En écho, la philosophie de la grammaire nous permet de percevoir, au travers des phrases ou versets, plusieurs niveaux de parole paśyantī-madhyamā-vaikharī, correspondant à la triade citée ci-dessus, intégrant les degrés intérieur, médian et extérieur. Selon le shivaïsme du Cachemire non dualiste, tous trois sont sous-tendus par un niveau plus subtil encore appelé Parole suprême, de l’ordre de l’ineffable. De plus, la théorie indienne du sens suggéré (vyañjana) vient ici nous rappeler que le sens déborde toujours le cadre verbal qui le véhicule, de là découlent l’infinie potentialité d’interprétations, la capacité de renouveler la compréhension d’une proposition qui semblait définitive. La route est libre pour celui qui aspire à la découverte.
Considéré du point de vue de l’auditeur ou du lecteur, le texte-trame est perçu par les sens indriya, analysé rationnellement par l’organe mental manas, inspiré par l’intellect intuitif buddhi, et articulé dans une forme verbale. Du point de vue de l’auteur, le processus de composition procède de la structure inverse buddhi-manas-indriya.
Mais, avant tout, pour aspirer à cette transformation, n’y a-t-il pas à laisser affleurer, passant outre frontière et résistances mentales, une prise de conscience telle que le disciple aspire plus que tout à se transformer, à se muer en héros (vīra) aventurier de l’âme ?