Je ne le cacherai pas, la lecture d'Éléphants m'a beaucoup dérouté autant dans son histoire que dans le style d'écriture de l'auteur qui joue sur une dynamique et un rythme volontairement saccadé. Il y a beaucoup d'espace, des changements de paragraphes fréquents, les phrases sont tantôt brèves, tantôt longues, et l'écriture est simple et sans ornement. Les dialogues quant à eux sont aussi particuliers, très fragmentaires, ils participent à la confusion et au mystère entourant l'intrigue. Un saut de ligne marque la prise de parole et si la ponctuation est respectée, on remarque l'absence volontaire de guillemets et de tirets. Cela surprend au premier abord, mais se justifie à la lecture. Concernant le vocabulaire employé, on passe d'un registre soutenu à un registre familier selon le narrateur et leurs utilisations restent cohérentes tout au long de l'oeuvre. Enfin, comme je le soulevais pour les dialogues, la mise en page est très étonnante, mais s'accorde bien au roman. Il y a eu un véritable travail de recherche pour présenter Éléphants.
Les particularités de l'écriture et de la mise en page se retrouvent également dans le récit. Ici, il n'y a pas une seule intrigue, mais plusieurs, fragmentées. Il faudra sans doute plusieurs lectures pour parvenir à voir où l'auteur veut nous mener avec sa multitude d'histoires et de personnages, mais l'expérience s'avère intéressante. le fait de changer de contexte et de protagoniste à chaque partie de ce roman rend l'intrigue originale, mais aussi relativement complexe. le risque étant que le lecteur se décourage au fil des pages, perdu dans des histoires dont on ne sait parfois pas le début ou la fin et qui, de fait, peuvent paraître décousues.
le format de ce livre, le nombre de petits récits dont il est constitué ne laisse pas beaucoup de place au développement des personnages, qui apparaissent de façon anecdotique ou reviennent plus fréquemment. Cela peut éventuellement gêner les lecteurs qui aiment pouvoir s'identifier aux protagonistes, connaître leur vie et leurs pensées, mais n'enlève rien à l'intérêt du roman.
Michel Pommier peint ici une toile de l'humanité, en représentant différentes époques, religions, milieux et en mettant en scène des personnages dans des situations distinctes. Il est dommage néanmoins que l'auteur ne soit pas allé plus loin dans son idée, car cela nous laisse parfois l'impression que certains passages mériteraient d'être davantage développés.
La lecture d'Éléphants demande une certaine implication dans la mesure où il est nécessaire de le reprendre plusieurs fois pour comprendre l'histoire et discerner le lien établi entre les parties. Fort heureusement, des correspondances sont placées à la fin ce qui éclaircit les choses sur l'intrigue et les choix éditoriaux. Ainsi, je recommanderai ce livre et suis persuadée que certains se laisseront séduire. Je salue le choix de l'éditrice qui a permis à ce roman, certes particulier, mais non pas dénué d'intérêt, de voir le jour.