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Critique de Presence


Ce tome regroupe les histoires parues dans des anthologies VO, l'une consacrée à H. P. Lovecraft, l'autre à Edgar Allan Poe.

Autant être honnête tout de suite : l'esthétique de Richard Corben m'a marqué à tout jamais. Il faut revenir au tout début des années 1970 pour prendre en pleine figure des histoires de science-fiction matinées de barbares et d'épées avec des héros bodybuildés se baladant avec tout le bazar au vent et croisant des femmes généreusement dotées par la nature et adeptes du naturisme. Ces histoires en noir et blanc ou en couleurs d'une extraordinaire vivacité s'impriment dans votre rétine pour définir l'expression "plus grand que nature". Il suffit de lire les rééditions pour s'en rendre compte : Eerie et Creepy présentent Richard Corben, tome 1, ou les introuvables histoires de Den ou de Bloodstar, Jeremy Brood (avec Jan Strnad), sans oublier la pochette de Bat Out Of Hell de Meat Loaf.

Récemment le monde des comics a reconnu l'empreinte indélébile de ce géant graphique avec des louanges de Will Eisner, Frank Miller, Robert Crumb, Moebius, Alan Moore, H.R. Giger, etc. Et Corben a repris les pinceaux pour Dark Horse Comics (Hellboy), pour Vertigo (Hellblazer) et pour Marvel (Banner, Cage, Starr the Slayer). le présent recueil consiste en des adaptations en comics de 10 histoires ou poèmes d'Edgar Allan Poe, avec des textes de Richard Margopoulos et des dessins ombrés de Richard Corben (80 pages de comics chaque histoire étant suivi par les textes originaux de Poe),et de fragments de poésie pas forcément très connus, ainsi que des nouvelles plus souvent rééditées d'Howard Philips Lovecraft (68 pages de bandes dessinées, suivi des textes de Lovecraft).

Évidemment, Corben ne peut pas se permettre une aussi grande liberté sexuelle que lorsqu'il était un artiste créant des comics publiés par des revues underground. Mais heureusement, le maître n'a rien perdu de force graphique pour les adaptations de Poe et les histoires retenues sont noires et gothiques à souhait que ce soit le poème Eulalie ou la courte nouvelle Bérénice.

Toutes les adaptations de Poe ne sont pas indispensables. On aurait pu se passer d'une énième redite du poème le corbeau. Certaines histoires sont mises en images littéralement, tandis que d'autres sont illustrées par un récit qui interprète le poème. Margopoulos et Corben respectent le ton morbide des histoires de Poe et y ajoutent une bonne dose d'humour très noir. Les personnages de Corben sont toujours aussi bien en chair et leurs visages semblent parfois sortir des années 70. Lorsque que les illustrations s'aventurent dans des décors contemporains, Corben fait mouche avec ses gangstas et ses banlieues décrépites. Et la patte du maître est toujours efficace pour faire naître l'horreur des cadavres et de la chair en décomposition. C'est un vrai plaisir que de retrouver Richard Corben en pleine forme, même si être édité par Marvel Comics le limite dans ses provocations graphiques.

Par contre, les adaptations de Lovecraft sont vraiment un niveau en dessous : elles n'apportent pas grand-chose, voire elles nuisent à l'impact de l'histoire. Si vous avez déjà lu des histoires de Lovecraft, vous savez que l'intrigue est souvent très mince, et que ce qui fait tout leur charme, c'est à la fois la mythologie des Grands Anciens et l'effroi ressenti par les personnages qui leur donnent toute leur saveur.

Or bizarrement, les concepts visuels développés par Corben pour mettre en images ces récits sont très naïfs et beaucoup trop sages. Ainsi dans Dagon, la créature indicible est montrée de manière très plate et elle a l'apparence d'une pieuvre géante de type monstre en caoutchouc pour film fauché des années 1950. Un comble pour ce maître des monstres qu'est Corben et un choix qui fait ressortir tout le ridicule de l'histoire, plutôt que son coté horrifique. de la même manière, les horreurs tapies derrière les volets de la chambre d'Erich Zann sont une simple nuée de spectres basiques, sans aucun pouvoir d'effroi.

De la même manière, Richard Corben s'avère incapable de traduire en images les sensations d'effroi et d'épouvante des personnages. du coup, la nouvelle de référence qu'est Dagon est réduit à l'histoire d'un simple naufragé sur une île désertique bizarre avec une espèce de race extraterrestre mal définie qui vénère une pieuvre géante, et un mauvais acteur qui fait des grimaces risibles.

Heureusement il y a quand même quelques histoires qui sortent du lot. Dans Un souvenir, un explorateur est confronté à la vision d'une sorcière qui a maudit l'un de ses ancêtres. Et l'aspect très terre à terre du récit permet à Corben de bien définir ses personnages et de réussir la vision de l'apparition de la sorcière. de la même manière le récit d'Arthur Jermyn réussit à capturer l'animalité de l'ancienne race de singes et la fierté aristocratique du personnage principal.

J'aurai vraiment aimé pouvoir dire que les adaptations de Lovecraft étaient exceptionnelles. Mais à part 2 exceptions, les qualités de dessinateur de Corben nuisent plutôt aux ambiances spéciales des récits de Lovecraft. Et au final j'ai pris plus de plaisir à relire les textes originaux insérés à la suite de chaque histoire, qu'à me repaître des dessins du maître.
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