Voici un manuel pas banal, qui se propose comme un retour d'expérience, quelques conseils à mettre en oeuvre et des exemples pour déclencher une révolution, à l'image de ce que réussit à faire Otpor, une association et mouvement clandestin serbe qui contribua fortement à la chute de Milosevic.
Srdja Popovic débute donc en nous parlant de son expérience, et à l'histoire particulière d'Otpor qui, une fois Milosevic chassé du pouvoir, s'érige en une sorte d'association ou de société de conseil pour former qui le désire à des méthodes de révolution non violente. On retrouve au fil des chapitres les membres d'Otpor accompagnant des Egyptiens, des Libanais, des Syriens et j'en passe. Otpor passe d'ailleurs pour avoir aidé à l'organisation et au soulèvement lors des printemps arabes
Les méthodes proposées sont simples (parfois même trop du goût des "élèves") : paraître "cool", user et abuser de l'humour, tourner les forces de l'ordre en ridicule et les forcer à prendre des décisions absurdes pour extirper la peur qu'ils provoquent, préparer un projet commun bien au-delà de la simple démocratie ou chute du dictateur, préférer une progression lente mais sûre à des coups d'éclats violents et trop rapide, et bien sûr fédérer autour d'une cause commune.
Si l'auteur m'a plus d'une fois un peu agacée par ses justifications ou ses assertions un peu simplettes, force est de constater que certaines de ses remarques sont très pertinentes, tout comme les exemples intéressant qu'il évoque : les révolutions géorgienne et ukrainienne, les protestations chiliennes sous Pinochet, l'amour inconditionnel des Polonais pour la blague sous l'URSS, les fondations alimentaires des révolutions aux Maldives et en Israël, ou encore ce qui fit basculer tout le peuple birman en un front uni face à l'armée.
Étant dans une période de lecture féconde, j'ai aussi et sans forcément le vouloir enchaîné des ouvrages divers qui touchent à cette révolte non violente, aux dictatures et aux révolutions, et je ne peux que recommander de lire les deux tomes du château des animaux de
Xavier Dorison et
Félix Delep, où Miss Bangalore applique à la lettre certaines méthodes citées ci-dessus ; certaines notions font également échos au livre d'
Ece Temelkuran,
Comment conduire un pays à sa perte: du populisme à la dictature, et j'ai même été troublée par quelques similitudes avec du despotisme et autres essais d'Abd al-Rahman Al-Kawakibi. Et pour une description du phénomène de révolution, on pourra compléter avec les deux instructifs récits de
Ryszard Kapuscinskile Négus et
le Shah.
Mentionnons pour finir les dessous financiers pas toujours très clairs d'Otpor, souvent accusé d'être à la botte des Etats-Unis ; l'article ci-dessous paru dans le monde diplomatique est éclairant à ce sujet : https://www.monde-diplomatique.fr/2019/12/OTASEVIC/61096
https://www.monde-diplomatique.fr/2019/12/OTASEVIC/61050