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EAN : 9781091887060
Inculte éditions (23/02/2013)
4.11/5   9 notes
Résumé :
El Quiñon a été construite en quelques années sur le territoire de la commune de Seseña, à environ trente- cinq kilomètres au sud de Madrid. Cet énorme ensemble d’immeubles exhibe l’évidence de son exécution rapide. Tout est également neuf. C’est la combinaison du lourd gigantisme et du sentiment de brièveté de réalisation qui stupéfie le plus, certainement, et qui donne consistance à l’image mentale d’un furieux déferlement de béton, d’un délire maçonné venant à pe... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
“J'avais rêvé de villes au loin dans la plaine.”

Anthony Poiraudeau arpente et raconte El Quiñon, énorme champignon de béton surgi de terre dans les années 2000, ville nouvelle édifiée au coeur des terres arides au sud de Madrid, un raz de marée bâti stoppé net par la crise de 2007, et il dresse le portrait de son bâtisseur mégalomane, Francisco Hernando dit El Pocero, histoire emblématique de la voracité inépuisable du système capitaliste et de l'aveuglement qui l'entoure.

L'histoire de cette crise est connue maintenant (ce qui ne suffira pas à prévenir sa répétition) : le mirage d'une croissance infinie et autarcique des prix de l'immobilier soutenu par les banques qui facilitaient l'accès au crédit, et, en Espagne notamment, par une corruption apparemment incontrôlée des élus et décideurs pour transformer les terres agricoles en terrains constructibles, jusqu'à l'effondrement de 2007.

El Quiñon, immensité bétonnée construite entre deux autoroutes, qui promettait une vie idéale en quasi-autarcie dans des tours pourvues de toutes les installations nécessaires (piscine, centres commerciaux, etc.), ville restée quasiment inhabitée et curieusement envahie d'effluves marines qui lui donnent un parfum de station balnéaire abandonnée, semble directement sortie des romans de J.G. Ballard, une vision hélas bien réelle, racontée et photographiée dans ce «Projet El Pocero».

«El Quiñon ressemble à un avant-poste hermétique implanté sur une planète reculée, qu'on aurait chargé de tester les possibilités d'une vie urbaine à la terrienne sur ces contrées méconnues. L'imagination n'a guère à altérer les perceptions des lieux pour consentir à cette transposition outre-espace. La soudaineté du surgissement de la ville, la violence du contraste qu'elle oppose aux placides ondoiements d'herbe et de terre qui l'entourent, la radicale fermeture sur elle-même font d'El Quiñon une forme urbaine crédible pour une telle science-fiction. Son éloignement aussi : El Quiñon est lointain, il résiste à la proximité, même lorsqu'on s'en approche.»

Avec cette vision obsessionnelle d'El Quiñon et de son concepteur mégalomane, Anthony Poiraudeau nous rappelle «L'usage des ruines» de Jean-Yves Jouannais, la ville inachevée et déserte semblant être les ruines déjà advenues de la guerre économique, de la folie capitaliste et de la spéculation.
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Ce pourrait être, c'est, un reportage sur ces gigantesques nouvelles villes sans assez de clients avant la crise, sans presque aucun habitant depuis, nées de la spéculation, du choix de croissance adoptée par le pays - comme une exagération de toutes les cités neuves qui bordent nos villes, exagération jusqu'à changer de nature - il y a histoire, enquête, description, sociologie (avec un fouillé et superbe portrait du maître d'ouvrage de la ville retenue, isolée, planifiée, avec ces multiplications de bâtiments obéissant à trois ou quatre types différents, répétés en cette variété limitée, abandonnée à mi-course, El Quiñon, que l'auteur dénomme projet El Pocero d'après le surnom de son auteur, financeur... avec des coups d'oeil aux rares et très refermés habitants, avec la politique locale..) avec le paysae nu et la décharge de pneus qui lui fait face, qui est son horizon.
Mais ce n'est pas du journalisme, c'est la réflexion, la perception, l'écriture d'un écrivain, et donc c'est aussi, presque surtout, l'oeil d'Anthony Poiraudeau, ses impressions en déambulant, les sensations, la chaleur, les distances, le corps perdu dans l'espace. Et c'est l'accord entre ce qui est dit et la petite série de photos sans concession regroupées à la fin du livre (jolie édition). Cela se lit avec un intérêt qui ne faiblit pas et un vrai plaisir (non de ce qui est dit, de la façon, dont ce l'est)
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Un passionnant décryptage de la folie immobilière espagnole d'avant-crise de 2008.

