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4,3

sur 2039 notes
Quelle intelligence subtile dans ce livre de poésie original!.Jamais lu une telle description du travail à l'usine.L'humour est omniprésent dans le langage,ce qui nous permet de nous identifier au narrateur sans sombrer dans les bas fonds.On perçoit la puissance de la révolte derrière,sans cesse contenue et sublimée par la poésie.Je me demandais au fil de la lecture si ce héros n'avait pas quelque chose de masochiste à rester dans cette souffrance.Il finit par expliquer qu'il a trouvé paradoxalement un apaisement dans ces rituels usiniers, dans cette expérience éprouvante qui le conduit à l'écriture.Sa disparition cette année ajoute une émotion supplémentaire à la fin de cette lecture.
Ce livre est une vraie rencontre pour moi.
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Ce roman n'a pas une seule virgule, pas un seul point, ce que j'ai découvert en lisant les différentes critiques sur Babelio, car il se trouve que je l'ai écouté en livre audio et que cette particularité m'a échappée.
Ce qui ne m'a pas échappé en revanche, c'est le talent de Joseph Ponthus qui nous rend compte du travail à la chaîne avec ces feuillets d'usine.
Il a travaillé d'abord dans les conserveries de poissons puis à l'abattoir, en Bretagne.
Pour supporter tout ça, il écrit. de manière mécanique, machinale, encore sous le joug de la cadence infernale de la ligne et de l'absurdité de l'industrie. Quand la forme rejoint le fond.
J'ai été très touchée par ce récit, très humain qui nous décrit superbement la fatigue et la grande pénibilité occasionnées par le travail à la chaîne.
L'usine broie l'homme, le met plus bas que terre, mais il faut bien bosser, alors on y retourne et on ne se plaint pas. Pourtant, il a fait des études, a travaillé dur pour ne pas avoir un job de merde. Il a beaucoup lu aussi, et le texte est perlé de références littéraires et de chansons.
Il nous parle des autres humains, de ses collègues, camarades de misère et des "casques rouges", les patrons et commerciaux qui sont si loin de la réalité.
Certaines scènes à l'abattoir m'ont dégoûtée et sont à peine supportables.
Une belle leçon de vie, car Joseph Ponthus accepte son sort et ne regrette pas de vivre en Bretagne, près de la mer, avec sa compagne, même si ça signifie travailler à l'usine.
C'est un texte très réaliste et âpre mais dans lequel on retrouve beaucoup d'humanité, de solidarité et une forme de lumière. L'auteur n'est pas malheureux et goûte à des plaisirs simples en dehors de l'usine. J'aime beaucoup sa philosophie de vie.
J'ai aussi ri par moment car l'auteur tourne pas mal de choses en dérision et met le doigt sur l'absurdité et l'hypocrisie du monde de la production industrielle.
Un roman intelligent et humble, qui a bien mérité le Grand Prix RTL 2019 qu'il a reçu, de sa première lettre jusqu'au point final.
Gros coup de coeur !

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Excellent ! A lire absolument ! Une lecture vraiment utile !

Je suis vraiment en admiration de ces jeunes auteurs, découverts cette année :

- Nicolas Mathieu pour « leurs enfants après eux » qui dresse, à sa manière, le portrait « de ceux qui sont restés », après la fermeture des usines, dans l'Est de la France (les emblématiques hauts fourneaux).
Comme il a pu l'expliquer, il avait quelques comptes à régler avec sa région natale.

- A Joseph Ponthus pour « A la ligne » qui raconte son histoire d'ouvrier intérimaire en 2015-2017, dans l'industrie agroalimentaire en Bretagne, dans un abattoir et dans des conserveries de poissons et de crustacés.
A préciser qu'il se retrouve à l'usine n'ayant pas trouvé d'emploi d'éducateur social en Bretagne, région qu'il a rejoint, pour retrouver son épouse. Un emploi, juste alimentaire, pour un temps… Il va ainsi s'intégrer aux équipes de l'usine, « suivre le mouv. » et en baver avec eux : les horaires, la fatigue accumulée, le bruit, les odeurs, les gestes répétés, la souffrance du corps, les aberrations du système, mais aussi la fraternité et plus que jamais la liberté de penser !

