Mireille Pluchard4.7/5
5 notes
Halix de Bagard
Résumé :
Cévennes, 1398. Dame Mathilde donne le sein à Halix, fille du chevalier Bagard, et à sa dernière née, Claire. Les deux " nourrissons " partagent aussi le goût de la soie, que file le père de Claire.
L'une incarnant la fougue, l'autre la sérénité, les deux amies ambitionnent une " renaissance " de leur région, malmenées par les guerres, des désordres, la disette.
Un épisode à l'origine de l'âge d'or des Cévennes.
Dès que l'huile frémit, elle y casse deux oeufs et s'exclame, joyeuse :
_ Deux roussets* ! Voilà qui est de bon augure.
Jehan sourit à ces remarques de jeune femme superstitieuse. Ils mangent en silence, savourant le calme enveloppant de la pièce ; la cheminée que Mathilde prend bien garde de garnir en abondance - le bois désormais ne leur est plus compté - la soupe fumante et les grandes tranches de pain qui aident à crever les roussets comme un jeu voluptueux de gourmandise : tout est bombance ce soir- là. (p. 56)
* deux jaunes
Il se tait soudain. Ses yeux rivés sur le visage à jamais endormi ont cru apercevoir une larme se formant au bord de ses paupières closes. Bertrand s'approche du lit et pose une main tremblante sur le front de marbre de la gisante. Il n'a pas rêvé ; la larme en formation au bord des cils, roule sur la joue froide d'Isabel. Bertrand la boit, elle est glacée et cependant tel un baume, elle coule en son coeur, le réchauffe lentement, en tapisse les parois d'une douceur ouatée qui calme ses battements affolés.
_ Isabel, mon amour, murmure Bertrand, je vais aimer notre fille doublement par amour pour vous.
Il a suffit d'un pleur échappé du corps d'Isabel, larme d'amour posthume, larme-testament pour que messire Bertrand s'ouvre à l'amour paternel. (p. 36)
Le forgeron méticuleux a contrôlé avec le fil l'aplomb du scellement , lustré d'un revers de manche l'enseigne et, descendant de son échelle, répond en lieu et place d'une Mathilde admirative et rêveuse.
_ En tous points le modèle que vous m'avez commandé, messire : d'or à trois cardes de sable* ; l'hôtel des corporations de Nismes m'a fournit l'emblème des cardeurs et fileurs de soie.
Puis, se tournant vers Jehan :
_ Maître Cabreyret, voici le poinçon dont vous estampillerez désormais votre production. Tenez-le en lieu sûr, c'est là une étampe précieuse et de grande convoitise.
Messire Bertrand extirpe de sa pelisse une lettre patente qu'il tend à Jehan Cabreyret :
_ Ceci atteste, mon brave, que vous pouvez de plein droit commercialiser votre production par tout moyen licite en pays de France, précise-t-il, soupçonnant l'illétrisme du trahandier. (p. 46)
Et la soie naquit en Chine…
Deux mille six cent quarante ans avant notre ère, Si Ling Chi, première épouse de l’empereur de Chine Hoang Ti, savoure voluptueusement une tasse de thé au jasmin sous l’ombrage feuillu d’un mûrier. Un cocon duveteux tombe dans le liquide fumant où il semble s’effilocher. Si Ling Chi, pour s’en débarrasser, tire délicatement sur un fil ténu qui se déroule à travers le jardin.
Aussitôt, elle fait tisser ce fil solide, soyeux et précieux dans le secret le plus absolu et le commercialise à prix d’or.
Il l’aimait tant sa jeune épouse, sa femme-enfant qui lui avait donné le souffle imprévisible d’une seconde jeunesse. Si grande est sa douleur qu’il en oublie de contempler la petite fille réchauffée dans ses langes,toute rougeaude encore et même un peu fripée mais déjà si jolie que lui présente la matrone ; c’est tout juste s’il répond à sa question :
– Quel prénom voulez-vous donner, messire, à cette mignonne ?
– Nous l’appellerons Halix, comme feu ma mère, dame Halix de Soustelle, châtelaine de Bagard !
Mireille Pluchard partage ses souvenirs à la Foire du livre de Brive.
En savoir plus sur son roman "Les Souffleurs de rêves" : http://bit.ly/2Buxmzz
Dans les Cévennes, la lignée des Vilette, gentilshommes verriers, va-t-elle s?éteindre avec Elias, dernier du nom ? Une descendance inespérée scelle l?avenir de toute une dynastie et attise les rivalités de clans?