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EAN : 9782490155040
384 pages
Éditions Emmanuelle Collas (25/01/2019)
3.28/5   34 notes
Résumé :
De Kinshasa, Alia a cinq ans quand elle arrive à Bruxelles. La ville lui est étrangère, les enfants avec qui elle joue sont blancs. Son père essaie de l'aider, l'initie à la boxe, qui devient pour elle le moyen de de réprimer sa colère contre un monde hostile jusqu'au jour où elle entre dans la police. Ses collègues l'acceptent comme l'une des leurs. Mais ils veulent détruire les autres, les migrants qu'ils torturent grâce à une milice de policiers qui, comme Alia, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Alia a du caractère et est le principal personnage de ce livre. Elle a dû subir bien des épreuves et s'en est sortie grâce à sa force mentale et physique. Comme l'autrice, Grazyna Plebanek, elle fait de la boxe.
Les autres personnages sont intéressants aussi : son père, sa mère, sa tante Issa, ils sont bien dépeints;
Il y a intrinsèquement beaucoup de qualités dans ce roman, mais la mayonnaise n'a pas pris en ce qui me concerne, je me suis ennuyé souvent, j'ai trouvé le portrait fait de la police trop caricatural.
Dommage...
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Ce que j'ai ressenti:

C'est l'histoire d'une femme forte, celle d'Alia. C'est moi, Stelphique, conteuse du monde Fairy, qui vous la raconte, cette rencontre avec la Furie Futée…

Un jour, dans un pays pas si lointain, à vrai dire, collé à nous autres, une petite fille a appris le poids des mots et la force de frappe, grâce à son père mais à cause de la vie aussi, qui s'est occupée de la faire grandir avec ses deux puissances au creux de ses mains. À coups de poings dans la gueule, à coups de pieds dans ses rêves, Alia s'endurcit. Elle ne s'est pas laissé abattre, la petite Futée, elle a déjoué les attaques et s'est forgé un mental d'acier…Je n'ai pas son talent à la Furie Futée pour conter ses exploits devant un public médusé, il vous faut donc, absolument l'écouter, parce qu'elle y met des mots sauvages et poétiques sur ces histoires urbaines, et c'est tellement fort que ça vient te frapper direct…Sept fois! Sept fois sous le plexus. Sept et encore sept fois plus. Crochet du droit, crochet du gauche, danses et rugissements, laissant son adversaire, chaos. Et nous, avec.

« N'aie pas peur de la douleur. »

Elle avait des racines, cette Furie, mais on les lui a arraché…Elle avait l'innocence, mais on le lui a subtilisé. Elle avait la peau noire, mais on lui a inculqué le blanc. Elle avait deux pays dans le coeur, mais on ne lui a laissé de la place, nulle part. Elle avait une famille mais on lui a éclatée aux quatre vents…Alors, il lui est resté, que de la colère…Des gants de boxe et la rue. Parce que dans ce monde qui ne va pas bien, elle a voulu essayer de le changer. Trop furieuse de voir le racisme, la misogynie, l'injustice, la cruauté, elle a laissé la fureur la submerger…Et a réussi à la transformer…Mais une menace plane sur elle, car il est dit qu'elle serait la suivante…

"Fais quelque chose, Alia. Oppose-toi à ça!"

La Furie est devenue une femme combattante dans un monde d'hommes. Sans artifice avec la rage au ventre, elle a troqué ses atouts de féminité pour se faire respecter sur le ring et dans les rues. Elle avait des multiples possibilités, elle choisit le chemin le plus ardu. Parce que c'est une guerrière, Alya, une petite légende des temps ordinaires qui vous apparaîtra sans doute extraordinaire, une fois, que vous découvrirez, je l'espère, qui se cache derrière les contes de la Furie Futée qui vient de partout…

"Vivre dans la séparation, dans les marges, sentir que tu ne correspond à rien, qu'ils n'ont pas besoin de toi…personne ne veut ça."

