STEPHANE MALLARME = BRISE MARINE
La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
O nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend,
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant la mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, ni fertiles îlots...
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
VICTOR HUGO = DEMAIN DES L'AUBE (les Contemplations)
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées
Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur
ALFRED DE MUSSET = TRISTESSE (poésies nouvelles, 1840)
J'ai perdu ma force et ma vie
Et mes amis et ma gaieté
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire en mon génie
Quand j'ai connu la Vérité
J'ai cru que c'était une amie
Quand je l'ai comprise et sentie
J'en était déjà dégouté
Et pourtant elle est éternelle
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré
PIERRE DE RONSARD = SONNET POUR HELENE
Quand vous serez bien vieille, au soir de la chandelle
Assise auprès du feu, dévidant et filant
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant
Bénissant votre nom de louange immortelle
Je serai sous la terre et , fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos
Vous serez au foyer une vieille accroupie
Regrettant mon amour et votre fier dédain
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie
A quoi rêvent d'ailleurs les jeunes filles en fleur d'aujourd'hui ? Aux mêmes élans que leurs mères et grand-mères. Et les jeunes hommes, itou. À l'amour. L'amour que l'on ne sait dire et c'est pourquoi on écrit des poèmes. L'amour qui enflamme, qui paralyse, qui dessèche , qui fuit et qui se meurt.
Dans La Grande Librairie François Busnel reçoit :
Delphine de Vigan, Les Heures souterraines (JC Lattès)
Véronique Ovaldé pour Ce que je sais de Vera Candida (L'Olivier)
Patrick Poivre d'Arvor pour Fragments d'une femme perdue (Grasset)
Justine Lévy pour Mauvaise Fille (Stock)