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Critique de Fandol


Voilà un livre vraiment pas ordinaire ! Tout d'abord, Joseph Ponthus applique son titre en allant À la ligne très souvent, un peu comme dans des vers libres mais c'est une allusion directe aux travaux dont il parle, ces Feuillets d'usine que tout un chacun devrait lire pour se rendre enfin compte de ce qui se passe derrière les murs de ces établissements gourmands de main-d'oeuvre intérimaire.

Ensuite, il se passe complètement de toute ponctuation, ce dont je serais incapable mais cela n'a nullement gêné ma lecture, même lorsqu'il énumère des chanteurs, par exemple. C'est osé et c'est réussi !

« J'écris comme je pense sur ma ligne de production divaguant dans mes pensées seul déterminé
J'écris comme je travaille
À la chaîne
À la ligne »

Joseph Ponthus dont c'est le premier roman, aime écrire. Il le dit plusieurs fois mais explique sa situation : éducateur social, il a choisi de suivre son épouse en Bretagne et ne trouve plus qu'un remplacement chaque été pour exercer son métier. le reste du temps, il bosse là où on l'embauche, plutôt dans des conserveries et dans un abattoir.
Tout ce qui est écrit est vécu ou ressenti mais c'est en même temps un formidable tableau social de ce qui se passe dans ces usines qui emploient deux tiers d'intérimaires. de plus, l'auteur ne cache rien de ses souffrances physiques et morales, parle de ses rapports avec ses camarades de travail, des pauses sur lesquelles on rogne au maximum et des horaires sans oublier les problèmes de déplacement, fondamentaux quand on ne possède pas de voiture.
Il faut tenir, résister à la souffrance physique et passer ces heures interminables. Là, Joseph Ponthus a une force incroyable : sa culture, son amour et sa connaissance des auteurs, des chanteurs.
De temps en temps, il s'échappe du travail comme lorsqu'il se rend devant le monument aux morts sur l'île de Houat où est inscrit le nom de l'arrière-grand-père de son épouse, un homme qui a été tué au Chemin des Dames, en 1917. Avant de citer la formidable Chanson de Craonne, il écrit :

« Antoine le Garun
Marin pêcheur
Mort dans la Grande Boucherie
Dans la plus grande offensive inutile de la Grande Boucherie
Mais
Mort pour la France »

Ainsi, sans la moindre ponctuation, ce livre est un cri de souffrance, de douleur mais aussi d'amour et de foi dans le travail et la solidarité humaine. Ce texte a une force incroyable et devient un témoignage d'une terrible vérité lorsqu'il parle de son travail à l'abattoir. l'214 peut diffuser des vidéos mais les mots de Joseph Ponthus sont forts que les images les plus horribles.

Chaque semaine, dans Charlie Hebdo, Luce Lapin nous appelle à ouvrir les yeux et à voir les animaux comme des êtres vivants, comme nous, alors qu'ils sont abattus, découpés comme de la marchandise.

À la ligne rappelle aussi que l'homme sait si bien exploiter son semblable pour toujours plus de profit, quitte à détruire sa santé, sa vie familiale et abréger son passage sur Terre.

Dans la tête de l'auteur fourmillent sans cesse poèmes et chansons. Il invente des stratagèmes pour tenir, pour supporter la souffrance. Même les temps de repos sont pollués par l'idée de reprise du travail, ce travail tant désiré, tant recherché mais dont ce capitalisme qui règne en maître, organise la pénurie afin d'exploiter au mieux les ouvriers et de réaliser toujours plus de profits.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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