roman) et confrontée à l'horreur des temps , jusqu'à Auschwitz. L'art contre la guerre et une héroïne en quête de liberté, tel est en effet ce que nous fait vivre Magdalena Platzova, mais seulement à temps partiel. Las, est-ce la faute de l'écriture ?, toujours est-il que la fresque promise n'est pas au rendez-vous et l'on frise l'ennui dans l'évocation de la vie du personnage principal, pourtant fascinant, de Weimar à Prague, en passant par Berlin et Vienne. Qui plus est, la romancière à cru bon d'ajouter une intrigue au XXIe siècle, à travers une équipe de tournage israélienne venue tourner un documentaire sur le destin singulier de cette femme. Magdalena Platzova relie tant bien que mal les différentes époques mais l'intérêt est dilué avec des transitions, brutales, n'aidant pas à s'enthousiasmer pour un récit que d'aucuns jugeront exigeant, mot poli pour suggérer le manque de passion qu'il occasionne. Une sorte de gâchis, eu égard à l'intérêt de son thème, à la découverte d'un personnage qui avait tout pour susciter émotion et empathie.


Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Le destin d'autrui dans son étrange irréalité, sa poignante culpabilité mais aussi ses instants d'affirmations - force et enthousiasme. Sous une forme romanesque, pour en préserver l'insaisissable mystère, Magdaléna Platzova retrace le parcours, de ce qui n'était pas encore le Bahaus jusqu'au camp de Terezin, de la peintre Friedl Dicker-Brandeis. le saut d'Aaron propose, du journal au récit d'un tournage, plusieurs récits pour interroger la culpabilité et ses désirs de créations artistiques.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Le saut d'Aaron est une fiction historique écrite autour de Berta Altmann, inspirée de l'artiste Friedl Dicker-Brandeis, figure incontournable du Bauhaus et assassinée à Auschwitz, après avoir passé des mois à enseigner le dessin aux enfants lors de son enfermement au camp de concentration.
Une équipe de tournage israélienne, dont Aaron fait partie, part sur les traces de cette artiste incroyable en compagnie de la petite fille de Kristynà, une grande amie de Berta.
Pendant le tournage des souvenirs remontent à la surface et des secrets seront prêts à être révélés..
J'ai découvert grâce à ce récit magnifiquement bien écrit, une artiste et une femme admirablement forte et courageuse, qui a consacré sa vie à l'art et à l'éducation artistique, sous forme d'art-thérapie dans le camp de déportation, pour offrir aux enfants un peu de normalité
C'était également une femme engagée et en quête spirituelle au travers de son art et de la création sous toutes ses formes.
Friedl Dicker est morte, assassinée à Auschwitz en 1944.
Un récit passionnant à découvrir pour cette rentrée littéraire à partir du 26 août. Je remercie chaleureusement les éditions Agullo de m'avoir permis de découvrir cette lecture coup de coeur.
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Certains livres ne se laissent pas facilement apprivoiser. Et s'échappent à peine la lecture terminée. Reste alors comme un goût d'inachevé.

Le saut d'Aaron est de ceux là. Pourtant, à la lecture de la 4e de couverture, j'avais l'impression d'être en terrain conquis. Une biographie romancée, l'Europe de l'entre-deux guerres, une artiste libre et indépendante, ce livre était pour moi.
Friedl Dicker-Brandeis est le genre de figure féminine qui transcende un roman. Ici, elle apparaît sous le nom de Berta Altmann et les pistes sont brouillées. On entrevoit l'artiste du Bauhaus, ses amitiés et ses amours, son rapport à la création, la place difficile à trouver quand on est une femme dans ce milieu, à cette époque. On ne saura que peu de choses sur sa déportation, les ateliers de dessins improvisés pour les enfants du camp de Terezin. J'aurais voulu voir plus intensément dans ce roman sa force de vie. Il y a des éclats lumineux, j'en aurais voulu plus.

