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EAN : 9782738128935
240 pages
Odile Jacob (07/02/2013)
3.29/5   21 notes
Résumé :
« Lorsque je croupissais chez moi, torturé, malmené, je me disais : un jour, j'écrirai un livre sur ce que j'ai traversé, pour dire au monde l'atrocité de cette guerre de l'intime. Je me souviens alors de cette sensation que j avais de vivre dans un labyrinthe de galeries excavées à la main et de mes doigts ensanglantés par la marche à tâtons contre les rocs et la terre rugueuse qu'il me restait à creuser.
Et puis, par un bonheur que je m'explique encore mal,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Avec une surprenante lucidité, Polo Tonka réussit à nous éclairer sur les manifestations d'une maladie dont l'image, trafiquée par l'imagination collective et les discours hermétiques des spécialistes, demeurait floue. Une vue de l'intérieur fascinante.

Mon avis :

C‘est l'excellente "Tête au Carré" de France Inter qui m'a incitée à lire le témoignage à la première personne de Polo Tonka. Interrogé dans cette émission sur les origines et les manifestations de sa maladie, j'appréciais déjà son étonnante compréhension des causes, et donc, l'exposé à la fois averti et personnel qu'il pouvait faire de la schizophrénie.
Les explications complexes des spécialistes ne valent rien à côté des éclaircissements donnés par le malade lui-même, d'autant plus lorsqu'il dispose d'un recul et d'une intelligence qui lui permettent de faire comprendre simplement ce qu'il vit au quotidien.

"Tout tournait ainsi en moi dans mes synapses obnubilées. Puis, ce fut l'apparition des premières voix. Seulement, j'étais tellement d'accord avec elles qu'elles me paraissaient normales, logiques, faisant partie intégrante de mon système de pensée. Et elles me disaient :
"Tu es moche !
Tu es bête !
Tu n'as aucun talent !
Personne ne t'aime !
Suicide-toi !
Tu es nul !
Tu es une merde !
Etc."
Et tout cela s'est mis à faire un tintamarre infernal dans mon cerveau. J'avais l'impression que j'allais exploser. Puis, d'autres symptômes sont arrivés. D'abord, la lente, mais puissante vague d'anéantissement de mes souvenirs heureux. Si bien que quelques semaines après les premiers signes, j'avais déjà oublié la quasi-intégralité de mes joies passées.
Puis sont survenues une tristesse sans fondement et une anesthésie de ma volonté. Je n'arrivais plus à vouloir. La moindre action devenait complexe à moins qu'elle ne soit motivée par une brûlante passion. J'ai ainsi le souvenir très précis de tenir dans mes mains un sachet vidé de son contenu et réalisant que je n'avais pas la capacité à la mettre dans la poubelle juste à côté. Il faut préciser que chaque volonté, chaque désir, chaque envie repose à la base sur la chimie du cerveau. Si cette chimie fonctionne mal, certaines choses qui paraissent évidentes pou les sains d'esprit deviennent impossibles pour les malades que nous sommes."

Le livre débute sur la visite de "Moi-même" à "Moi", et chaque chapitre s'engage sur cette nouvelle rencontre, dans de nouveaux endroits, entre Polo Tonka, et ce que l'on devine être sa part plus sombre. Sur la fin, les deux parties sont réunies en un "Nous" prometteur. Par cette simple technique, l'auteur met en avant cette dualité dont souffrent en premier lieu les schizophrènes. Incapables de reconnaître la paternité des voix que nous entendons tous dans nos têtes, ils l'attribuent à un double maléfique.

L'auteur aborde également les principales manifestations de sa maladie.
La paranoïa, la sensation d'être assailli par des insectes, le repli autistique, les hallucinations, les voix, l'obnubilation (voir extrait principal), le jumeau maléfique …
Autant de symptômes de la maladie dont on lui cache longtemps le véritable nom. Car l'auteur aborde également son parcours médical, son rapport aux médecins et aux médicaments. Selon Polo Tonka, une grande partie des SDF seraient des malades demeurés sans soins. Cette simple phrase, au début du livre, a bouleversé mes considérations : je voyais la folie comme une conséquence de la vie dans la rue, et non pas la vie dans la rue comme une conséquence de la folie. Voilà ce que dit l'auteur a propos du traitement :