Publié en 2013, le premier ouvrage d'Anthony Poiraudeau nous plonge dans la frénésie immobilière spéculative espagnole de l'avant-crise de 2008, et dans la monumentale gueule de bois ayant suivi, et loin d'être achevée.

Alternant la mise en perspective de ce capitalisme hystérique, prompt à tous les excès, qui a connu l'une de ses apogées provisoires dans l'Espagne saisie de folie de l'ère Aznar, d'une part, et le patient arpentage, en géographe de terrain (à l'instar de Iain Sinclair, de Philippe Vasset ou encore de Xavier Boissel) d'une cité (presque totalement) inachevée, située à 30 km au sud de Madrid, fruit de l'hybris et de l'avidité de l'un des plus sulfureux et tapiesques promoteurs espagnols de l'époque, surnommé El Pocero et longtemps adulé par la grande presse économique, bien souvent prête à encenser l'audace "entrepreneuriale" tous azimuts, qu'elle soit comme ici particulièrement inconséquente et fallacieuse, ou non.

Une analyse et une découverte joliment menées et un récit particulièrement intéressant, légèrement décevant toutefois en termes d'écriture et de technique narrative, mais qui conduira sans aucun doute à guetter avec impatience les prochains travaux d'Anthony Poiraudeau.
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critiques presse (1)
Lhumanite
29 juillet 2013
Projet El Pocero donne à voir un rêve fou promu au rang de curiosité, de futur vestige d’un temps où la fièvre de l’or se mesurait en mètres carrés habitables. Comme si un désir de ville hors de contrôle conduisait à une fiction impossible de bitume et de béton.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Et c'est ainsi que surgit la ville. Sur la droite de l'autoroute, la vue passe au-dessus d'un mamelon pour subitement laisser voir une profusion d'énormes parallélépipèdes architecturés, tous de même hauteur,alignés les uns aux autres en colonnades courtaudes, que le travelling latéral de l'autocar fait battre en alternance avec les perspectives des rues rectilignes. La soudaineté et le gigantisme conjoints de l'apparition ne la rendent pas moins effarante qu'une épave de paquebot échouée sur un alpage ou la vision d'un iceberg au détour d'un bocage.
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Ainsi, l'une des premières images qui m'est apparue en découvrant El-Quiñon depuis l'autoroute, celle d'une colonie terrestre implantée sur une planète à l'environnement hostile, est souvent ravivée dans mon esprit par l'inhospitalité de l'espace extérieur de la ville. J'y déambule en plein vent et sous le poids du soleil, auquel les nuages ont fini par dégager la voie. Elle est aussi ranimée par la réticence des bâtiments à ouvrir leur opacité au dehors. Et le farouche mutisme qu'opposent la plus souvent à mon salut les rares personnes que je croise dans les rues ne dissipe pas ma auge sensation d'être un alien égaré...
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C'est au rythme du piéton que j'avance sur la route parallèle aux masses cyclopéennes des immeubles de brique de huit étages, bien plus larges que hauts, qui, d'où je suis, semblent construits selon un plan carré. D'énormes parallélépipèdes indifférents, dont les ouvertures se font petites, tant leurs murs aveugles les dominent en termes de surface. Des blocs d'opacité, tous volets fermés.
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Le squelette d'une ville entière en cours d'édification, surgi du paysage, commence à stupéfier les automobilistes qui l'aperçoivent le long de l'autoroute remontant d'Andalousie, et l'ampleur affichée du projet ahurit toutes les personnes qui en entendent parler.
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Cheminer quelques instants dans les allées parmi les amoncellements de pneus. Leur hauteur dépasse de loin toute taille humaine, masquant le reste du paysage. Ils remplacent les courbes du monde qui les précédait par celles que forment leur propre accumulation.
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Vidéo de Anthony Poiraudeau
A l'occasion de la 22e édition du festival Écrivains en bord de mer à La Baule, Anthony Poiraudeau répond aux questions de Guénaël Boutouillet à propos de "Churchill, Manitoba" publié aux éditions Incultes.
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