Le rêve enfantin souhaite d'abord une virginité maternelle. L'amour adolescent rompt avec ce rêve : ce n'est surtout pas sa mère qu'il désire. Mais il souhaite lui aussi une exclusivité virginale de son premier amour. Ce voeu de pureté paraît peut-être identique dans cette conjonction fortuite entre deux astres : celui de la mère, celui de la femme. Mais il ne procède pas de la même causalité. La mère est la première, la femme est la dernière. La mère naît de la mère. La femme naît du père qui l'en sépare.
Le monothéisme - qui détruisit les idoles - éleva le parricide à la puissance deux : l'image de Dieu devint taboue, de même que son nom. Ce tabou jeta aussitôt son ombre sur l'objet de son désir - d'abord la femme. Il a même contaminé ensuite l'ensemble du vivant en islam. La chrétienté se garda de cette extrémité, mais les corps furent dissimulés, dans l'art comme dans la vie. Cette prohibition dura plus de mille ans, jusqu'à la Renaissance, qui fut d'abord celle du corps.
La répression des femmes eut d'abord un motif sexuel : l'angoisse des hommes devant le féminin. Mais ce motif fut si honteux qu'il fut dissimulé derrière des prétextes de toutes sortes. Sous le couvert d'une différence dite ''naturelle'', la honte du motif sexuel fut occultée. Ce refoulement se transforma en répression - bien faite pour éponger l'angoisse en continu. Cette répression insidieuse, constante, n'écarta jamais la violence. Hier, la lapidation des femmes adultères, le bûcher pour les homosexuels, les dizaines de milliers de ''sorcières'' brûlées par l'Inquisition ; et aujourd'hui les coups à la maison ou n'importe quand dans la rue, sans compter la prostitution marchandisée à grande échelle. Une mise en minorité et un opprobre global ont enrobé et justifié cette violence. Le motif sexuel honteux, refoulé, passa donc au second plan derrière une répression culturelle.
Colette se taisait (car que dire ?) lorsque l'amour se reniait, quand il fallait changer, rompre, partir ou revenir. Elle écrivit dans ses ''Apprentissages'' que, dans ses histoires d'amour, elle était réticente dès qu'il fallait se justifier. Elle ne répondait pas aux questions, détournait le regard, partait brusquement. Elle eut la même attitude à l'égard des événements politiques, ou des drames de l'actualité. Sur les malheurs immenses de son temps, elle ne se prononça jamais, même à propos de catastrophes aussi grandes que la Première Guerre mondiale, qu'elle traversa sans trembler, sans changer ses façons de voir ni d'écrire. Comme l'écrivit Guignard, pour elle, ''le pire était normal''.
Le mysticisme fut la réponse historique toujours folle de la surréalité du féminin, et il donna leur puissance spéciale aux femmes. Son aura brilla pour toute la féminité, du Xè au XXIè siècle, jusqu'aux mannequins des défilés de mode aussi anorexiques que sainte Thérèse, top models comme elles dédiées à la séduction d'un père abstrait Noli me tangere.
Pommier. Pomme. Poum ! Tombée. Croc ! Croquée... Ne reste alors que la graine qui, une fois arrosée, donnera à son tour un pommier... pour tout recommencer. Fondé sur le plaisir de prononcer avec gourmandise des mots simples et des onomatopées, ce tout-carton graphique raconte, pour les plus petits, le cycle de la vie d'une belle pomme rouge.