Ainsi se termine ma rencontre avec la Furie Futée et il n'y a pas de morale à en tirer. Il y avait du mal et il y avait du vrai, tout cela, dans une certaine ébullition d'émotions. C'était tellement dur parfois de lire la violence et ses effets. Il est à découvrir ce roman!
Lien : https://fairystelphique.word..
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Je continue mes lectures pour le Prix des Lecteurs du Livre de Poche avec ce roman qui fait partie de la sélection de mars. C'est une totale découverte pour moi, je ne connaissais ni le roman broché ni l'autrice. J'ai trouvé le sujet du résumé très intéressant, j'aime beaucoup les romans écrits par des femmes racontant la vie de femmes. Je les trouve toujours plus sensibles et plus justes niveau pensées.

Il va donc être question ici d'Alia. Elle est née à Kinshasa, et arrive à Bruxelles au moment de ses cinq ans. Son père est un fan inconditionnel de boxe. Il a d'ailleurs féminisé le nom de Mohamed Ali pour prénommer sa fille. D'ailleurs son petit frère s'appellera Joe en hommage à Joe Frazier. La mère d'Alia, Fourmi, est très souvent aux abonnés absents avec ses enfants, elle est omnibulée par les séries télévisées, elle sort, elle boit, laissant Alia s'occuper de la maison et de son frère. Son père, est chauffeur pour un diplomate, et est un formidable conteur. Alia héritera de lui sa passion pour la boxe et les contes. Elle saura toujours transformer la réalité en histoire et la raconter à ses frères. Il y a aussi Mama Issa, la tante d'Alia, qui jouera un grand rôle dans l'éducation d'Alia, remplaçant de bien des façons sa mère. Mais le père d'Alia va repartir au Congo, et c'est la grand-mère qui arrivera alors, avec ses vieux principes, son éducation plus stricte. Alia se façonnera son identité, avec des difficultés d'adaptation à l'école du fait de ses origines. Les enfants ne sont pas tendres entre eux, ce sont les poings et les coups d'Alia qui feront qu'elle arrivera à se trouver une place. Rien ne sera simple pour elle, on lui fera toujours ressentir ses origines, sa couleur de peau. Difficile de grandir dans une telle société.

On va suivre ainsi Alia de son arrivée en Belgique à sa vie adulte, quand on la quitte, elle approche la quarantaine. Je me suis très vite attachée à elle, il est très difficile de ne pas rester insensible à ce qui lui arrive, à sa vie de petite fille qui veut tout simplement être considérée comme les autres enfants de son âge, tout en vivant des moments difficiles chez elle. Avec une mère qui ne s'occupe pas de son foyer et est complètement excentrique, toute la charge va retomber sur les épaules d'Alia. Heureusement, sa tante l'aidera beaucoup et lui apportera les valeurs humaines qu'il lui manque. On comprend très vite le choix du titre « Furie », car Alia se décrit elle-même comme une furie, tellement elle a de colère en elle face à ce qu'il se passe dans sa vie, et elle ne peut l'exprimer qu'en tapant dans son sac de boxe comme une furie.

À travers ce personnage, l'autrice fait passer énormément de messages, comme on peut se douter, sur la vie de ces Congolais en Belgique. Il ne faut pas oublier que le Congo était une colonie belge qu'ils ont eu bien du mal à quitter. Et lorsque ces mêmes Congolais viennent habiter chez le colonisateur, il est loin d'être facile pour eux de s'intégrer, surtout quand les habitants du pays sont récalcitrants. L'autrice va en profiter pour dénoncer les manquements du gouvernement belge, les milices policières, etc. J'ai beaucoup aimé cette peinture de la société des années 90, qui malheureusement, ne change pas beaucoup à notre époque.