"La première chose dont j'ai compris l'importance, c'est le traitement. Certains ignares et pour tout dire, dangereux personnages estiment qu'il est mauvais pour la santé de prendre ce genre de molécules et qu'il vaut mieux affronter la vie par la seule force de la volonté. Ceux-là, oubliant au même moment qu'ils ne peuvent rien pour leur précieuse volonté puisqu'elle n'est qu'un talent particulier qui leur confère des échanges synaptiques que d'autres n'ont pas et qui sont la trace chimique de la volonté. Je prends un exemple qui me semble assez parlant, celui de l'anesthésie générale pratiquée principalement en chirurgie. L'anesthésie générale n'est pas anodine et cache notamment un risque mortel de choc anaphylactique. Pourtant personne ne refuse une AG avant une opération de prothèse de la hanche. Eh bien ! La douleur psy d'un psychotique peut être aussi violente qu'une torture physique et, donc, une anesthésie de nos humeurs devient tout aussi inéluctable.
Je prends un ton accusateur et presque moralisateur, mais pour une raison très simple. Il y a deux types de malades, ceux qui savent que le traitement leur sauve la vie et ceux qui sont dans le déni de leur maladie. Il faut comprendre que ces derniers risquent gros à rencontrer les idéalistes pharmacosceptiques, car, à cause de leur ignorance, ils risquent de faire de ces pauvres psychotiques irresponsables ce qu'on appelle des irréversibles, c'est à dire des malades bloqués à jamais dans leurs délires, sans plus la moindre chance de recouvrer la raison. Sans compter les psychotiques agressifs qui, à cause de ce genre de stupidités, peuvent passer à l'acte.
C'est pourquoi j'implore ceux qui liront cet ouvrage : ne vous improvisez pas psychiatre pour vos proches."

J'ai trouvé courageux cet appel à la raison; pour avoir croisé plusieurs fois ce qu'il appelle des "pharmacosceptiques", je n'envisageais pas la dangerosité de leurs propos sous cet angle précis. Je me rappelle que le discours des plus ignorants est toujours le plus moralisateur.
La vie dans un hôpital psychiatrique est aussi évoquée :

"(…) vous êtes obligés de laisser votre cerveau à l'entrée et dès lors, vos moindres réactions seront analysées sous le spectre de votre folie.
Si vous êtes joyeux, c'est que vous êtes exalté et si vous êtes exalté, c'est que vous êtes maniaque. Si vous êtes bougon, c'est que vous êtes en rébellion et qu'il faut vous faire comprendre que vous n'êtes pas le chef. Si vous êtes triste, c'est que vous êtes déprimé. Si vous riez beaucoup, c'est que vous êtes sur le point de délirer."

Polo Tonka découpe soigneusement les différents aspects de sa schizophrénie, multipliant les anecdotes, tout en restant fidèle à son choix de construction de dialogue, qui illustre de manière volontairement évidente, l'apparition et l'influence de son "double maléfique".

Au milieu du livre, l'auteur raconte l'illumination divine, le rapport qu'il se met subitement à entretenir avec Dieu, et les bienfaits de cette découverte sur sa maladie. J'ai lu, sur le site de Babelio, la critique d'une personne qui avouait s'être arrêtée aux détails de cette révélation mystique. Etant moi-même agnostique, mais profondément éloignée des religions actuelles, je peux comprendre ce recul. Cependant, ce passage ne tient que sur quelques pages et surtout, fait partie intégrante du parcours de l'auteur, du parcours du malade, et c'est justement à cela que je souhaitais m'intéresser en ouvrant ce livre.
Cette lecture était une fascinante plongée dans les profondeurs d'une maladie que je ne connaissais qu'à travers les définitions erronées qu'offraient des esprits imaginatifs. La littérature et le cinéma ont fait des schizophrènes des fous agressifs, particulièrement inspirants. Mais de cette transformation de la maladie à des fins artistiques découle une méconnaissance et une méfiance du malade. Ainsi, Polo Tonka explique n'avoir eu aucune information sur le mal dont il était atteint avant qu'une psychiatre lui en donne le nom; ses médecins précédents ayant sans doute craint de prononcer le terme exact de sa maladie, dont l'auteur lui-même possédait une vision déformée.

Enfin, il me faut l'avouer; ces récits intérieurs sur les maladies mentales me fascinent.
Non pas par goût pour les délires et les visions morbides, ni uniquement par intérêt sociologique, mais seulement parce que cette nouvelle ouverture sur le cerveau humain m'apparait comme prétexte à l'étude du réel.
Etant moi-même sujet à des troubles qui sont à mille lieues de cette schizophrénie dont Polo Tonka décrit si bien les conséquences, je me pose la question de savoir où se tient la folie.
Je me demande où se tient la limite, comment se franchit-elle et enfin, si nous ne regardons pas dans le mauvais sens.

Une lecture passionnante.
Lien : http://latheoriedesmasques.c..
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Dans ce livre l'auteur se parle en faisant un jeu du questions-réponses, il y passe sa jeunesse en revue et les prémices de sa folie, pour utiliser son terme. Polo Tonka étant schizophrène, je trouve cela très drôle d'avoir utilisé ce type de narration, il oscille souvent entre humour et sérieux ce qui rend la lecture très plaisante.
L'auteur y parle donc de son enfance, son adolescence, ses années lycées qui furent décisives et des premiers signes de sa schizophrénie, puis vient la dépression, la rémission, le bon diagnostic est posé, le bon traitement et trouvé mais tout ne va pas mieux pour autant, on ressent sa souffrance qui perdure malgré le fait que dans l'ensemble il aille mieux.

