Au jardin des délices

La première chose qui frappe est l'absence de ponctuation : pas de majuscules, de virgules, de points, de points d'interrogation, de guillemets, d'italique... Seuls des tirets cadratins ponctuent les phrases.

Dans ce cadre typographique étrange où les conventions semblent abolies, le récit commence comme un pastiche de la Genèse et prend la forme décousue d'un conte, à la fois énigmatique, onirique, poétique, fantastique, surréaliste, voire métaphysique. « Fable immémoriale de l'Apocalypse » selon l'éditeur.

Rescapé de quelque cataclysme, un homme erre seul au milieu d'une immense décharge dont il ne connaît pas les limites. Il fouille les détritus, semblant chercher quelque chose, « soupçonnant sous l'immensité des débris ce labyrinthe de mémoires un moment entrevu » (…), mû par « le désir d'explorer cet espace en apparence stérile avec l'espoir d'y trouver un jour un filon ». Ce « ramasseur de mythes et de langage, cherche le sens et la nature des choses ».
Tous les signes sont pour lui objets à déchiffrage : les inscriptions et hiéroglyphes gravés ici, les empreintes d'animaux laissées là… « son sort était de se dessécher là dans la vaine prospection de ces millénaires de scories »

Les événements s'enchaînent de façon aussi inattendue et incompréhensible que dans un rêve ou un récit dadaïste :
L'homme entre en contact avec un mort enterré sous la décharge, puis il se transforme en poisson, séjourne dans la « vallée des dents ». Une voix lui suggère de construire une arche. Il rêve cette arche et elle apparaît miraculeusement le lendemain. Il y embarque deux inconnus, mais l'arche et ses passagers disparaissent le jour suivant. Puis il construit un tour de vingt-cinq étages en papier mâché, qui s'écroule peu après…

Le lecteur – pressentant au début que le texte est métaphorique et recèle une énigme – est en remue-méninges permanent pour donner un sens à ce qu'il lit. Puis, désespérant de le voir s'éclaircir, sa curiosité devient rapidement un supplice et il a hâte d'en finir avec ce livre.