J'ai pu apprécier le bon style de l'autrice, elle rend son récit très réaliste. Elle ressemble beaucoup à son personnage, Alia, à la seule différence qu'elle n'ont pas les mêmes origines. Elle vit elle-même à Bruxelles, elle sait donc de quoi elle parle, et de ce fait, ça ajoute beaucoup de réalisme au récit. Elle parle sans fards, elle dénonce, elle n'épargne pas ses personnages avec leurs drames, et en même temps n'épargne pas ses lecteurs. Elle dépeint la vie comme elle est, sans paillettes. Elle sait également faire passer les bons moments, les joies, l'amour que peuvent se porter les personnages. Tout n'est pas gris dans cette histoire, il y a de beaux messages d'espoir et d'entraide humaine.
Le choix narratif se fait à la troisième personne du singulier, je ne suis d'habitude pas entièrement fan de cette méthode, mais j'ai tout de même réussi à être au plus près du personnage principal et à ressentir tout ce qu'elle vit. Alia m'a très souvent émue, m'a fait sourire, je me suis sentie très proche d'elle.
Mon seul bémol porterait sur le résumé qui, pour moi, en dit beaucoup trop. Il nous parle du début, ça, ça va, mais il parle aussi du devenir d'Alia, de son travail en tant que flic. Et du coup, je m'attendais à ce que cela arrive rapidement dans le récit, et en fait non. Les deux-tiers du roman sont consacrés à la jeunesse et l'adolescence d'Alia, j'ai trouvé la partie de femme adulte pas assez développée, j'aurais aimé en savoir plus. Parce que les événements sont importants, on a affaire à une milice de policiers qui s'en prennent aux migrants, les torturent, ce sont des actes horribles et j'aurais aimé qu'ils soient plus développés. Pareil pour le final, je ne sais pas si c'est moi, mais je ne l'ai pas trouvé assez abouti, il me manque aussi des infos pour conclure l'histoire d'Alia. J'aurais aimé que l'autrice parle plus de l'immigration actuelle au travers de cette milice, j'ai trouvé que les faits de la jeunesse d'Alia et ceux de sa vie d'adulte ne sont pas proportionnés.
Les chapitres sont longs, le premier, par exemple, dure un peu plus de cent pages au format poche. Malgré tout, j'ai été tellement prise dans la vie d'Alia que je ne m'en suis pas trop rendue compte. Les chapitres sont entrecoupés par des articles de journaux de l'époque actuelle, soit 2014 et d'un chapitre sur la vie actuelle d'Alia dans son boulot de policière. Les chapitres étant longs, ceux consacrés à l'actualité sont très courts et reviennent peu souvent. J'ai ainsi dû assez souvent revenir en arrière dans ma lecture pour me remettre en tête les événements passés. Cette gestion du passé/présent m'a assez déroutée dans ma lecture.

Tout ceci n'empêche que c'est un livre bien écrit et que cela a été une bonne lecture. Alia et la vie de ses compatriotes m'a beaucoup touchée et émue. Malgré le point noir souligné au-dessus, ce roman, par son histoire, restera marqué dans ma mémoire, j'aurais beaucoup de mal à oublier cette jeune femme et sa famille. Et ce fut une belle découverte de l'autrice, elle a écrit d'autres romans, mais Furie est le seul à avoir été traduit en français. J'espère sincèrement que ses autres écrits seront traduits également, j'aimerais beaucoup la relire à nouveau.

Comme pour le premier mois de lecture du Prix des Lecteurs, j'ai fait une belle découverte grâce à lui, que je n'aurais sûrement pas fait sans lui. Franchement, je ne sais pas si je l'aurais lu, je serais passée à côté, et cela aurait été vraiment très dommage. Alors un grand merci au Livre de Poche pour cette très bonne lecture, je continue mes lectures, il m'en reste encore deux pour ce mois de mars..
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Notre auteure polonaise a choisi un mode de narration particulier, ceci, dans le but de nous décocher un ultime uppercut dans les toutes dernières pages de son livre: on y observe donc l'alternance entre le récit de la vie d'Alia, et de la famille au passé et les événements qui vont faire basculer sa vie au présent, et nous mettre au tapis par la même occasion, jusqu'à ce que les temporalités des récits finissent par se chevaucher et s'amalgamer en 2014. Avec, en plus, quelques extraits de journaux de cette même année qui font état de la découverte de corps mutilés d'hommes, probablement ceux de réfugiés. Évidemment, l'auteure laisse planer le doute sur la relation entre Alia et ces massacres, le temps d'apprendre à la connaître, de se familiariser avec chacun des membres de sa famille et de son histoire ainsi que cette dynamique familiale, bien particulière. Avec un père bientôt aux abonnés absents et une mère insouciante, irresponsable, incapable de prendre sa famille à bras le corps, on devine que c'est donc Alia l'aînée qui va devoir mûrir d'un seul coup pour prendre, en quelque sorte, la place du père, de la mère, figure de l'autorité, rôle qui était sans doute prédestiné à lui échoir.

