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EAN : 9782070321674
224 pages
Gallimard (14/10/1976)
3.73/5   77 notes
Résumé :
Il s'agit de savoir si l'on veut faire un poème ou rendre compte d'une chose (dans l'espoir que l'esprit y gagne, fasse à son propos quelque pas nouveau). C'est le second terme de l'alternative que mon goût (un goût violent des choses, et des progrès de l'esprit) sans hésitation me fait choisir. Ma détermination est donc prise... Peu m'importe après cela que l'on veuille nommer poème ce qui va en résulter. Quant à moi, le moindre soupçon de ronron poétique m'avertit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Publié en 1952, La Rage de l'expression de Francis Ponge est un recueil essentiel dans la connaissance de l'oeuvre du poète. Je reviens des années plus tard à ce livre qui m'avait beaucoup plu à sa première lecture.

Quels points communs peut-il y avoir entre les berges de la Loire, une guêpe, un oiseau, un oeillet, du mimosa et une forêt de pins ? Peu de choses, à peu près rien en définitive. Si ce n'est peut-être la manière d'en parler... Chacun de ces lieux, chacune de ces créatures suscitent peut-être en nous des images, des sensations, font peut-être remonter des souvenirs, des impressions teintées de couleurs, de senteurs. La poésie est riche d'auteurs qui savent magnifier la nature, la sublimer et nous rendre dans leur écriture cette part d'émerveillement, de fascination qu'exerce la nature sur nous. Autant le dire, rien de tel chez Francis Ponge.

Quand il s'agit de décrire, de dépeindre la nature, de livrer nos impressions, notre regard a besoin comme d'une nécessaire mise à distance de l'objet observé qu'il soit un paysage, un oiseau ou une fleur. Nous avons besoin de nous extraire de la nature pour mieux nous en rapprocher.

Francis Ponge opère de manière toute différente, il inverse le regard en le tenant au plus près de l'objet. Chaque chose observée a son histoire, son étymologie, sa fonction. Elle est faite aussi de matière particulière et de propriétés singulières. Cette approche, cette connaissance quasi scientifique du monde et de ses objets compose tout le champ poétique de Francis Ponge.
Amoureux des mots, le poète ne veut pourtant pas céder à la tentation du beau, à un lyrisme qui ne fait que rendre compte de nos sentiments mais néglige la nature, l'essence de l'objet, même le plus familier. La poésie de Ponge est cette exigence là. C'est ce qui la rend si novatrice et si attachante aussi.

Voici ce qu'il écrivait à la fin de "Notes prises pour un oiseau" contenu dans La Rage de l'expression :

"Nous ferons des pas merveilleux, l'homme fera des pas merveilleux s'il redescend aux choses (comme il faut redescendre aux mots pour exprimer les choses convenablement) et s'applique à les étudier et à les exprimer en faisant confiance à la fois à son oeil, à sa raison et à son intuition, sans prévention qui l'empêche de suivre les nouveautés qu'elles contiennent et sachant les considérer dans leur essence comme dans leurs détails. Mais il faut en même temps qu'il les refasse dans le logos à partir des matériaux du logos, c'est-à-dire de la parole.
Alors seulement sa connaissance, ses découvertes seront solides, non fugitives, non fugaces.
Exprimées en termes logiques, qui sont les seuls termes humains, elles lui seront alors acquises, il pourra en profiter.
Il aura accru non seulement ses lumières, mais son pouvoir sur le monde.
Il aura progressé vers la joie et le bonheur non seulement pour lui, mais pour tous."

