Lisez ce petit livre, surtout pour apprécier qu'encore aujourd'hui, l'écoute a autant, si ce n'est plus, de valeur que la parole.
Commenter  J’apprécie         120
Je crois donc que vous recevrez avec plaisir des leçons dont le but est de former à la sagesse celui de nos sens naturels qui, selon Théophraste, donne plus d'entrée aux passions. La vue, le toucher et le goût font éprouver à l'âme des troubles et des frayeurs moins violentes que celles que lui causent les sons et les bruits qui frappent les oreilles ; mais cet organe est encore plus fait pour la raison que pour les passions. Le vice trouve plusieurs de nos sens ouverts pour se glisser par eux jusqu'à notre âme. La vertu n'a d'autre entrée que l'organe de l'ouïe, pour s'insinuer dans le cœur des jeunes gens. Avec quelle attention faut-il donc la conserver pure, en écarter dès l'enfance le souffle corrupteur de la flatterie et la contagion des mauvais discours ! Xénocrate voulait qu'on couvrît les oreilles des jeunes gens avec plus de soin qu'on ne faisait celles des athlètes. Ceux-ci, disait-il, n'ont à craindre que des meurtrissures ; et les autres trouvent dans des conseils perfides la dépravation de leurs mœurs. Ce n'est pas qu'il leur ordonnât de fermer l'oreille à tous les discours, ce qui serait peu différent d'une entière surdité ; il leur conseillait seulement d'en écarter toute parole dangereuse, jusqu'à ce que la philosophie y eût établi ses sages maximes, qui seraient comme autant de gardes fidèles, destinés à conserver une place trop facile à se rendre.
Entreprendre d'ouvrir une porte avec une hache, ou de fendre du bois avec une clef, ce serait moins gâter ces instruments que se réduire à n'en faire aucun usage. De même, refuser ce qu'un orateur nous offre de son propre fonds, pour en exiger ce qu'il n'a pas reçu de là nature ou acquis par l'étude, c'est se priver d'un bien qu'il nous présente et se donner la réputation d'un homme méchant et malintentionné.
Suivre la raison c'est obéir à la divinité (...) le passage de l'enfance à l'âge d'homme est pour les garçons sensés non une entière indépendance, mais un changement de directeur spirituel. Au lieu d'un professeur stipendié, c'est un guide divin de la vie que l'on se donne : la raison.
Le laxisme qu'une certaine jeunesse mal élevée confond avec la liberté, laisse libre cours au pouvoir de despotes bien plus intraitables que les maîtres d'école et les pédagogues de l'enfance.
Car l'esprit n'est pas comme un vase qu'il ne faille que remplir. À la façon du bois, il a plutôt besoin d'un aliment qui l'échauffe, qui fait naître en lui une impulsion inventive et l'entraîne avidement en direction de la vérité.
« Manger de la chair » de Plutarque : le premier plaidoyer pour le végétarisme ?
Sophie nous présente ce court et lumineux texte de Plutarque dans une nouvelle traduction de Jean-François Pradeau sur les conséquences morales de l'alimentation carnée.
Plutarque (45-125). Philosophe grec formé au platonisme à Athènes, il fut également prêtre de Delphes, conférencier, historien de la philosophie et biographe. Il a mené dans son oeuvre un combat pour la reconnaissance de l'intelligence animale et pour l'obligation de justice qui lie les hommes à tous les vivants.
Jean-François Pradeau. Professeur de philosophie antique à l'université de Lyon, il dirige la revue Études platoniciennes ; il a traduit et commenté plusieurs dialogues de Platon. Il a notamment publié, aux Puf, Platon et la cité (2010) ; sous sa direction, Philosophie antique (2010) ; et avec Luc Brisson, Les Lois de Platon (2007). En 2019, il a traduit et présenté d'Aristote la "Métaphysique, Livre Alpha" (2019), "Bêta" (2021), "Gamma" (2022) et "Delta" (2023).
+ Lire la suite