Alia, donc, celle qui va devoir s'intégrer à une société, encore profondément ancrée dans les clichés et les a priori de toute sorte, sexistes, racistes, cette jeune fille va devoir trouver un compromis entre les us et coutumes de son pays d'origine et cette société belge, qui vient juste d'oublier – ou pas – qu'elle a été le colon, pendant près d'une cinquantaine d'années, de ce pays marqué durablement par ses exactions. Elle ne détient pas la meilleure place, loin la, entravée par ce rôle de père et de mère, absents chacun à leur façon, ce rôle de soeur aînée de deux garçons en manque de figure paternelle, cette place de jeune étrangère, dans une société encore dirigée par une majorité d'hommes blancs. Mais voilà, elle tire profit de l'héritage que lui a légué son père, cette force de caractère qui lui permet d'encaisser les coups aussi bien que d'en donner.

Les hommes absents, les femmes dirigent, survivent, Alia l'a vite compris. Elle a bien assimilé que pour trouver sa place dans ce monde, il va falloir qu'elle se la crée, à la force du poignet, du bras et du poing. Grażyna Plebanek met en scène, décrit, nourrit cette volonté d'intégration, qui mènera à Alia à s'oublier elle-même, renier ce qu'elle est et d'où elle vient. Là, l'auteure touche le coeur même de notre actualité. Grażyna Plebanek, elle-même vivant dans un pays qui n'est pas le sien, et pratiquant une langue qui n'est pas la sienne, est idéalement placée pour traiter cette question de l'intégration, bassement instrumentalisée de gouvernances, partis divers, pour justifier leur propre lâcheté et incompétence.

Àl'image du déracinement de la famille Bomaye, l'auteure exploite l'expression de la violence, ses multiples modes d'action, qui pave le chemin de cette famille congolaise, et plus particulièrement celle d'Alia depuis le jour où elle a posé le pied sur le sol belge: une violence parfois salvatrice, la boxe permet à Alia de maintenir un semblant d'ordre et de repères dans sa vie, une vie qui se veut sans aucun doute être une vie de luttes incessantes et acharnées, une épreuve d'endurance comme l'est un combat sur le ring. Mais la violence est surtout celle du mal diffus: celle de la colonisation, du déracinement, du racisme, de la ségrégation, du sexisme, du rejet. Sans oublier, celle de l'intégration, une violence ordinaire, quotidienne, parfois.

Grażyna Plebanek plante un décor, une atmosphère équivoques ou Kinshasa n'est plus si loin de Bruxelles, ou Bruxelles pas si loin de Kinshasa, on ne sait pas vraiment. Les images de la capitale congolaise abondent, entrecoupent le récit, comme s'il n'y avait jamais vraiment eu de départ. L'auteure, à travers ses différents personnages issus pourtant d'une même famille et d'une même éducation, explorent les diverses voies choisies par les uns et les autres pour aborder cette nouvelle existence, faite de concessions, d'adaptations, chacun essayant de se composer une identité différente selon leur faculté à s'adapter, à allier leur propre culture à cette société belge, essayant d'instaurer un consensus de paix, une coalition, qui somme toute, ne tient à pas grand-chose. L'auteure souligne les capacités de chacun à ne pas se perdre en route, de se construire une place dans cette société encore foncièrement raciste, et de tenir à distance le chant de ces sirènes, xenophobes, qui voudraient sacrifier chacun d'entre eux sur l'autel de leur nationalisme intransigeant. Certains composent, d'autres refusent, les désillusions s'accumulent dans ce rapport déséquilibré qui lie les colonisateurs aux colonisés. Car une fois la balance penchée d'un côté, il est bien difficile de récréer un équilibre, qui n'a finalement jamais été.

