D’habitude, c’étaient ses personnages qui le découvraient, et non l’inverse. Ils venaient à sa rencontre avec leur identité, leurs traits, leur histoire, les registres secrets de leur personnalité, mais à partir de ce moment ils s’appropriaient son existence en pénétrant dans les interstices de sa vie mentale, en l’obligeant à dissiper ses zones d’ombre, à lever ses défenses intimes. Il s’apercevait finalement qu’il avait procédé à travers eux à une lecture de lui-même.
La vie de l’esprit, comme l’art du récit, était faite, il devait le savoir, de chemins où l’on s’engage et que l’on perd à nouveau, d’itinéraires sans ordre préconçu et qui, si d’aventure ils menaient quelque part, le faisaient au prix de longs détours.