Ces deux jeunes auteurs instruits et diplômés, modernes, décrivent la réalité sur la vie « des petites gens » (les invisibles), avec un style direct, parfois cru, émouvant aussi, toujours en musique et poésie.
Cette réalité fait du bien… il ne faut pas la cacher ! Sachant que la démarche de chacun est de raconter et non de dénoncer…

Je remercie sincèrement les camarades Babelio pour leurs excellentes critiques. Sans elles, je serai passée à côté de cet excellent récit.

Après avoir lu ce livre, j'ai une petite pensée… pour mon père, ouvrier d'usine, une bonne partie de sa vie. Son quotidien à lui, dans les années 70 et 80, c'était de jouer au savant fou avec des produits chimiques très dangereux pour la fabrication des encres et des colles à l'attention des imprimeurs. Comme il dit souvent « il fallait que l'on soit solide ! »… et aussi une petite pensée pour Tata Claudine, qui s'en allait, bien pomponnée, au volant de son R5, pour rejoindre sa chaine à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, dans une grande usine de cosmétique… Elle était tellement fière de travailler, d'être autonome, de plus, pour cette grande marque de luxe qui faisait tant rêver (c'était la grande classe !)… Elle aussi savait bien taire tous ses maux…
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[ Les temps modernes ]

Tu fais des études, tu ne trouves pas de travail dans ta branche, tu t'inscrits en agence d'intérim parce qu'il faut bien payer le loyer et tu te retrouves à l'usine.
C'est malheureusement assez banal. C'est ce qui est arrivé à Joseph Ponthus.
Pourtant éducateur spécialisé on se dit qu'il doit y avoir du taf… Mais non ce sera l'agroalimentaire, les conserveries de poissons, les abattoirs.
Trier des crevettes et des bulots, dépecer des poissons, égoutter du tofu, nettoyer des abats, pousser des rails de carcasses de vaches et recommencer.

L'auteur réussit un tour de force : raconter le travail, le quotidien, les horaires de dingues, l'absurdité des gestes, le corps qui souffre, le cerveau qui résiste.
Les réflexions s'enchainent, les phrases aussi, avec retour à la ligne, sans ponctuation, sans le temps de reprendre son souffle, le même rythme cadencé que celui de la chaine.
C'est un long poème réaliste qui nous conte la précarité et l'épopée ouvrière de notre époque (avec pause clope intégrée).
L'enfer prolétarien raconté par Ponthus, ça vous remue sévère, ça résonne dans la tête.
Et pourtant l'auteur parvient à inoculer dans le récit de ce purgatoire une certaine désinvolture, des références littéraires et musicales et même de l'amour quand il évoque sa femme et sa mère.

Ce premier roman est un livre fort, avec des choix forts, tant en terme de sujet que de style, mais c'est parfaitement mené.
Chapeau monsieur.
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A la page 40 j'ai failli abandonner cette lecture
Cette absence de ponctuation
à part quelques tirets de dialogues et les guillemets pour les refermer
Pas même un point d'interrogation
Il y en a pourtant des questions dans ce texte
Je n'ai pas trouvé ça pertinent au début
Et puis pourtant petit à petit il y a un rythme
C'est bien le rythme dans l'écriture
Un Objet Littéraire Non Identifié donc
Un peu poétique parfois mais pas que
Car c'est surtout un témoignage
Un témoignage sur le travail
Le travail à l'usine
l'usine agro-alimentaire mon cher Watson
La poissecaille les bulots puis l'abattoir la tuerie
Végan s'abstenir
Le travail et sa définition
Physique dur sueur et sang abrutissement contraintes fatigue asservissement fatalisme fataliste
Reste l'amour pour tenir et la vie
Chapitre 51 le travail malgré TOUT est un remède à la mère de toutes les angoisses l'infini et son vide
Chapitre 65 et ces textes qu'il n'a pas écrits l'auteur de ces lignes
et ses études supérieures en lettres Joseph Ponthus l'ouvrier intérimaire à l'abattoir
À suivre donc
Alors 4* allez salut
point
À la ligne.
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Un texte coup de poing-coup de gueule,
plein de talent , d'originalité,
de pertinence et d'impertinence,
et plein d'humanité, de petites scènes finement observées et de questionnements sincères.
Il faudrait faire lire ce livre à tout élève d'une grande école de commerce, d'économie, ou de science politique...
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Dans ces " feuillets d'usine" Joseph Ponthus trace le quotidien d'un ouvrier intérimaire qui doit chaque jour affronter la monotonie, la répétition des gestes, les difficultés d'adaptation à la transformation des aliments: Les poissons et crustacés, puis la viande . Et une écriture originale, scandée, comme le mouvement et le bruit des machines.
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Voilà, je n'avais pas prévu d'écrire une chronique sur cette oeuvre magistrale mais deux éléments aujourd'hui m'ont fait changer d'avis :