C'est avec un intérêt constant, croissant que l'on suit les tribulations de cette famille congolaise, déracinée, qui essaie de survivre dans un environnement dans lequel elle se sent totalement décalée. La colonisation a peut-être été rayée des tablettes, le lien dominant/dominé n'a pas totalement disparu pour autant en tout cas pour ceux qui sont du bon côté du panier, et il est devenu tellement ancré dans les moeurs que ces dominants trouvent cela comme allant de soi. Mais l'humiliation d'avoir perdu contrôle de son pays, de ses richesses, de soi-même, elle, n'est pas oubliée et est prête à être ravivée. Pour ceux, qui ont à peine eu le temps de comprendre ce rapport de force, l'erreur de l'oubli les guette au moindre faux pas. L'auteure a réussi: elle a su dessiner, créer dans son roman ce nouveau rapport de force pernicieux que l'on voit émerger, non pas entre dominés et dominants, mais un combat entre dominés eux-mêmes, à l'instar de ce même groupe de dominants. Qui renforce encore plus sa position. Oui, Alain Mabanckou a raison, c'est un roman « coup de poing », où les velléités nationalistes, interventionnistes, impérialistes ont réussi à créer une hiérarchie grotesque, même dans la domination.
Dès le départ, Alia est sans doute trop investie, par son père, et ensuite sa mère, porter le prénom d'un champion de boxe la condamne à la probité et l'excellence, la jeune fille est lourdement lestée dès le départ. Alia est une jeune fille à la rencontre de multiples influences, congolaises, belge, est à mi-chemin entre deux cultures, boxeuse et conteuse ambulante comme son père, courageuse, moderne et indépendante, solide et dure comme sa tante. Je vous laisse lever le voile sur le destin d'Alia, une tragédie, celle de ne plus avoir personne pour la guider, fruit de haines, de combat qui la dépasse totalement, dans laquelle elle se laisse embrigader sans n'avoir dit non. La faute est ainsi dramatiquement inversée.

En sus, nous avons une belle immersion dans cette littérature orale, à travers Eddy le conteur, dont l'héritage est repris par la fille Alia, un bel interlude poétique, aérien et irréel, dans la froide réalité belge, des assauts de ces voix congolaises dans ce quotidien froid et dur, au milieu de la dureté de la boxe. Cette littérature qui se transmet de génération en génération, prenant comme source d'inspiration les événements du quotidien.

Finalement, Alia finit par se perdre, perdre ses origines, congolaise, kinoise, sa féminité, son humanité. La réussite, et l'intégration, ont un goût bien trop amer pour en valoir le coup. L'auteur a excellé en décrivant ce cheminement qui mène au désaveu de ses racines, à décrire cette violence implacable qui mène Alia à se renier et à sa propre destruction, à l'inversement de ses valeurs. L'Europe apparaît comme un monstre engloutissant quiconque aurait la faiblesse de ne pas se méfier. Si vous en souhaitez en savoir un peu plus sur l'auteure, n'hésitez pas à regarder ce très court reportage, sous forme de question-réponse qu'a diffusé Arte, intitulé L'Europe des écrivains.



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Alia a 5 ans quand elle arrive de Kinshasa. A Bruxelles elle découvre les racines et l'identité, dont elle va se sentir privée. A son père, elle emprunte la passion de la boxe et l'art du conte. A sa mère, elle n'emprunte rien. On va suivre le parcours d'Alia, de l'école à la police en passant par un mariage blanc. Sans oublier ses frères qu'elle protège.

Parallèlement à ce parcours, Grazyna Plebanek va se livrer à une radioscopie de la Belgique. Celle des Tueurs du Brabant, celle des gouvernements manquants, celle des milices policières... J'ai même été étonné de ne pas avoir droit à l'affaire Dutroux...

L'auteure questionne aussi la famille, la perte de repères des policiers qui s'enferment dans un microcosme dont ils ne peuvent sortir, l'expression des sentiments. Des migrants sont torturés et laissés pour morts. Ce racisme qui s'exprime de manière ultra violente est un contrepoint extrême au racisme ordinaire de la société dans son ensemble.

