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Critique de Merik


C'est dans un village à la lisière de l'humanité que nous plonge ce roman. Grouillant de créatures crasses, difformes et ricanantes, aux moeurs décapantes. Humaines pourtant. Quand Siméon débarque dans l'auberge, c'est pour y découvrir une tenancière hilare, à califourchon sur un douanier agrippé à ses fesses, hilare également de se faire pressurer le nez pour en faire gicler le pus. Un temps d'avant le Biactol, ou d'après, un temps à ne pas mettre un troll dehors. On est dans le 16ème mois de la saison dite pourrie, la pluie incessante y défie le temps des saisons avant les 40 mois d'hiver à venir, où les animaux seront réquisitionnés pour servir de fourrure vivante. Un monde qui défie notre entendement. Seul Siméon l'écrivain semblerait venir de notre planète, bien qu'il soit heureux de débarquer là-dedans. Mais il faut dire qu'il fuit une cage en plein désert ensoleillé, alors la pluie lancinante elle tombe bien, il en a rêvé...
Ce roman aux allures de conte cruel ou fable moderne, publié en 1965, est présenté comme culte. Mystérieux et insaisissable, il est d'autant plus propice aux interprétations que son univers proche du notre est en décalage permanent. Un roman savonnette, à l'exégèse sous forme de kaléidoscope. Il parait plus sûr de parler des intentions de l'auteur, lesquelles transparaissent à travers les propos de Siméon l'écrivain (l'étranger, sorte de personnage témoin et observateur, avec son journal de bord), quand il se présente au conseil du village : «Ce que je dois écrire n'est pas beau en soi. Je puis bien vous l'avouer, ce sont des horreurs que je dois décrire, des horreurs et des souffrances surhumaines – comme par exemple la mort de ma soeur Enina- et c'est à travers cette horreur que je dois atteindre la beauté, une beauté qui purifiera le monde, qui en fera sortir le pus, mot à mot, goutte à goutte, comme d'une burette à huile. Après quoi le monde sera meilleur, et vous-mêmes serez meilleurs dans un monde plus heureux. Voilà quelle est ma science ». Si telle était aussi l'intention de Maurice Pons, le pari est réussi. Oui son (im-)monde devient beau. Sous une écriture incisive et élégante, qui rend la vision d'autant plus trouble et mystérieuse que le sujet est laid.
Un roman étonnant, à découvrir bien sûr. Et un auteur fascinant de ce que j'en ai lu, « Le passager de la nuit » lui aussi est magnifique de mystère.
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