1) Je viens d 'apprendre le décès de son auteur : Joseph Ponthus mort des suites d'un cancer à 42 ans, si jeune, si talentueux. Cette nouvelle m'a bouleversée et fait réagir au point que..

2) j'en parle au petit-déjeuner (9h45) de mon aînée (17 ans et demi) en lui disant : "Bichette, il faut que tu lises un manifeste en prose génial, une merveille sociologique, un écrit d'écorché vif, un pamphlet ouvrier, une oeuvre solaire et très bien écrite, qui parle des travailleurs avec respect, du déclassement social, qui raconte le monde des Gilets Jaunes sans stigmatisation, qui écrit avec justesse et acuité sur les dérives sociétales, sur ce monde qui survit à coups de missions intérimaires lacunaires, qui étouffe aux conditions de travail rudes, humiliantes, déchirantes, parfois inhumaines et avec une très grande précarité, où la solidarité se compte en voyages routiers et en pauses "café-cigarette."

Ce à quoi ma fille a rétorqué : "Tu t'en souviens drôlement bien de ce roman !"

Et je lui ai répondu : "À la ligne est un livre qui a changé ma vie - je mange moins de viande grâce à lui et grâce à toi aussi (chère fifille végétarienne)- parce que l'épisode de l'abattoir m'a suffisamment traumatisée et fait prendre conscience de scènes décrites sans pathos (où le respect des êtres -hommes, animaux- est dépassé et trop traumatique pour qu'on puisse oublier). Un poème sans ponctuation dont le style fluide est à l'image de certains couplets : incisif, percutant, touchant, profondément humain. Un écrit à la Zola ou la Aubenas, la poésie en plus. "

Voilà, par amour pour une femme, Joseph Ponthus a quitté un poste d'éducateur spécialisé après des études littéraires de haute voltige (deux années de classe préparatoire, des études universitaires ensuite) et a rejoint le monde des travailleurs précaires, qui accumule les missions d'intérimaire dans différentes usines (poissons, viandes).

À la ligne est un témoignage d'amour à cette femme qui l'a fait grandir, un héritage instruit (aux multiples références classiques) que nous laisse Joseph Ponthus : j'aurais tellement aimé qu'il écrive plus d'écrits, d'histoires. Il possède cette rage qui bouscule et dont je ne partage pas tout le contenu. Mais la confrontation de ses idées aux miennes fait cheminer le débat qui est nécessaire.

Le titre À la ligne bien choisi résume à la fois la forme (les retours à la ligne dans le texte servent de souffle) et le fond (les lignes de production des usines - travail à la chaîne)

Voilà, j'aurais aimé que Joseph Ponthus vive plus longtemps, j'espère que sa fin de vie aura été plus apaisée. J'ai une pensée pour ses proches, pour sa femme en particulier, pour ses amis, pour ses collègues (passés ou présents).

Le succès littéraire d'À la ligne est mérité. À la ligne est un livre exceptionnel, à étudier sans délai (parce que la vie est courte, parce que les voix d'une grande pertinence méritent être entendues et lues).