Grazyna Plebanek raconte cela dans une langue directe, sans fards, dure, explicite. Elle n'épargne rien. Parfois on n'est pas loin d'un docu-roman, avec la fiction qui cède la place aux faits divers. le roman est construit de manière double: on progresse dans la vie d'Alia d'une part, et on fait une sorte de zoom arrière pour les meurtres de migrants. Les deux récits se télescopent en fin de livre. C'est puissant, terriblement attractif, même si ce n'est pas 100% original. Je regretterai le déséquilibre entre les deux intrigues. On se penche énormément sur la place d'Alia et des Congolais dans la société belge, et peu sur l'immigration actuelle. C'est voulu, sans doute, car les deux phénomènes sont liés. Mais j'aurais bien vu davantage de développement sur le présent.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
« Que va devenir Mama Issa ? » Elle questionna son père au bout du troisième jour de veille auprès de la malade.
« Article quinze. » Il haussa les épaules,
« Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Le quinzième article de la constitution dit ça : la base, c’est de se débrouiller tout seul. Voilà ce qu’on dit à Kinshasa.
— C’est écrit dans la constitution ?
— Non ! » Le rire d’Eddy résonna bizarrement étranger dans le sous-sol. « Nous, les gens de Kinshasa, nous avons le sens de l’humour. Même si, autour de nous, ça ne va pas, il faut s’en sortir. Rappelle-toi ça, Alia, parce que tu es de Kin’, c’est là que tu as été conçue et que tu es née. »
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Cet hiver-là, elle avait découvert que les déclarations des adultes étaient comme la neige : au début, dans les intentions, elles étaient propres, mais elles se salissaient bien vite de leurs actes. La bonne volonté s’évaporait, les émotions fondaient ou se transformaient en flaques boueuses. Il n’en restait plus rien au printemps.
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De cette conversation Alia retint encore Mama Issa qui cria :
« Tout ce qui vient de vous, les Blancs, est « classique ! La musique est classique, la littérature est classique. Et ce qui vient de nous, c’est du folklore. Quand les auteurs blancs écrivent sur l’Afrique, on les admire pour leur ouverture au monde. Mais quand les Noirs écrivent sur l’Europe ou les Etats-Unis, on les critique en disant qu’ils imitent les écrivains blancs. »
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Mama Issa soutenait mordicus que Black Sphinx, Américaine au sang haïtien, portugais, indien et russe, était la précurseuse d’une nouvelle tendance et contribuait largement à la lutte pour la libération des femmes. » Elle fume, elle boit et elle hurle sur scène. C’est ça, ta nouvelle tendance? S’emporta Bastien. En plus, elle est raciste. Elle dit que les Blancs n’ont jamais rien fait d’intéressant dans leur culture et que c’est pour cela qu’ils doivent puiser dans la culture noire.

-Mais il ne faut pas prendre ça à la lettre! La blancheur, c’est un concept, un ensemble de privilèges dont profitent les Blancs. Quand tu entres dans un magasin, les vendeuses t’accueillent comme un roi. Quand moi j’y entre, elles me suivent pour vérifier si je ne vole rien. C’est ça qui nous différencie, dit-elle en désignant sa peau sur son bras.

– Je n’aime pas les artistes qui montent les gens les uns contre les autres. » Eddy entra dans la conversation. « C’est facile de créer des antagonismes, mais c’est plus dur de trouver ce qui lie les gens.

-Parce que c’est ennuyeux, le soutient Bastien. Les gens préfèrent les énoncés en noir et blanc.

-L’art devrait être au-dessus de tout ça. » Eddy hocha la tête.

« Mais puisque je te le dis: ce n’était pas de l’art, ça, grogna Bastien.

-C’est la colère de plusieurs générations qui parle à travers elle, s’éleva Mama Issa.

-Une plouc, et c’est tout! » Bastien fit un signe de la main.

De cette conversation Alia retient encore Mama Issa qui cria: »Tout ce qui vient de vous, les Blancs, est « classique »! La musique est classique, la littérature est classique. Et ce qui vient de nous, c’est du folklore. Quand les auteurs blancs écrivent sur l’Afrique, on les admire pour leur ouverture au monde. Mais quand les Noirs écrivent sur l’Europe ou les États-Unis, on les critique en disant qu’ils imitent les écrivains blancs. »
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Vivre dans la séparation, dans les marges, sentir que tu ne correspond à rien, qu'ils n'ont pas besoin de toi...personne ne veut ça.
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