(Paris, mars-septembre 1938).
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Ce recueil "poétique" de Francis Ponge est tout à fait étonnant. Dans des thèmes de la nature (Berges de Loire, guêpes, oeillet, bois de pins, paysage de Provence), Ponge se livre à un travail très approfondi, scientifique presque, de retournement, de déconstruction de la langue du poète. Dans les notes et lettres en fin de volume, il explique tantôt, à propos du Carnet du Bois des Pins, que cela n'est pas vraiment sérieux, pour evenir plus tard à l'idée qu'il agit ici contre la poésie. Quelle part de fantaisie, de naturalisme admiratif, de provocation, d'intention critique? C'est bien difficile à dire au terme de cette lecture, qui sous des aspects répétitifs (variantes nombreuses sur chaque thème), montre comme l'aboutissement partiel d'un work-in-progress tout à fait passionnant. Et puis, il y a simplement cette magie de savoir transformer un objet, un insecte, une fleur, en sujet poétique absolu.
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Il s'agit d'une plongée fascinante dans l'atelier du poète. Loin du cliché de l'inspiration, de la poésie qui coule de source, la poésie est montrée comme une savante combinatoire, une lutte, mais plaisante, avec les mots, une forge, pour reprendre la métaphore de l'atelier, pour arriver à un alliage (ou une marqueterie en cas d'échec, quand la fusion ne prend pas). Ce qui nous est montré, ce n'est pas le travail préparatoire d'un poème dont on nous donnerait la forme aboutie, car comment mettre un terme à la recherche de l'expression parfaite, comment choisir entre d'infinies variations ? Autre difficulté dans la démarche de Ponge, qu'articule bien ce recueil : la relation complexe entre la trouvaille poétique, peut-être nécessairement subjective et dépendant des circonstances, du moment où l'objet est saisi, et la volonté de révéler une vérité objective et permanente à son sujet.

S'agit-il, dans ce recueil, de « prendre le parti des choses » ? Souvent plutôt s'exprime la volonté de les dominer, pour rendre le monde plus habitable. L'on peut d'ailleurs remarquer peut-être un contresens, ou du moins un gauchissement de la pensée de Ponge dans l'édition Folio plus Lycée, au demeurant excellente pour ceux qui travailleraient cette oeuvre pour le bac : elle insiste sur l'harmonie entre homme et objets, alors de plusieurs passages montrent plutôt une volonté de maîtrise de la nature et de l'objet. À ce propos, l'édition oublie une référence évidente en filigrane : le Discours de la méthode de Descartes, dont le recueil semble partager le but de faire des hommes « comme les maîtres et possesseurs de la nature ».

Autre point qui m'a intéressé : la Deuxième Guerre mondiale en filigrane. Cette poésie qui semble si peu liée à l'actualité est en fait un résultat de l'exode, et est déjà une façon de résister : il s'agit de dire la vérité pour lutter contre l'obscurantisme.

Enfin, deux réserves pour nuancer mon enthousiasme : tout d'abord, ce recueil n'a pas l'humour que l'on retrouve souvent dans le Parti pris des choses. de plus, quand Ponge multiplie les variations sur un même poème avec d'infimes variations, les lit-on vraiment ?
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J'aime Ponge. Je voulais sentir le jaillissement de ses mots pour exprimer l'empire imprescriptible de la chose sur l'écrivain. J'ai compris finalement pourquoi j'aimais Ponge tout en ayant horreur de la poésie, où l'on a coutume de ranger très erronément ses oeuvres; c'est lui-même qui l'explique:
"Tu saisis maintenant que, dans mon esprit, il ne s'y agit pas du tout de la naissance d'un poème mais plutôt d'un effort contre la "poésie". "(p. 170-171)
Dans cet ouvrage au titre si attrayant, il est question des berges de la Loire, de la guêpe, d'un oiseau, de l'oeillet, du mimosa, du bois de pins, de la Mounine près d'Aix-en-Provence...
de comment l'on peut arriver à apprendre quelque chose sur la nature la plus intime de toutes ces "choses", par un processus expressif en cours (in progress, dirait-on en anglais), fait de recherche de mots dans le Littré, de réécritures sans fin, de variantes, de commutations et permutations de vers "ad libitum" selon des numérotations et des représentations arithmétiques, de (trop) petits moments d'explication de cette poétique, de grands moments de doute sur la recherche en cours...
de quelques années cruciales (1938-1941) pour un homme et pour son pays, où il "faudrait [s'intéresser exclusivement] à la situation politique de la France et du monde [... à] notre propre situation, notre incertitude du lendemain..." "[...] Et c'est au "bois de pins" que je reviens d'instinct [...]" (p. 159).
Les 2 * qui manquent à ma fiche reflètent ma propre insuffisance à comprendre, non celle du texte à montrer (sinon à expliquer) comment et pourquoi il est né. Les 3 correspondent à ce que j'en ai saisi quand même...
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La rage de l'expression de Francis Ponge est cette manière de penser le monde et les choses, non pas à la manière d'un dictionnaire, mais comme un expérimentateur en constante recherche. Ce qui importe n'est pas la création d'un poème immuable et éternel, mais le parcours de création pour tenter de saisir l'homme et l'écrivain Francis Ponge. "La Rage de l'expression" est un journal et non un recueil poétique. Et cette tentative, cette recherche par l'écriture et l'expression, devient poésie.
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Je commence à percevoir un peu clairement comment se rejoignent en moi les deux éléments premiers de ma personnalité ( ?) : le poétique et le politique.
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LA GUÊPE