La construction du roman donne une part importante à la partie contemporaine du récit, le documentaire tourné par une équipe israélienne sur les pas de l'artiste. Mais j'avoue m'être perdue dans la relation entre Aaron, le cameraman et Milena. Être restée peu sensible à cet amour naissant. J'attendais plutôt le retour de Krystina, cette vieille dame qui garde si fort le souvenir de Berta Altman.

J'ai refermé ce roman sans savoir comment l'évoquer. J'ai l'impression d'être passée à côté de nombreux éléments. de n'avoir pas accordé assez d'importance à la partie contemporaine du récit. Mais j'ai pu découvrir une artiste que je ne connaissais pas et qui m'intrigue. Et me plonger dans une époque aussi terrifiante politiquement que fascinante artistiquement.
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ETRE FEMME ET ARTISTE
Berta Altmann- voilà une femme que j'aurais aimé rencontrer, avec laquelle j'aurais aimé échanger, parce qu'elle nous dit tant de choses des femmes que nous sommes, mais aussi des hommes, de l'artiste et toute une époque.

Magadaléna Platzova s'est inspirée pour ce roman de la vie de Friedl Dicker-Brandeis- née à Vienne, morte assassinée en 1944 à Auschwitz.

En ce début de XXIème siècle, une équipe de tournage israélienne vient à la rencontre de Kristyna, celle qui fut son amie, pour réaliser un reportage sur cette artiste juive méconnue. Sa petite fille, Milena l'accompagne sur les traces de cette femme exceptionnelle et rencontre le cameraman, Aaron…
L'occasion pour Kristyna d'ouvrir le coeur lourd ses lettres précieusement conservées, reconstituant peu à peu ce que fut sa vie et celle qui fut sans relâche éprise de liberté. Les souvenirs de Berta, sa personnalité, son engagement, ses doutes, n'ont eu de cesse d'inonder de lumière la vie de Kristyna, car il y a dans ce retour vers les années de l'entre deux guerres une volonté très forte de vivre qui se manifeste intensément, une forme de plénitude incarnée par la solaire Berta Altmann, que reçoit le lecteur comme un onguent (re)vivifiant, un appel à la liberté comme si demain tout pouvait s'arrêter.

Berta Altmann c'est cette femme singulière et excentrique à laquelle on aimerait ressembler. Mais c'est aussi cette femme artiste, née talentueuse mais sans cesse dans le doute et peinant à trouver sa place. Elle est cette femme moderne, libre, communiste, loin des conventions bourgeoises qui se heurte au trop difficile accès des femmes dans le monde artistique.
C'est une femme de son époque, prête à être la maîtresse d'un homme marié pour vivre l'exaltation de son amour pour lui. Une époque où la femme devait choisir entre la famille ou la liberté. Berta avait choisi son camp, même si elle fut souvent la prisonnière volontaire de son amour pour les hommes de sa vie…

Un récit sous forme de souffle de liberté féminine donc mais aussi un récit sur l'art, la création, l'école du Bauhaus. Un roman qui met en abyme l'entreprise de la création et met en scène la réflexion sur ses secrets intimes et sur la force de l'oeuvre d'art. Car Berta fut une étudiante assidue et engagée du Bauhaus, allant à la rencontre des artistes et intellectuels avant-gardistes de son temps, et vivant parfois comme une ascète pour laisser mûrir son pouvoir créatif, enseignant l'histoire de l'art aux enfants d'ouvriers jusqu'à ceux du camp de Terezin, étape ultime avant Auschwitz, convaincue de la nécessité de donner accès à l'art à tous.

Le texte de Magdalena a cette force nécessaire pour entrer dans le monde de Berta. Une femme qui a toujours voulu se montrer forte, défendant et vivant sa liberté- de créer, d'être artiste, de désirer, d'aimer, de ne pas procréer, de décider…

Une émancipation difficile, gagnée au coeur de la création- l'art devenant dans les derniers jours de sa vie le seul moyen de s'émanciper de la laideur de la haine antisémite, comme un espace de liberté incommensurable…

Une des lectures fortes de cette rentrée littéraire.
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