Je dois cette lecture à Jérome du blog D'une berge à l'autre qui en avait fait un coup de coeur : à juste titre. Merci cher ami !
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Je sors de ce livre, bouleversée par la vérité qu'il nous balance à la figure, je le reçois comme un cri infini, au rythme des phrases jamais arrêtées, ouvertes comme des blessures à vif.
Car c'est bien de son corps souffrant dont nous parle l'auteur, un corps que l'usine achète, pour boucher les trous, pour continuer à produire vite, la précarité des uns faisant le bonheur des autres;
"je rêve d'être en grève
Comme lorsque j'avais un vrai boulot et que je ne risquais rien
Je rêve de pouvoir aller à la manif"
Ce corps il transpire, il porte, il pousse, il reste vivant dans la puanteur et la mort des bêtes. Il s'accroche à ce qui le fait tenir, revenir à l'embauche au petit matin pour les sous...le café, la clope, la pause, les pattes de crabe chapardées, en douce, trop rarement.
Ce corps, il est pourtant debout, grâce aux idées qui lui donnent la force, celles qui lui viennent des poèmes ou des chansons, celles qui lui viennent de la mémoire des luttes, de la Chanson de Craonne à la Semaine sanglante.
Ce corps tient debout par l'humanité qu'il porte, et qui éclabousse dans les mots écrits, à l'Epouse amour ou à la Mère.
Un livre pamphlet, une claque magistrale.
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À la lecture de " À la ligne : Feuillets d'usine " je ne regarde plus mon assiette de la même façon.
Intérimaires, précaires, ouvriers... tous à charge de remplir notre frigidaire et notre ventre, sans reconnaissance. Ils oeuvrent en silence dans l'ingratitude la plus totale, à l'heure où le sommeil a déjà englouti nombre de foyers.

Certains prétendent que l'origine du mot travail viendrait d'un instrument de torture, tripalium. D'autres de défendre un noyau différent exprimant le passage d'un état vers un autre.

À la ligne, à bout de souffle, sans point ni virgule... fait indéniablement corps avec un supplice dicté par la société de consommation.

Cette cadence effrénée, celle de ne pouvoir terminer une phrase sans être hors d'haleine, je la rencontre souvent... au travail. Je n'ai jamais embauché à l'usine, je me suis pourtant déjà retrouvée dans des situations de souffrances liées à la charge mentale, aux intéractions bien trop nombreuses, au stress, à la répétition... Encore une semaine, une semaine de plus...
" Demain c'est dimanche
Demain on profitera bien encore un peu de la liberté des vivants
Demain on rechignera encore à aller au lit tôt
Étant pourtant certain que l'on paiera cher lundi au réveil puis à l'embauche
Il sera toujours temps pour une nouvelle semaine
Encore une semaine "

L'auteur, épuisé physiquement, à bout de force, incapable de trois pas supplémentaires pour promener son chiot, nous conte son expérience sans fards ni poudre de fée. Son histoire telle qu'il l'a vécue. Joseph Ponthus se livre corps et âme dans ce récit profond porté par une plume accomplie.

" Je repense à ma journée
Sens mes muscles se détendre
Et
Explose en larmes contenues
Tâchant d'être fier et digne
Et ça passera
Comme tout passe
La fatigue la douleur et les pleurs
Aujourd'hui je n'ai pas pleuré"

Foenkinos dans Charlotte s'est également habilement servi du retour à la ligne, afin d'alléger notre peine et nous permettre de reprendre notre respiration.

Ici, le retour à la ligne m'a essoufflée. J'ai appréhendé les premières strophes avec difficulté. Puis, j'ai réussi à trouver mon rythme, cadencé par la musique, celle d'une complainte en slam. J'ai entendu la voix chaude et suave d'un poète slameur, Grand Corps Malade, pour habiller et faciliter ma lecture.

J'ai particulièrement apprécié les interludes "hors- usine". Une ode à la vie, la vraie vie, celle où vous respirez l'air marin en promenant votre chien, celle où vous séduisez votre épouse malgré les douleurs et la fatigue, celle où vous écrivez à votre mère qui s'inquiète pour vous...

" Dans la semaine
J'ai reçu une lettre de toi
Avec un chèque de cinquante euros
Et un adorable mot me disant de profiter
De mon weekend
De mon repos
De mon épouse
[...]

Tout va bien
J'ai du travail
Je travaille dur
Mais ce n'est rien
Nous sommes debout

Ton fils qui t'aime "

Joseph Ponthus, vibre avec les mots. L'adage est juste, coupant, acéré, étonnant, percutant et émouvant. L'auteur écrit et chante en hommage aux ouvriers trop souvent oubliés.

Lu en juillet 2019.
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