Dès le début on sait qu'il s'est remis de son trouble psychiatrique, puis qu'une rechute l'a poussé à écrire ce livre, et son témoignage est important pour tout ceux qui souffre, les proches et ceux qui veulent en savoir plus sur la schizophrénie. On est bien loin du cliché du « fou » des films ou séries télés, la schizophrénie est avant tout une grande souffrance personnelle.
« Tout se dire sans retenue et l'espérance d'un jour réunir ces deux parties de mon être encore séparées par le givre de la folie. » Ce dialogue est avant tout pour lui-même, pour se rapprocher d'une part de son être qu'il a laissé de côté. J'ai adoré le fait qu'il s'ouvre entièrement et sans chercher à romancer, le livre en devient émouvant et accessible à tous.
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Polo Tonka nous livre ici un témoignage hors norme. Et si ce "moi" a priori maléfique, qui l'a fait sombrer dans la "folie", pouvait devenir un allié ? Ce dialogue intérieur est l'occasion de faire le bilan sur son parcours et de nous raconter la chronologie de sa maladie. Il nous raconte sa "folie", telle qu'il la ressent au plus profond de son être, pas celle véhiculée par les médias mais celle de son quotidien. Celle qu'il a dû apprendre à apprivoiser depuis ses 18 ans. Dans ce récit, cathartique, l'auteur libère la parole de son "moi" "maléfique" pour mieux s'en libérer. C'est aussi un plaidoyer contre les idées reçues sur la schizophrénie. Son récit, qui se veut sincère et simple n'est pas dénué d'humour et a pour ambition de prouver que la schizophrénie, contrairement au discours ambiant, ne doit pas être vue comme une maladie honteuse.
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Le témoignage de Polo a ceci d'authentique qu'il me conduit par les méandres de son style haché, déstructuré quelquefois, jusqu'aux paroxysmes les plus atroces de sa maladie. il me fait ressentir cette cohabitation avec le pire en lui-même dont il voudrait à toutes forces se faire un ami. Amical, manichéen, délirant, satanique, égaré ou rassurant, quel est le vrai visage de ce double qui le possède? Un jumeau? un démon? Quoiqu'il en soit, pactiser avec lui pour apaiser cette relation semble la seule issue pour ce jeune schizophrène. Sans oublier le traitement médical antipsychotique. Et la prière, comme retour à la Source de tout amour et de toute guérison.
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Le début du livre est assez intéressant : la schizophrénie vue de l'intérieur, un dialogue entre les deux "moi" du narrateur, avec de l'humour et de la distance.
Mais quand il a commencé à dire qu'il allait mieux depuis qu'il avait retrouvé sa foi religieuse, j'ai décroché... Ce n'est pas un jugement de valeur, mais c'est juste que personnellement cela ne m'intéresse pas.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
On peut dire de l’obnubilation qu’elle est vraiment l’image typique de la perte de pouvoir intérieur. Tout d’un coup, souvent à cause d’un petit trauma -pour moi, c’était, par exemple, d’avoir regardé le troisième Star Wars au cinéma-, l’esprit se met à se scinder entre une partie à ce point sombre et maléfique qu’elle en paraît extérieure à soi, tandis que la partie que l’on associe à soi-même semble bloquée dans un coin de conscience et subit la prise de pouvoir de ce soi-même étrange, qui est soi sans l’être tout à fait. C’est d’ailleurs vraiment là le coeur de la schizophrénie qui n’est pas un dédoublement de la personnalité où les personnes intérieures se succèdent sans se reconnaître, mais plutôt une division de la pensée où les deux parties se côtoient et s’entrechoquent dans une guerre assez pénible. Vous marchez dans la rue, le visage glauque et tiré, mais votre conscience, elle, n’est habitée que par vous et vous savez qu’il n’y a qu’une seule solution pour gagner le combat : reprendre le contrôle de son visage et sourire, enfin ! Seulement, c’est impossible. Pour moi, ce n’est qu’en rentrant chez moi et en prenant rapidement mes médicaments que je peux rétablir l’équilibre. C’est une expérience qui est plus inquiétante que douloureuse. Mais effectivement inquiétante, car elle nous montre notre capacité à perdre notre pouvoir sur nous-même.
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N'ayez pas peur de nous , car nous sommes les seules victimes de nos terreurs intérieures. La psychose fait de nous des , avant toute chose, non des criminels vicieux et pervers mais de tout petits enfants. Nous ne sommes pas des monstres. Les seuls qui existent dorment en nous dans nos imaginaires. Malgré la profondeur de nos troubles, il nous appartient à nous de les dompter et finalement, de les assagir.
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La souffrance peut être un délice parce que le malheur est un sentiment plus accessible et plus reposant. Car une fois le malheur arrivé, il est facile à cultiver et, donc, procure une stabilité profonde au cœur de l'âme. Alors que le bonheur est beaucoup plus fragile. Il faut de durs efforts et beaucoup de patience et de sagesse pour apprivoiser le bonheur.
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