Extrait 2

Et si ça touche, ça pique. Autre
chose qu'un choc mécanique: un con-
tact électrique, une vibration venimeuse.
Mais son corps est plus mou — c'est-
à-dire en somme plus finement arti-
culé — son vol plus capricieux, imprévu,
dangereux que la marche rectiligne des
tramways déterminée par les rails.

p.17
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Si je me suis appliqué à l'oiseau, avec toute l'attention, toute l'ardeur d'expression dont je suis capable, et donnant même parfois le pas (par modestie raisonnée de la raison) à l'expression intuitive sur la simple description ou observation – c'est pour que nous fabriquions des aéroplanes perfectionnés, que nous ayons une meilleure prise sur le monde.
Nous ferons des pas merveilleux, l'homme fera des pas merveilleux s'il redescend aux choses (comme il faut redescendre aux mots pour exprimer les choses convenablement) et s'applique à les étudier et à les exprimer en faisant confiance à la fois à son œil, à sa raison et à son intuition, sans prévention qui l'empêche de suivre les nouveautés qu'elles contiennent – et sachant les considérer dans leur essence comme dans leurs détails. Mais il faut en même temps qu'il les refasse dans le logos à partir des matériaux du logos, c'est-à-dire de la parole.
Alors seulement sa connaissance, ses découvertes seront solides, non fugitives, non fugaces.
Exprimées en termes logiques, qui sont les seuls termes humains, elles lui seront alors acquises, il pourra en profiter.
Il aura accru non seulement ses lumières, mais son pouvoir sur le monde.
Il aura progressé vers la joie et le bonheur non seulement pour lui, mais pour nous.
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En ce qui concerne le bois de pins, je viens de relire mes notes. Peu de choses méritent d’être retenues. – Ce qui importe chez moi, c’est le sérieux avec lequel j’approche de l’objet, et d’autre part la très grande justesse de l’expression. Mais il faut que je me débarrasse d’une tendance à dire des choses plates et conventionnelles. Ce n’est vraiment pas la peine d’écrire si c’est pour cela… Bois de pins, sortez de la mort, de la non-remarque, de la non-conscience !.
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À propos de n'importe quoi, même d'un objet familier depuis des millénaires à l'homme, il reste beaucoup de choses à dire. Et il y a intérêt à ce qu'elles soient dites. Non seulement pour le progrès de la science, mais pour celui (moral) de l'homme par la science. Il y a un autre point : pour que l'homme prenne vraiment possession de la nature, pour qu'il la dirige, la soumette, il faut qu'il cumule en lui-même les qualités de chaque chose (rien de mieux à cet effet que de les dégager par la parole, de les nominer).
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Blanche Cerquiglini vous présente "La rage de l'expression" de Francis Ponge aux éditions Folio+Lycée.
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